Robert Castel
Il y a presque trente ans, on enterrait ici Françoise, la femme de Robert, la femme de sa vie… Car il faut bien qu’il y en ait une pour que s’installe cette part d’inconditionnalité qui fait qu’un couple dure et que la vie prend tournure.
Nous étions alors un groupe assez nombreux, réuni dans leur maison de Corbeil, où nous avions fait une cérémonie pour que Robert se décide à la laisser partir. Une cérémonie d’époque, c’est-à-dire avec ce qui restait de l’esprit des années 1970. Nous avions fait des discours, des chansons, des danses… Puis nous avions descendu le cercueil sur le long chemin qui menait à la route. C’est très lourd un cercueil, je ne le savais pas. Et j’ai retrouvé l’autre jour l’un des autres porteurs avec lequel nous avons pu parler de nos douleurs d’épaule.
Après cet événement, est-ce que la vie de Robert a changé de tournure ? Pas vraiment. Il a délaissé les clients de l’hôpital psychiatrique pour ceux de Pôle emploi. Mais c’est plutôt l’époque qui voulait cela, qui attirait l’attention sur les « surnuméraires », les « désaffiliés », comme il les appelait, les « normaux inutiles » comme je disais plutôt pour bien souligner que le temps où le destin des « anormaux » pouvait o