Rêves cosmiques et mondes flottants
« Nous sommes tous des astronautes et nous n’avons jamais été autre chose [1] », prophétisait Richard Buckminster Fuller. L’architecte américain visionnaire acquiert une célébrité mondiale avec la coupole géodésique du pavillon des États-Unis à l’exposition universelle de Montréal en 1967. Avec ce dôme quasi planétaire, la grande puissance se voyait ainsi représentée dans ses ambitions globales. Dans ses œuvres plus tardives, Fuller passe à une dimension supérieure en imaginant des coupoles géodésiques flottantes, « satellites terrestres artificiels à l’intérieur de l’atmosphère » qui allaient créer de nouveaux espaces habitables : de petits satellites sphériques habités tourneraient ainsi en orbite autour de la Terre… Les dômes de Fuller, destinés à manifester l’interaction harmonieuse des forces, marquent l’imaginaire du xxe siècle et dominent largement l’exploration de la sphère en architecture, d’Adam Olearius (1603-1671) à Rem Koolhaas[2].
Mais le globe et la modernisation n’existent plus, comme l’écrit Bruno Latour, qui convoque les dernières découvertes scientifiques, notamment celles des géochimistes qui donnent à voir une toute autre planète Terre en se penchant sur la « zone critique », cette mince pellicule superficielle de la Terre où l’eau, le sol, le sous-sol et le monde du vivant interagissent