
Désastre humanitaire et sécurité humaine. Le troisième âge de la sécurité
Promue dans les textes internationaux, la « sécurité humaine » est une expression censée pouvoir fixer une norme universelle. Mais que désigne-t-elle ? Comment cette catégorie a-t-elle été construite ? Elle marque une évolution de sens du terme sécurité, qui renvoyait jusqu’alors tout d’abord à l’ataraxie du sage puis à la souveraineté des États, et désigne a contrario un nouveau rapport au mal politique.
Les nouvelles catastrophes, celles du troisième millénaire, se laissent désormais désigner comme autant de « désastres humanitaires ». Le terme fut utilisé aussi bien au moment du tsunami de décembre 2004 (Sumatra) qu’à propos du Darfour tout au long de l’année 2007, la notion permettant d’englober à la fois les catastrophes climatiques et politiques. Le « désastre humanitaire » a même vocation sans doute à se substituer au « génocide », quand bien même il concernerait des massacres de civils. C’est que la configuration des violences n’est plus la même et le vocabulaire pour en rendre compte comprend d’autres enjeux.
Le « génocide » trouvait son inscription dans l’âge du « total » : le xxe siècle. Le siècle dernier aura été en effet le siècle du totalitarisme, des systèmes totalitaires et des idéologies totalisantes, de la guerre totale, des institutions totales. Le « total », c’est la soumission de chaque étant à une norme anonyme, qu’elle soit de production, de consommation ou de destruction. C’est une logique volontariste et systématique par laquelle l’étant se trouve administré, réquisitionné, consommé, détruit. Le « désastre humanitaire » appartient davantage à l’âge du « global ». Le « global » emporte chaque étant dans des flux qui le débordent et auxquels il n’est pas possible de résister. Chacun se trouve par là prisonnier et captif de l’extérieur, captif de circuits mondialisés de marchandises et d’images, prisonnier des trafics mondiaux qui imposent leur propre mouvement. Les réfugiés sont projetés sur les routes, les populations sont emportées dans des flux de violence qui les débordent et les noient.
Sur ces catastrophes comme « désastres humanitaires », au Darfour aujourd’hui ou en Indonésie hier, il existe d’excellents ouvrages descriptifs, des livres de témoignages saisissants. Tous nous sont indispensables et précieux. Mais j’aimerais prendre ici un point de vue forcément plus abstrait pour me demander quel nouveau concept de catastrophe se dégage aujourd’hui, et comment s’y repense notre identité contemporaine. J’ajoute que dans la nouvelle donne des relations internationales, celle de l’après-guerre froide (passage de la « guerre » au nom des intérêts vitaux d’un État souverain menacé à l’« intervention » au nom d’une humanité violentée), le « désastre humanitaire » se trouvera au premier plan pour justifier l’emploi de forces de frappe dans un pays tiers, le droit d’ingérence, l’« intervention » humanitaire ou armée. Le « désastre humanitaire » met en demeure la communauté internationale de se saisir de sa « responsabilité de protéger ».
La question du droit d’ingérence, de la possibilité d’intervenir dans un État tiers pour y sauver des populations menacées par le chaos n’est pas nouvelle. Mais quand elle avait été posée par Vitoria, Grotius ou Kant, c’était dans un cadre strictement juridique : le scandale se laissait lire en termes d’injustice et de violation du droit plutôt que de risque vital. Pendant la très longue période souverainiste de l’Europe, les figures du scandale ou de la crise seront représentées par la répression politique de minorités, la menace grandissante aux frontières, l’agression extérieure. Qu’on se souvienne, pour la période de la guerre froide, de ce qu’a pu représenter Budapest en 1956, la crise des fusées de Cuba en 1962 ou l’invasion de l’Afghanistan en décembre 1979. Ce qui faisait trembler l’ordre international et jetait le trouble dans la sécurité mondiale était alors systématiquement interprété de façon géopolitique comme menace à l’intégrité territoriale, tentation impérialiste ou violation du droit des peuples, plutôt que comme danger vital pour des individus vulnérables.
Aujourd’hui, les figures du mal politique tournent toujours davantage autour du « désastre humanitaire », et c’est dans le travail de ces figures de l’horreur politique que se dessine notre identité contemporaine. Que signifie ce déplacement ? Il correspond à notre entrée dans le troisième âge de la sécurité.
De la sécurité spirituelle à la sûreté publique
Le premier sens de la sécurité est spirituel. Le terme latin de securitas provient de la contraction de sine et curae. Il signifie l’absence de trouble ou d’inquiétude et correspond au grec ataraxia. C’est ainsi que Sénèque peut écrire : « Le propre du sage, c’est la sécurité1. » Dans les écoles de philosophie antique (chez les stoïciens, les épicuriens, les sceptiques), la sécurité désigne un certain état mental du sage. Le sage, par des techniques spirituelles supposant des exercices longs et répétés, parvient à une stabilité intérieure que rien ne peut inquiéter. Il est celui à qui rien ne peut arriver. Il peut bien tomber malade, être ruiné, perdre ses proches, voir sa réputation injustement ternie, sa sécurité intérieure n’est pas entamée et il demeure serein au milieu des tempêtes. Ce qui vient à la fois menacer et éprouver cette sécurité, ce sont très largement les malheurs de l’existence : deuils, ruines, revers de fortune. Ce sens spirituel de la « sécurité » est resté très longtemps attesté en français, comme le montre la consultation des grands dictionnaires2. Ce n’est que très tardivement que ce terme va signifier en français l’absence objective de dangers ou un ensemble de mesures de protection contre des menaces possibles. La signification politique de la notion se trouve plutôt investie en français par le terme de « sûreté ». La sécurité désigne donc, dans ce premier sens, une tranquillité intérieure de l’esprit que rien ne peut entamer, alors même que les occasions de trouble sont multiples.
Le christianisme développe sa propre conception de la sécurité à partir de l’héritage romain, et plus précisément de la nostalgie de la pax romana assurée par l’Empire (à l’époque où la déesse Securitas a pu figurer comme effigie sur les pièces de monnaie). Elle est double. La première, augustinienne, consiste à disqualifier la securitas spirituelle du sage païen, en la moquant et en faisant valoir l’unique sécurité spirituelle possible dans la foi, si ce n’est même dans la contemplation béatifique de Dieu (19e livre de la Cité de Dieu). La seconde consiste dans l’hérésie millénariste (rêve d’une période de mille ans de bonheur sur Terre, précédant le combat final contre l’Antéchrist et le Jugement dernier, période caractérisée par un état de « pax et securitas » selon la parole de saint Paul). Ces rêveries politiques seront déterminantes tout au long du Moyen Âge car elles soutiendront la politique impériale des papes ou des monarques : chacun se croira appelé à constituer la respublica christiana unifiée et à la diriger. Le souverain fait donc la guerre pour reculer indéfiniment les frontières jusqu’aux limites du monde connu et permettre ainsi l’avènement de l’« Empire des derniers Jours3 ». Un sens décisif de la sécurité s’attache à ces doctrines obscures : celui d’une sécurité obtenue par la réalisation d’une homogénéité culturelle, d’une disparition des frontières, d’une communauté de croyances et de valeurs.
À partir de l’âge classique, l’idée de sécurité (en anglais : security ; en latin : securitas ; en français comme on a vu, c’est le mot de « sûreté » qui est retenu, le terme « sécurité » restant accroché à son premier sens) se trouve au centre des grandes œuvres de philosophie politique, du Léviathan de Hobbes au Traité politique de Spinoza, du Second traité de Locke au Contrat social de Rousseau. La sécurité n’est plus pensée alors comme la condition spirituelle du sage, mais comme ce qui assure la permanence d’un État souverain et la consistance des droits fondamentaux des citoyens. Comme l’écrit Spinoza « la vertu de l’État, c’est la sécurité4 ». L’État souverain dans sa définition moderne, comme unité politique se maintenant au milieu d’autres États, tient sa consistance d’un double système de sécurité : une sécurité intérieure comprise comme paix civile garantie par la police, la justice et un bon ensemble de lois ; une sécurité extérieure comprise comme état de guerre permanent, se construisant par la dissuasion, la menace et la ruse. La sécurité alors se définit par un double processus de conservation : l’État assure par la paix civile et son système de lois la conservation des biens et des vies de ses sujets politiques et la consistance de leurs droits fondamentaux (propriété, liberté, égalité). Mais cette sécurité interne dépend d’un système de sécurité externe comme conservation de l’intégrité territoriale, garantie par une menace de guerre permanente à l’encontre des unités politiques environnantes. La catastrophe dans ce système sera représentée par les violences politiques : guerre d’agression ou guerre civile. Ce deuxième âge de la sécurité convient à une définition de la puissance comme capitalisation et clôture. La puissance d’un État se mesure surtout par l’étendue de son territoire, la quantité de ses richesses naturelles et l’importance de sa population.
L’effacement progressif de la guerre comme « conflit armé, public et juste », selon la définition originaire d’Alberico Gentilis5, nous fait entrer dans un troisième âge de la sécurité, laquelle ne sera pensée ni comme état mental du sage (c’était la définition spirituelle), ni comme consistance de l’État (c’était la définition souverainiste), mais comme protection de l’individu vivant (ce sera la définition bio-politique de la sécurité).
La démultiplication de la sécurité nationale
Ce troisième âge de la sécurité se laisse appréhender à partir de plusieurs perspectives. On assiste à partir des années 1950, en Europe, à une multiplication progressive des sens de la sécurité à travers les discours et les programmes politiques et sociaux. Elle ne se laisse plus enfermer dans le double paradigme de l’ordre public (police) et de la défense nationale (armée), mais elle va désormais recouvrir des champs de plus en plus étendus. C’est ainsi qu’on parlera de sécurité sociale, sécurité routière, sécurité humaine, sécurité sanitaire, sécurité informatique, sécurité alimentaire, sécurité énergétique, etc. L’extension indéfinie des objets fait exploser les anciens partages (sécurité intérieure/extérieure) et laisse place désormais à l’idée de « sécurité globale6 », censée s’attacher à prévenir toutes les menaces possibles, sans distinction, de la guerre d’agression à la catastrophe climatique, du terrorisme à l’épidémie. L’histoire de la globalisation progressive des sens de sécurité est longue et comprend beaucoup d’épisodes. On en relèvera ici quelques-uns qui furent décisifs.
On parlera d’abord d’une « urbanisation » de la sécurité. Ce phénomène est le plus ancien et relève de l’histoire de la police. Comme l’a bien montré Foucault, l’inspiration originaire de la police est urbaine7. Les premiers textes de Delamare ou de Von Justi donnent à la police comme premier objet le contrôle de la circulation, plutôt que le maintien de l’ordre public. Cette détermination (contrôle des flux) se révélera essentielle par la suite.
On peut évoquer ensuite une « psychologisation » de la sécurité. Le terme de sécurité devient, de Donald Winnicott à Françoise Dolto, une caractérisation essentielle de la relation de la mère à l’enfant8. La mère est réfléchie comme celle qui, par ses soins et sa sollicitude, apporte à l’enfant un sentiment de sécurité affective, essentielle à la construction du sujet. Par là, la sécurité se laisse toujours plus définir comme protection. L’État quand il prétendra assurer la « sécurité » de ses sujets prendra chaque fois davantage la mesure de son rôle dans le soin maternel. On s’éloigne définitivement de ce qu’avançait Hobbes quand il prétendait que la sûreté du peuple devait se construire par un rapport de l’État à ses sujets qui ne devait en rien être marqué par la sollicitude (care), mais par l’établissement des lois justes et l’apprentissage de l’obéissance9.
Troisièmement, on parlera d’une « humanitarisation » de la sécurité. Comme on verra, la conceptualisation d’une « sécurité humaine » tend à déconnecter la sécurité de son fondement dans un État souverain. Comme ne cessent de le répéter ses doctrinaires, la sécurité humaine se comprend comme protection vitale des individus plutôt que défense des intérêts essentiels de l’État. C’est « l’humanité » comme humanité vivante, souffrante et vulnérable qui est constituée comme ce qu’il faut protéger.
Parallèlement à cette « humanitarisation », on assiste à une technicisation de la sécurité. Je veux dire par là que les processus de sécurisation des flux de circulation (qu’il s’agisse de circulation de marchandises, objets manufacturés ou aliments, d’informations et images, de capitaux, ou enfin d’individus vivants) requièrent des technologies de plus en plus sophistiquées, coûteuses et savantes. On est loin du modèle du policier en faction sur la place publique ou du soldat en arme faisant le guet à la frontière. Ce sont aujourd’hui les ingénieurs en informatique qui sécurisent. Cette technicisation met toujours plus la sécurité entre les mains des spécialistes et creuse la distance entre le profane et l’expert. Cette tendance s’accompagne d’une privatisation de la sécurité toujours plus forte10. Les grandes compagnies privées de sécurité assurent désormais la sous-traitance généralisée de la violence, auprès des sociétés privées ayant des intérêts économiques et des installations à garantir dans des contrées dangereuses, des organisations non gouvernementales soucieuses de protéger leur personnel, mais aussi auprès d’autorités publiques, qu’il s’agisse de chefs d’État qui ne font plus confiance à leur propre armée, ou encore de Nations avancées qui préfèrent s’en remettre à des spécialistes sous contrat pour des opérations très risquées, la mort d’un soldat d’une armée nationale ou internationale étant médiatiquement plus coûteuse que celle d’un mercenaire d’une compagnie privée, même si son prix économique est inversement beaucoup plus fort.
Enfin, il faudrait évoquer pour finir la biologisation de la sécurité. L’objet de la sécurité, au double sens de sa fin et de sa cible, c’est l’individu comme entité biologique. Au sens d’une « fin » comme on verra avec la « sécurité humaine » qui se définit comme le droit pour un individu d’épanouir ses potentialités vitales, d’être protégé de la maladie, du besoin, de l’oppression politique ou de la menace terroriste. Mais aussi au sens d’une « cible », puisque la bio-sécurité11 se sert de marqueurs biologiques pour repérer, contrôler les déplacements des individus et les identifier.
Ainsi donc la sécurité, qui se comprenait dans son deuxième âge comme défense des intérêts vitaux de l’État et garantie de la conservation des biens et des personnes dans un cadre territorial donné, connaît une mutation formidable de sens. De cette mutation, je ne voudrais retenir qu’un seul signe : le passage lent de l’ennemi au suspect comme figure majeure de l’hostilité. La culture ancienne de la guerre désignait comme « ennemi » une extériorité, constituée pour un temps donné (le temps d’une bataille). L’ennemi représentait ce contre quoi il fallait se réunir et s’unifier (ennemi « commun », ennemi « public »). L’ennemi, c’était l’étranger hostile qui nous faisait nous unifier et nous rendre plus proches les uns des autres, tous soudés. L’ennemi ne nous ressemblait pas, mais nous faisait ressembler aux membres de notre communauté et nous rassembler. Il était identifiable et situé. Il permettait d’assurer la séparation de l’intérieur et de l’extérieur. Le suspect appartient à la culture nouvelle de la « sécurité globale ». Le suspect est tout proche : il est là, déjà parmi nous, au milieu des autres. Il nous ressemble et rien ne le différencie ni des autres ni de nous-même, mais il a juré notre perte. On doit apprendre ainsi à se méfier de tout le monde : le voisin, le collègue, le passant. Le suspect, c’est ce proche qui nous rend étranger à nos semblables, depuis cette nouvelle culture de la défiance. La mondialisation est sans doute à ce prix.
La sécurité humaine
C’est sur le concept de « sécurité humaine12 » que nous voudrions concentrer désormais notre attention. Ce nouveau concept est décisif tant il se construit précisément par opposition à une sécurité « stato-centrée ». La sécurité humaine se donne à penser en effet comme nouvel âge, succédant à celui des sécurités nationales. Ce changement de paradigme est justifié à partir d’une disqualification de l’État dans ses fonctions classiques de sécurité. Il s’agit de montrer que l’histoire du xxe siècle aura été celle de l’insécurité de populations soumises à un État criminel. Trois grands ordres d’événements sont régulièrement convoqués, tous convergeant vers une critique disqualifiante.
Les totalitarismes d’abord. Le « livre noir » du nazisme et du communisme est, hélas, volumineux. Entre la construction de camps de la mort ou de travail forcé pour des populations jugées indésirables, nuisibles, dangereuses (destruction des juifs d’Europe dans les camps d’extermination, ouverture en Sibérie de camps de travail forcé) et les déplacements contraints de populations entraînant des migrations désastreuses, entre les génocides programmés et la traque à mort des opposants politiques, l’État national et souverain du xxe siècle s’est converti, ici et là, en une gigantesque machine de mort.
Deuxièmement, l’aventure coloniale a entraîné, on le sait, l’exploitation infâme des indigènes auxquels on déniait souvent les droits les plus élémentaires, et parfois le massacre systématique de pans entiers de populations locales qui faisaient obstacle à la poursuite de profits. L’État colonial se comportait, par le biais de ses administrations décentralisées, comme un prédateur féroce et sans vergogne.
Enfin, l’apparition de la force de frappe nucléaire constitue le troisième élément propre à faire de l’État souverain un agent d’insécurité suprême. Le feu nucléaire représente dans l’histoire de la guerre une rupture immense : son usage mutuel entraînerait un chaos apocalyptique. Les armes de destruction n’existent que pour faire peur. Ce sont des armes impossibles et effectives. Le nucléaire, c’est la possibilité de l’impossible. La détention par un État souverain d’une arme de destruction absolue constitue bien pour lui un instrument de dissuasion décisif, mais les grandes puissances par là même garantissent la sécurité de leurs intérêts en transformant la paix en un cauchemar. Pendant toute la guerre froide, la « paix » entre les deux blocs (l’absence de guerre déclarée entre l’Union soviétique et les États-Unis) est devenue synonyme d’une épée de Damoclès indéfiniment suspendue au-dessus des populations civiles. Là encore, le sens de la sécurité devait basculer puisque les systèmes de sécurité nucléaire renvoyaient à la menace tangible de la fin des mondes.
Ces trois séries d’événements (totalitarisme, colonialisme, feu nucléaire), régulièrement rappelés par les doctrinaires de la sécurité humaine, ont donc décidément fait surgir la nécessité d’une redéfinition de la sécurité, puisque, comme l’avait pourtant établi la philosophie politique classique de Bodin à Rousseau, la sécurité des populations ne pouvait plus se déduire immédiatement et nécessairement de la sécurité des États. Les chiffres sont là, et régulièrement cités : au cours du xxe siècle, on estime que 36 millions de morts ont été causés par des guerres interétatiques, et 168 millions par des programmes gouvernementaux à l’encontre de leurs propres populations13. L’État dans sa définition classique (Nation parfaitement souveraine) et dans l’ordre géo-stratégique traditionnel (l’état de guerre permanent du réalisme politique) se trouvait radicalement disqualifié comme Defensor pacis, garantie absolue de la sécurité de ses sujets, puisqu’il impliquait désormais, dans le mouvement de son affirmation, l’insécurité des sujets. Il ne pouvait désormais être réévalué, requalifié qu’au prix d’un retournement, d’une révolution, d’une inversion des logiques. Le concept de « sécurité humaine » allait donc signifier, selon la formule de Kofi Annan, le passage des individus au service de l’État à un État au service des individus, ou encore d’une souveraineté des États à une souveraineté des individus14.
Une doctrine nouvelle de la sécurité
L’histoire de la doctrine de la « sécurité humaine » a très souvent été faite, même si elle est mal connue en France. On se contentera de rappeler ici quelques dates importantes. En 1994, le Programme pour le développement des Nations unies rend un rapport (Rapport mondial sur le développement humain) qui élargit le concept de sécurité, en ne le réduisant plus à la protection des populations au moment des conflits armés, mais en incluant sa protection contre les phénomènes climatiques, les trafics, le terrorisme, la pauvreté, les maladies, les répressions identitaires, etc.15. On y trouve par exemple la déclaration suivante : « Le sentiment de la sécurité humaine, c’est un enfant qui ne meurt pas, une maladie qui ne se propage pas, un emploi qui n’est pas supprimé, une tension ethnique qui ne dégénère pas en violence, un dissident qui n’est pas réduit au silence16 », en même temps qu’est proclamée « l’indivisibilité de la sécurité humaine sur l’ensemble de la planète ». Le rapport de 1994 constitue donc une consécration institutionnelle de la sécurité humaine, à partir de l’élargissement indéfini de l’éventail des menaces pour les populations civiles et l’insistance sur leur interdépendance. Le nouveau ministre des Affaires étrangères du Canada, Lloyd Axwhorthy, va contribuer à partir du milieu des années 1990 à populariser cette notion en en faisant le fondement de sa politique étrangère. Il participe activement à la création et au développement du Réseau de sécurité humaine qui comprend aujourd’hui une dizaine d’États membres. Par la suite, au début du nouveau millénaire, se constitue une commission sur la sécurité humaine dirigée par Sadako Ogata et comprenant de nombreux experts et intellectuels, dont Amartya Sen. La commission rend son rapport au Secrétaire général de l’Onu en 200317. Au niveau plus spécifiquement européen, ce sera sous l’impulsion de Mary Kaldor que se constituera une « doctrine de la sécurité humaine » pour l’Europe, consignée dans un rapport rédigé par un groupe d’experts et remis à Javier Solana en septembre 200418.
Dans son ensemble, la doctrine de la sécurité humaine se caractérise par un certain nombre de traits spécifiques. Premièrement, elle est portée en son origine par des États (le Canada, la Norvège, etc.) dont l’histoire n’est pas marquée par une tradition de réalisme politique cynique. D’autre part, elle se constitue dans des textes programmatiques, des agendas, des déclarations officielles, des rapports qui ont souvent pour cadre ou destinataire les grandes institutions internationales et qui servent de référence aux Ong humanitaires pour justifier leur action. Il n’existe pas de « déclaration » de la sécurité humaine comme il existe la Déclaration des droits de l’homme, mais un certain nombre de textes font référence, comme le rapport du Pnud de 1994, le discours de Lloyd Axwhorty prononcé en avril 1999 (« La sécurité des individus dans un monde en mutation19 »), le rapport de la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États sur la Responsabilité de protéger en 200120, le rapport de la Commission sur la sécurité humaine de 2003, déjà cité. Ces textes le plus souvent ne sont pas des textes d’auteur, mais constituent des rapports rédigés collectivement par des experts, ou encore portés par des personnalités académiques dont l’action le plus souvent se déploie dans le cadre d’organisations internationales.
Si l’on considère maintenant le contenu de cette doctrine, on peut remarquer d’abord qu’elle décalque sur un certain nombre de points la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1789. Du reste, la référence aux droits de l’homme, l’insistance sur la dignité humaine, la défense de la démocratie et des libertés politiques sont récurrents dans les textes. Mais cette notion se voudrait un concept à la fois élargi, synthétique et concret : il voudrait, au-delà de la défense des droits politiques du citoyen, assurer la protection et l’épanouissement des individus pris comme sujets concrets, vivants. La sécurité n’est donc pas seulement une question de paix comme absence de conflit armé, mais encore de développement économique et social, de sentiment de liberté et d’épanouissement humain. C’est ainsi que la définition qui revient le plus souvent de la sécurité humaine est : « Libération du besoin et de la peur » (“Freedom from fear, freedom from want”). Le propre de la sécurité humaine est donc de définir un éventail des menaces pratiquement illimité : les maladies, les bouleversements climatiques, les actes terroristes, la pauvreté, les trafics illicites, les exactions politiques, les inégalités en fonction des sexes. Devant le risque de dilution, certains en appellent à une définition plus stricte, mais comme chacun convient en même temps de la solidarité inextricable des causes d’un désastre humanitaire (politiques, économiques, sociales, militaires, climatiques, médicales), c’est précisément la largeur indéfinie de l’éventail des menaces qui va caractériser la sécurité humaine. Il s’agira de protéger les individus, les populations de toute menace susceptible de constituer pour eux une cause de souffrance.
J’ajouterai encore plusieurs traits caractéristiques de cette doctrine : la référence faite à de nouveaux acteurs supra-étatiques (les institutions internationales, les Ong, mais aussi des associations de la société civile, des multinationales, de grands groupes de médias) ; le thème d’une « consolidation de la paix » qui serait assurée par autre chose que des accords bilatéraux entre États fidèles aux principes du réalisme politique (menace, ruse et calcul des intérêts) ; l’importance mise sur le thème d’une gouvernance globale ; etc. En outre, ses doctrinaires considèrent comme principales victoires de la sécurité humaine l’interdiction des mines antipersonnel (convention d’Ottawa, décembre 1997), l’intervention des forces de l’Otan au moment de la crise du Kosovo et la constitution d’un tribunal pénal international.
Pour l’essentiel on peut dire que la sécurité humaine se donne l’individu vivant comme nouveau référent. La sécurité est ce qui doit assurer l’épanouissement de l’individu pris dans sa dimension vivante. Le rapport de 2003 peut ainsi définir la sécurité humaine : « protéger le noyau vital de toutes les vies humaines, d’une façon qui améliore l’exercice des libertés et facilite l’épanouissement humain21 ». La sécurité humaine est enfin définie comme disparition de la peur et du besoin, déploiement réglé et harmonieux des capacités vitales de l’individu. L’individu doit pouvoir être protégé de tous les risques, de toutes les menaces, de toutes les agressions, qu’elles soient biologiques, politiques, économiques, armées, sociales ou environnementales. C’est ainsi que la sécurité ne peut plus être simplement militaire ou policière. Car il ne s’agit plus de conserver ni un territoire ni un bien comme dans le système précédent, il s’agit d’assurer pour l’individu un milieu qui le prémunisse contre les agressions multipliées et diversifiées par le processus de mondialisation.
Les catastrophes vitales
C’est à l’intérieur en tout cas de ce nouveau cadre que le désastre humanitaire apparaît comme catastrophe majeure, succédant aux malheurs de l’existence (deuils, ruines, etc.) qui éprouvaient la sécurité comme sérénité spirituelle, et enfin aux guerres d’agression ou violences politiques qui menaçaient la sécurité des systèmes souverainistes. Dans un monde globalisé et se comprenant comme communauté d’individus vivants, souffrants, sensibles, c’est le désastre humanitaire entraînant ses hordes de réfugiés errants, nécessitant la construction de camps de secours et de survie, qui constitue la nouvelle figure du mal politique. Cette figure de la catastrophe, réfléchie dans les termes de la « sécurité humaine », se caractérise par un certain nombre de principes qu’on énumérera sans prétention d’exhaustivité, et qui font tous référence à la dimension vitale.
Premièrement, un principe d’urgence vitale. Ces catastrophes en effet ne menacent pas prioritairement l’existence politique des sujets, réduisant leur liberté d’expression ou menaçant leurs droits politiques d’organisation. Il ne s’agit pas non plus de krach économique dévaluant brutalement les richesses des populations. C’est l’existence biologique des individus qui se trouve mise en danger. Ces catastrophes dès lors exigent une réaction rapide, une riposte immédiate. L’ancien temps diplomatique des menaces graduées, des chantages, des délais, des mises en garde ou des ultimatums semble absolument proscrit. L’attentisme sera systématiquement dénoncé comme criminel. Plus radicalement encore, ce principe d’une urgence vitale empêche qu’on se mette à calculer, considérer, envisager les conséquences d’une intervention et se déterminer par rapport à elles. La responsabilité ne consiste plus à mesurer les conséquences de ses actes mais à répondre à l’urgence par un impératif de protection.
Deuxièmement, on peut parler d’un principe d’effondrement des communautés politiques. Le désastre humanitaire ne signifie, en effet, pas directement la mise en danger d’une communauté politique comme telle, d’un corps de citoyen qui serait menacé dans son identité culturelle (péril qui constituait pour Schmitt la ressource du politique). Massacrer systématiquement des populations sur des critères familiaux ou ethniques, ou bien rassembler dans des camps de secours des hordes de réfugiés pour leur assurer la survie, c’est constituer, pour les éliminer ou les préserver, les détruire ou les sauver, une masse d’individus pris dans leur dimension biologique, un pur rassemblement des corps. Je veux dire que si dans la guerre il était encore possible de voir (les philosophes classiques, de Machiavel à Hegel, ont tous chanté cet air) un lieu d’affirmation du politique, le désastre humanitaire au contraire apparaît comme un moment de dissolution biologique. De la même manière, les réfugiés forment des communautés sans projet, sans identités, n’ayant à partager, à mettre en commun que la gestion vitale de leurs corps22.
Troisièmement enfin, on peut évoquer un principe d’identification victimaire. Je veux dire par là que le sentiment d’indignation et d’horreur ressenti face à ces catastrophes provient d’une identification plus que d’une reconnaissance. La condamnation des répressions politiques supposait toujours la reconnaissance d’un peuple opprimé comme sujet de droit et reposait sur un fond revendicatif : c’était une indignation politique qui dénonçait le scandale. Dans le cas du désastre humanitaire, ce qui prévaut c’est un sentiment de compassion. Par cette vibration qui me fait sentir, à travers l’exposition médiatique qui en est faite, la vie souffrante de l’autre depuis mon propre enracinement charnel, c’est une communauté sensible qui se trouve constituée, communauté concrète des vivants.
Quatrièmement, on peut enfin parler d’un principe d’absolu scandale. Par là, il faut comprendre que le désastre humanitaire est construit comme ce qui, en chacun de nous, provoque de l’absolument indiscutable. La radicalité de la mise en cause (encore une fois c’est une question de vie ou de mort) disqualifie par avance toute approche critique, distanciée, toute reprise intellectuelle et donne à la souffrance une capacité de mise en cause radicale et sans appel.
Ces quatre principes structurent l’importance médiatico-dramatique de la catastrophe comme génocide ou désastre humanitaire. À ce point, il est je crois possible de formuler un certain nombre de remarques. Cette nouvelle figure des catastrophes, encadrée par la doctrine de la sécurité humaine, doit en effet aiguiser notre sens critique.
Il ne s’agit évidemment pas ici de s’interroger sur le bien-fondé de toute intervention concrète visant à secourir des populations en détresse, ou de relativiser un tant soit peu l’horreur des massacres, mais de s’interroger simplement sur ce système de représentations (celui de la sécurité humaine) qui, d’une part, relie systématiquement les problèmes des génocides, du réchauffement climatique, des réfugiés, de la pollution, du terrorisme, de la diffusion des virus, de la pauvreté, dans un même tissu problématique et, d’autre part, voit dans le multilatéralisme, la gouvernance globale un dépassement des logiques étatiques. On veut par là simplement s’interroger sur le discours qui soutient et autorise ce concept de sécurité humaine, en dehors de son pouvoir incontestable et fort de dénonciation des injustices et des exactions.
Si l’on est lecteur de Foucault et d’Arendt, il semble en effet que cette position du noyau vital de l’individu comme objet primordial de la sollicitude politique ne peut que susciter des interrogations. On sait que Foucault, par la constitution du thème critique d’une « biopolitique des populations » (la Volonté de savoir) et Arendt, dans l’analyse inquiète de la position de « la vie comme souverain bien » dans les sociétés contemporaines (la Condition de l’homme moderne), avaient comme par avance interrogé les conséquences d’un agir-ensemble qui prendrait ses seuls repères dans le vital. Si, en effet, la pierre de touche d’une bonne gouvernance est la protection et l’optimisation des capacités vitales de chacun, on entre dans un jeu politique où l’individu n’est plus ce qui doit être institué par une instance symbolico-politique, mais ce qui doit être protégé par une gouvernance prévenante. Je repérerai ici trois problèmes qui peuvent être posés.
Premièrement, la sécurité humaine, en projetant la vie brute des individus comme fondement ultime et radical de la sollicitude politique, fragilise la dimension d’un bien public dont la définition serait obtenue par, ou recherchée à travers, un échange rationnel de discours, le débat, la discussion et la confrontation des valeurs. La sécurité humaine donne à penser la vie de l’individu comme préalable absolu, fondement radical et fait apparaître la défense politique des droits de l’homme et l’aide économique au développement comme de simples dérivés, de telle sorte que c’est l’accompagnement de l’épanouissement harmonieux du socle vital de l’individu, de sa part biologique, qui est censé justifier la dignité juridique et sociale du sujet. Dès lors si la sécurité humaine est réfléchie comme bien universel, cet universel sera aussitôt réfléchi comme l’universel de l’élémentaire. Il n’est plus ce qui est construit, débattu mais cet élément brut donné dans et par notre définition biologique et même scientifiquement évaluable selon des normes. La sécurité humaine se construit en effet largement comme discipline scientifique, domaine de savoir propre à déterminer des seuils critiques, des normes d’évaluation, des grilles quantitatives de lecture des sociétés.
D’autre part, la sécurité humaine en plaçant la vie des individus comme butée sacrée conduit rapidement à des apories éthiques en même temps qu’à des paralysies politiques. Il suffit par exemple pour un groupe armé d’utiliser les populations civiles comme bouclier pour se trouver absolument protégé, de la même manière dont les convois humanitaires peuvent être instrumentalisés par des bandes armées prélevant au passage de quoi entretenir leurs luttes. Ce qui ne signifie surtout pas qu’il faille se résoudre à un cynisme prêt à sacrifier les populations civiles aux mânes sacrées d’un réalisme politique responsable. Il faut simplement entendre et accepter que le système de la sécurité humaine réduit fortement la marge de manœuvre de l’utilisation des forces de frappe, et ouvre la voie à l’instrumentalisation des populations civiles, et qu’à partir du moment où les souffrances des individus délimitent un espace sacré, l’ancien jeu stratégique qui calculait des « pertes » se trouve évidemment transformé, depuis ce refus a priori de tout tragique politique.
Dans la même veine problématique, je dirais que le scandale provoqué par le désastre humanitaire, en tant qu’il révèle une sensibilité démocratique nouvelle, très certainement bienvenue et décisive si elle permet d’éviter ces catastrophes ou d’en corriger les effets, pose cependant le problème de la visibilité médiatique. Notre compassion dépendra strictement de l’émotion suscitée par des images, ce qui pose en amont le problème des instances qui trient et offrent les « bonnes images ».
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Le désastre humanitaire constitue bien la catastrophe du troisième millénaire. Dans ces « désastres » comme dans nos utopies peut se lire le chiffre de notre identité contemporaine. La catastrophe, sous ses différents aspects envisagés (catastrophe climatique, sanitaire, médicale, politique, nucléaire), fait apparaître un continuum des menaces. Il en est de même de la « sécurité humaine » qui entend profiler sur un même plan le terrorisme, les bouleversements climatiques, la pauvreté ou la misère, la répression politique, la censure ou les traumatismes affectifs : autant de menaces à l’encontre de notre condition de vivant vulnérable. Ce continuum est désormais perçu de manière positive, comme une série unique d’atteintes certes différenciées mais attaquant un seul tissu, une seule trame.
On ne dira jamais assez combien ce lissage des violences est rendu possible par la médiatisation des catastrophes et la manière dont elles font spectacle à la télévision. Car ici et là, qu’il s’agisse d’un ouragan ou d’un acte terroriste, ce qu’on filme ce sont toujours les yeux du malheur, les visages tendus des victimes, des paysages de ruines : murs écroulés, sirènes d’ambulances, corps déchiquetés, enfants en larmes. Que ces désastres soient causés par l’explosion d’une bombe terroriste dans un lieu fréquenté, la projection d’un raz-de-marée sur des rives habitées, ou encore les affrontements violents de bandes armées prenant en tenaille la population civile, ces différences se fondent dans l’atroce monotonie du malheur et la ressemblance terrible des victimes.
Le profil de nos catastrophes dessine notre condition contemporaine, et implique une construction neuve du sujet politique comme entité vulnérable, réclamant la protection des responsables et des experts. La catastrophe comme désastre humanitaire participe à une redéfinition du droit : le droit n’est plus l’échange qui lie un sujet à une autorité politique dans le cadre d’une institution symbolique réciproque. Il est le mouvement d’affirmation des capacités vitales d’un individu dans l’ensemble de ses expressions.
L’homme n’est donc plus ressaisi dans le seul registre politico-juridique de la dignité, comme liberté se construisant et se déployant selon des règles à construire ensemble et la visée d’un bien commun. Il n’est plus ressaisi non plus dans le seul registre socio-économique d’une perfectibilité nourrie par un développement et une croissance généralisés. Il est ressaisi, me semble-t-il, comme fragilité, noyau de capacités vitales susceptibles d’empêchements et de blessures, vulnérabilité convoquant de la part des autorités leur « responsabilité de protéger ».
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Université Paris 12.
- 1.
« Securitas autem proprium bonum sapientis est », dans De constantia sapientis, XIII-5.
- 2.
Le Dictionnaire de l’Académie française, qui, jusqu’à l’édition de 1832, donne pour unique sens à « sécurité » : « confiance, tranquillité d’esprit ». Montaigne entend « sécurité » dans les Essais au sens de l’ataraxia grecque. Rousseau parle dans l’Émile de « sécurité de l’innocence » et dans la Nouvelle Héloïse de « sécurité de la vertu ». C’est seulement à partir du xixe siècle que « sécurité » va signifier en français, en plus de l’état mental de sérénité, une absence de dangers ou une protection objective contre des menaces possibles.
- 3.
L’utopie d’une « paix et sécurité » d’inspiration millénariste ressurgira par deux fois dans le monde contemporain : au moment de la création de la Sdn après la Première Guerre mondiale ; au moment du premier conflit irakien avec la promesse d’un « nouvel ordre mondial ».
- 4.
« Imperii virtus securitas », Traité politique, I-6.
- 5.
De jure belli, I-II (Belli Definitio).
- 6.
Voir, pour la définition de ce nouveau concept, les articles de Jacques Roujanski et Matthieu Meerpoël dans le premier numéro d’une nouvelle revue dont le titre est précisément Sécurité globale (automne 2007, Choiseul éditions).
- 7.
Voir « Omnes et singulatim », dans Michel Foucault, Dits et écrits, Paris, 1994, t. IV, p. 134-161, ainsi que le cours du 29 mars et 5 avril 1978 (Sécurité, territoire, population, Paris, Gallimard-Le Seuil, coll. « Hautes études », 2004).
- 8.
Voir l’article « Sécurité de base », dans R. Doron et F. Parot (sous la dir. de), Dictionnaire de psychologie, Paris, Puf, 1998.
- 9.
« On n’attend pas que ce résultat [la sûreté du peuple] soit obtenu par une sollicitude (care) qui s’exercerait à l’endroit des individus […], mais plutôt qu’on y pourvoie par des mesures générales, consistant d’une part dans un enseignement officiel (dispensé à la fois par des leçons et par l’exemple), de l’autre dans la confection et application de bonnes lois », Léviathan, II-XXX, trad. F. Tricaud, Sirey, 1971, p. 357.
- 10.
Voir sur ce point Xavier Renou avec la collab. de Philippe Chapleau, Wayne Madsen, François-Xavier Verschave, la Privatisation de la violence : mercenaires et sociétés militaires privées au service du marché, Marseille, Agone, 2005, ainsi que le collectif dirigé par J.-J. Roche, Insécurités publiques, sécurité privée, Paris, Economica, 2005 et O. Hubac (sous la dir. de), Mercenaire et polices privées, Paris, Universalis, 2005.
- 11.
Le concept de « bio-sécurité » développé depuis quelques années recouvre trois domaines : la défense de la diversité biologique (bio-sécurité au sens du protocole de Cartagena), la mise au point de stratégies de défense contre le bio-terrorisme, enfin une technique de repérage et d’identification des individus à partir de marqueurs biologiques. C’est à ce dernier sens que nous faisons référence ici.
- 12.
Sur la sécurité humaine, on lira avec profit : Jorge Nef, Human Security and Mutual Vulnerability, Ottawa International Development Research Centre, 1999 ; Jean-François Rioux (sous la dir. de), la Sécurité humaine : une nouvelle conception des relations internationales, Paris, L’Harmattan, 2001 ; E. Newman et O. P. Richmond, The United Nations and Human Security, Basingstoke, 2001 ; M. Kaldor, Human Security: Reflections on Globalization and Intervention, Cambridge, Malden, 2006 ; Shahrbanou Tadjbakhsh et Anuradha M. Chenoy (eds), Human Security: Concepts and Implications, Londres, Routledge, 2007.
- 13.
R. Rummel, Death by Governement, New Brunswick (NJ), Transaction Publisher, 1994.
- 14.
Discours prononcé devant la 54e Assemblée générale de l’Onu le 20 septembre 1999, repris partiellement dans Le Monde du 22 septembre 1999 (« Deux concepts de souveraineté »).
- 15.
Cet élargissement était déjà présent dans un certain nombre de cercles académiques et universitaires qui avaient réfléchi à la sécurité « globale », « sociétale », « coopérative », etc. (voir les ouvrages de B. Buzan, l’école de Copenhague, etc.).
- 16.
Rapport mondial sur le développement humain (chap. 2 : « Les nouvelles dimensions de la sécurité humaine »), 1994, Paris, Economica, p. 23.
- 17.
La Sécurité humaine maintenant. Rapport de la Commission sur la sécurité humaine (trad. Fauvette Vanderschoot), Paris, Presses de Sciences-Po, 2003.
- 18.
M. Glasius et M. Kaldor, A Human Security Doctrine for Europe, Londres, Routledge, 2006.
- 19.
Reproduit dans Politique étrangère, 1999, 64/2.
- 20.
La Responsabilité de protéger, Ottawa, Centre de recherche pour le développement international, 2001.
- 21.
La Sécurité humaine maintenant…, op. cit., p. 17.
- 22.
Voir dans cette perspective le livre de M. Agier, Au bord du monde. Les réfugiés, Paris, Flammarion, 2002.