
À l’école de l’homme neuronal ?
La composition du Conseil scientifique de l’éducation nationale (Csen), annoncée par le ministère en janvier 2018, a suscité des réactions polémiques abondamment relayées dans les médias. La crainte exprimée reposait sur le sentiment d’une prédominance marquée des neurosciences cognitives au sein des nominations, suspectée d’orienter le conseil d’une façon univoque, hégémonique. Mais d’autres inquiétudes, parfois plus implicites, se sont fait jour, et il serait erroné de réduire ce débat public à la simple compétition académique des disciplines.
Ainsi en est-il de l’appréhension d’une nouvelle anthropologie fondée sur une prédominance du cerveau dans la lecture des faits humains, relayant les conceptions idéologiques centrées sur le fonctionnement de la société capitaliste (marxisme) ou le sujet (psychanalyse)[1]. De plus, l’accusation de scientisme, en l’occurrence de neuro-scientisme, reflète le soupçon d’une instrumentalisation de la science, dans le contexte d’un affaissement des idéologies non religieuses. La « perte de sens » inhérente à la postmodernité induit régulièrement une telle mise en accusation, réduisant la démarche scientifique à un utilitarisme axé sur le profit et l’efficacité, eux-mêmes associés sans nuance à la promotion d’un libre-échange et d’un capitalisme « sans âme ». Ce procès la