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Dans le même numéro

Barack Obama peut-il séduire la classe laborieuse blanche ?

Alors que le commentaire médiatique des élections se focalise presque exclusivement sur la personnalité des candidats, qu’en est-il de l’évolution de l’électorat américain ? Qui sont les électeurs de l’Amérique profonde, en particulier de la classe ouvrière blanche qui tient probablement en main le résultat de l’élection ?

Que le candidat démocrate à l’élection présidentielle place les États-Unis dans la situation délicate de devoir dresser l’état des lieux de sa question raciale est une évidence que l’on ne cesse de commenter. Mais les clivages profonds qu’il exhume transcendent en réalité une problématique raciale binaire pour la décliner selon d’autres fractures. La ligne de faille générationnelle en est un exemple (Obama se distancie de la vieille garde issue du mouvement des droits civiques ; il est le candidat « naturel » de la jeunesse américaine) ou bien encore celle du genre (il emporte nettement l’assentiment de l’électorat féminin, transgressant les appartenances partisanes). Mais le décryptage de l’alchimie inouïe qui portera peut-être Barack Obama à la présidence révèle aussi la pertinence, assez largement ignorée en Amérique, de la logique de classe. Le démocrate nanti diplômé de la Harvard Law School doit en effet non seulement faire face aux revendications des Noirs les plus pauvres mais aussi aux attentes et aux préventions des Blancs les plus modestes, que l’on appelle aux États-Unis la white working class, la classe laborieuse blanche. La conquérir serait, dit-on, son plus grand défi afin d’emporter la victoire1.

L’existence des « classes » sociales aux États-Unis est une question âprement débattue2, en particulier depuis la disparition d’une parole politique prolétarienne, dont on entendit les derniers échos lors des élections présidentielles de 1912, qui virent le parti socialiste d’Eugene Debs rassembler un million d’électeurs. Werner Sombart offrit une série d’explications à cette absence, que l’on peut résumer sommairement par l’idée que la lutte des classes est soluble dans la culture américaine3. Pourtant, les pauvres et les opprimés existent, et pas seulement parmi les Noirs ou les immigrés arrivés de fraîche date. Depuis l’époque moderne, des Blancs « anglo » connaissent indigence et stigmatisation sociale, et l’on parle communément depuis le xviiie siècle des poor whites4. Ces derniers peuvent prendre le visage de l’ouvrier d’usine dur à la tâche mais mal payé, du petit commerçant déclassé par la dépression économique mais aussi revêtir les traits caricaturaux du fermier famélique du Sud que l’on nomme avec mépris poor white trash, « déchet » de la société blanche5. Si les notions de « pauvres blancs » et de white working class sont nettement distinctes dans l’histoire, la littérature et la sociologie américaines, elles se superposent à bien des égards, en particulier depuis le passage à l’ère postindustrielle : les Blancs dont il s’agit ici appartiennent tous à la classe populaire.

Afin de comprendre cette composante négligée de la société américaine et son rôle dans la partition politique qui se joue en cette année 2008, il est nécessaire de redéfinir cette catégorie dite de la classe laborieuse blanche (traduction proposée ici, en alternance avec « classe populaire », de white working class). Comment définir la pauvreté des Blancs américains ? Qui sont ces millions de travailleurs blancs qui furent à la fois les partisans obstinés de George W. Bush et le soutien principal d’Hillary Clinton dans la campagne démocrate ? La Brookings Institution, le think tank progressiste (ou « libéral ») le plus influent du pays publiera, dans quelques semaines, une étude de sociologie politique intitulée The Future of Red, Blue and Purple America, qui répond remarquablement à cette question6. On comprend à sa lecture que ce tiers de la population blanche américaine7 peut être déterminant en novembre prochain. Imaginons : et si le résultat du scrutin ne dépendait que d’un électeur, un prolétaire blanc des plus moyens, ne gagnant que 7 $ de l’heure8 lorsqu’il a la chance d’être employé ? Si l’ultime bulletin était celui de cet homme portant casquette et bible en poche, voterait-il Barack Obama ou John McCain ?

Who are they?

Cet électeur emblématique n’existe peut-être pas. Il se décline en réalité en plusieurs catégories d’hommes blancs du peuple, et c’est par l’histoire et la culture nationales, tout autant que par les statistiques, pourtant éclairantes, que l’on peut l’appréhender. La Brookings tente de le définir « objectivement » par trois critères quantifiables : le niveau d’éducation, l’activité et le revenu.

L’absence d’éducation, entendue comme cursus complet dans l’enseignement secondaire, est un indicateur plus significatif que jamais dans l’Amérique d’aujourd’hui : les 14 % d’Américains blancs ayant quitté le collège ou le lycée ont peu de chance d’ascension sociale. À la différence des années 1960, lors desquelles ce niveau d’éducation était la norme, la période actuelle promet la marginalité sociale à ces dropouts, dont le salaire horaire a baissé de 20 % en quarante ans. Le langage, les codes culturels et les valeurs de la classe populaire américaine tiennent avant tout à un parcours personnel marqué par une éducation sommaire et, partant, par un sentiment précoce d’exclusion sociale9 auquel il fallut répondre par des stratégies de résistance culturelle10. Le deuxième critère est bien sûr l’activité professionnelle et l’on confondrait à tort Blancs paupérisés, « travailleurs » et « ouvriers ». Un O. S. appartient indéniablement à la classe laborieuse mais il en constitue aujourd’hui une part marginale, n’en représentant plus qu’un sixième. Les « cols bleus » jouent néanmoins toujours un rôle essentiel dans la perpétuation d’une conscience de classe à laquelle « cols blancs » modestes des villes et hillbillies11 des champs s’identifient volontiers. Très violemment frappées par la désindustrialisation et les délocalisations, les populations de culture ouvrière de la chaîne appalachienne (Maine, Pennsylvanie, Virginies, Kentucky, Géorgie), comme du Michigan, de l’Ohio ou de l’Illinois, symbolisent ce petit peuple américain, silencieux et moribond qui attend encore sa part du rêve national. Les employés licenciés, les travailleurs pauvres des industries de services et les anciens sous Medicare12 se rallient à la bannière identitaire brandie par les ouvriers brisés. Les ruraux du Sud profond, qui ont eux aussi vu fermer les usines et disparaître les emplois agricoles, ajoutent une couleur locale à cette représentation sociale (un attachement viscéral à la famille et à la religion, un sentiment aigu de patriotisme et, pour certains, un racisme persistant) mais défendent une même « éthique du travail » et une commune détestation des puissants. Enfin, parmi les plus pauvres des Blancs de cette classe laborieuse sous-éduquée se trouve une majorité d’individus sans emploi : retraités, invalides, femmes au foyer et chômeurs. Eux aussi appartiennent pourtant, par antiphrase, à la white working class.

La dignité du travailleur et le sens qu’il donne à son américanité dépendent alors, comme l’a montré Michèle Lamont, des frontières subjectives qu’il trace entre « eux » et « nous », au sein desquelles les lignes raciales et culturelles forment un canevas souterrain13. La conscience de classe du « prolétariat américain » est en effet inextricablement liée à l’identité blanche (notion plastique et relative dans le temps) : c’est elle qui permit progressivement aux immigrés irlandais, italiens ou ashkénazes de gagner leur « salaire de blancheur14 ». On constate ainsi à la lumière de l’histoire ouvrière et syndicale du pays que la crispation raciale des travailleurs « blancs » est une réaction à l’angoisse provoquée par les rigueurs du capitalisme moderne. Les syndicats américains, comme les populistes du Sud rural, ont en effet opportunément confondu les dialectiques sociales et raciales afin d’affirmer qu’il n’était de véritable prolétaire que chez les Blancs15. L’écrivain américain Jack London, militant de la cause des plus humbles, qui décrivit dans le Peuple d’en bas l’horreur de la misère londonienne et la honte qu’elle représente dans un pays si riche, se définissait résolument comme « avant tout un homme blanc et, ensuite seulement, un socialiste16 ». L’American Federation of Labor (Afl) a ainsi d’abord exclu les immigrés d’Europe « basanés » et ne « maîtrisant pas suffisamment l’anglais » avant de les unir en son sein contre les Chinois et surtout contre les Noirs. Eugene Debs, éminent syndicaliste avant d’être un élu socialiste, n’a d’ailleurs jamais caché son opinion concernant les travailleurs africains-américains : « Le socialisme n’a rien de spécial à offrir au Noir17. »

La culture syndicale américaine a bien entendu évolué depuis. Elle est aujourd’hui par exemple ouverte aux questions touchant les immigrés latinos et toutes les organisations sont désormais multiraciales. Mais si l’on parle de « culture de classe » chez les travailleurs américains, dont 12 % seulement sont syndiqués en 200818, il faut garder à l’esprit que, de l’ironie du Charlot dans Les temps modernes à la rage de Brando dans Sur les quais, c’est l’image de l’homme blanc écrasé par la machine qui prévaut19.

Le dernier élément qui, combiné aux précédents, dessine le profil de l’homme blanc du peuple est le niveau de revenu. Les 237 millions d’Américains blancs se partagent grossièrement en trois tiers : un premier tiers gagne plus de 70 000 $ par an, un deuxième tiers gagne moins de 35 000 $ annuels et le dernier tiers est compris entre les deux20. La précarité matérielle concerne 14 % des Blancs (dont le revenu est inférieur à 30 000 $) et 10, 3 % sont officiellement recensés comme pauvres (soit 24, 4 millions de personnes21). Les auteurs de l’étude de la Brookings s’accordent néanmoins pour minimiser le facteur salaire dans leur définition du « travailleur blanc ». Les corrélations établies par les chercheurs indiquent que l’identification de classe dépend davantage du niveau d’éducation et de l’activité professionnelle que du niveau de revenu. Par ailleurs, la détérioration actuelle du climat économique et l’élargissement prodigieux des inégalités sociales depuis les années Reagan ont donné naissance à une catégorie sociale fantôme, que deux essayistes ont nommée dans un ouvrage qui vient de paraître, la « classe manquante22 », celle qui est au-dessus du seuil de pauvreté mais qui n’est pas non plus fermement arrimée à la classe moyenne. Ces 54 millions d’Américains sont dépourvus d’assurance santé, surendettés, incapables d’envoyer leurs enfants à l’université alors qu’ils travaillent dur et paient leurs impôts. Ils sont « presque pauvres » mais appartiennent théoriquement à la classe moyenne. Le revenu n’est donc pas un indicateur pertinent pour définir la working class, ensemble économiquement disparate, depuis le vagabond jusqu’au membre de la petite classe moyenne. Au sens large, tout Blanc sans éducation supérieure y appartient (soit la moitié de l’électorat blanc), au sens restreint, il faut disposer d’un salaire inférieur à 30 000 $. Ces deux extrêmes manquent de finesse analytique. On posera donc, avec la Brookings, qu’un Américain appartient à « la classe laborieuse blanche » lorsque l’éducation supérieure (et secondaire parfois) lui fait défaut, que son activité professionnelle est soit inexistante, soit précaire et qu’il gagne moins de 35 000 $ par an.

La WWC et le parti démocrate

Les métamorphoses de cette classe populaire blanche ont été accompagnées d’un bouleversement politique de taille, qui a vu le parti démocrate perdre les faveurs de cet électorat matriciel. Mais ce retournement tient aussi aux aggiornamenti idéologiques de ce dernier. En effet, lors de la crise économique des années 1930, les démocrates dits du New Deal ont proposé la politique sociale la plus ambitieuse de l’histoire américaine, ne craignant ni d’accroître la dépense publique23 ni de promouvoir la syndicalisation des travailleurs. Dans le pays, voter pour le parti « libéral » est alors une évidence pour les pauvres blancs, en particulier dans le Sud qui lui est fidèle depuis la guerre de Sécession24. Le capitalisme est perçu comme une force qu’il faut à tout prix encadrer et réguler. Les industries de l’ère fordiste sont au centre du discours démocrate, ce qui fait de leurs ouvriers, majoritairement « blancs ethniques25 », des sympathisants spontanés du parti de l’âne. On forge alors dès le début du siècle le terme « caucasian » afin de réunir toutes sortes de Blancs dans une unité un peu artificielle mais politiquement stratégique26. Visionnaire, l’intellectuel africain-américain W. E. B. Dubois écrit alors :

L’Européen et l’Américain blanc de la classe laborieuse furent très concrètement invités à prendre leurs parts de la nouvelle exploitation, engendrée par l’impérialisme et le capitalisme de race. Ils se sont sentis flattés par cet hommage à leur supériorité inhérente27.

C’est en grande partie le secret des quatre victoires consécutives de Franklin D. Roosevelt et de celle d’Harry Truman. La mise en place de l’État-providence comme contrepartie de ce soutien permit à ce contrat social et politique de perdurer durant les années 1950 et offrit aux travailleurs l’accession rêvée à la classe moyenne.

La classe laborieuse « gentrifiée », qui quitte progressivement dans l’après-guerre l’usine pour le bureau ou le comptoir, attend désormais davantage de l’État qu’une stricte politique keynésienne. Dans les années 1960, les revendications de la base démocrate concernent l’éducation, le pouvoir d’achat, le libéralisme culturel et, pour une partie seulement, les droits des minorités. Un clivage encore sensible aujourd’hui oppose alors la partie la plus aisée et la plus urbaine des démocrates, favorable aux droits des Noirs (dont celui de recevoir leur part du programme Great Society de l’administration Johnson) et engagée dans l’exubérance juvénile de la fin de la décennie et sa fraction la plus populaire, qui ne se reconnaît guère dans un positionnement qui lui semble menacer les prérogatives du travailleur blanc. Or le « progressisme » du parti n’est plus celui des années 1930 et, alors qu’il redéfinit son identité en absorbant les courants contestataires de la contre-culture, le projet démocrate séduit de moins en moins la classe populaire. Au début des années 1970, le démocrate George McGovern tenta bien de faire renaître le thème du Welfare State mais sa solidarité avec son aile gauchisante lui fut fatale : Nixon l’emporta au nom de la « majorité silencieuse », ces millions de Blancs désaffiliés, réduits subjectivement au statut de minorité et égarés dans la nouvelle Amérique (plus de 70 % de la classe populaire blanche lui accorda son vote). Elvis Presley, enfant pauvre né au fond d’un jardin du Mississippi et qui devint une icône nationale en chantant « les coups durs » de la vie (Hard Knocks), reçut alors les honneurs de la Maison-Blanche28. Alors qu’ils votent à 55 % pour les démocrates en 1960, les Blancs du peuple ne sont plus que 35 % à le faire en 1972. L’intermède Carter n’enraya guère la tendance et la crise économique, qui fit bondir le taux de chômage et l’inflation, l’aggrava encore. La classe populaire blanche, comme au xixe siècle, interprète alors son angoisse socio-économique comme une question raciale : si le Welfare doit aller aux minorités, elle refuse de payer davantage d’impôts, si les politiques d’Affirmative Action doivent favoriser les Noirs par rapport à ses propres enfants, alors il est temps d’y mettre un terme. Elle se « droitise » d’autant plus qu’elle se sent culpabilisée par un parti démocrate désormais moralisateur sur les questions douloureuses du racisme et du port d’armes à feu. C’est sur cette fracture que Ronald Reagan gagne plus de 60 % du vote working class lors des deux élections de 1980 et 1984 (contre 35 % en moyenne pour Jimmy Carter et Walter Mondale). Constatant l’exode des Reagan Democrats, le parti « libéral » passera la décennie suivante à comprendre cette « réaction blanche29 » et à tenter d’y répondre.

Bill Clinton, lui-même pauvre blanc du Sud, tenta la synthèse entre des accents populistes séduisants et une mise à jour brutale de la doxa démocrate, désormais vouée à la réduction des dépenses sociales et à la promotion de l’ordre public et de la responsabilité individuelle. Comme Carter, autre Blanc du Sud, il proposa une politique de centre droit qui réconciliait l’Américain du peuple avec le parti. Son discours sur la nécessité d’éradiquer « la culture de la pauvreté » et de « réduire la dépendance30 » est accueilli favorablement par les travailleurs, comme le sera sa réforme drastique du Welfare State. Il parvint ainsi à rassembler 41 % de la classe populaire blanche sur son nom en 1992. Son succès auprès des plus précaires sera consolidé par l’espoir né d’une croissance économique exceptionnelle31, mais fragilisé par la réforme avortée du système de santé (dont Hillary Clinton avait la charge).

Mais une fois la croissance économique estompée et le filet de sécurité sociale réduit comme peau de chagrin, la dégringolade du parti démocrate chez les Blancs précaires reprit de plus belle : Al Gore convainquit moins d’un quart de la classe populaire blanche et John Kerry à peine 17 %. Une autre explication, complémentaire, assure que le conservatisme culturel (la religion, le port des armes à feu, les valeurs traditionnelles de la famille et de l’ordre moral) aurait, à la faveur d’une propagande insidieuse des républicains, obtenu la préséance sur les revendications sociales. Cette analyse vaudrait particulièrement au sud de la Mason-Dixon Line, là où les Blancs sont traditionnellement plus réactionnaires, et dans laquelle la chute du parti démocrate est stupéfiante : 75 % des Blancs les plus pauvres s’y disaient démocrates en 1962 ; ils ne sont plus que 43 % en 2004. Cette thèse culturaliste (ou béhavioriste) a une longue histoire dans un pays qui a toujours été tenté de blâmer les pauvres d’être tels et surtout d’invalider l’idée que l’aide publique peut « réformer » les individus. Elle est défendue ces dernières années par Thomas Frank32, qui postule en somme qu’un plombier du Midwest ou une serveuse du Texas préférera voter pour le parti qui s’oppose à l’avortement et aux droits des homosexuels, même si ce dernier ne défend pas leurs intérêts économiques. Séduisante, elle ne résiste cependant pas à l’examen critique de la Brookings, qui parvient à démontrer que, si la classe populaire est en effet davantage conservatrice sur les questions sociétales, le parti républicain attire beaucoup plus de riches blancs hostiles à l’avortement (92 %) que de pauvres blancs partageant cette conviction (57 %). Les questions culturelles comptent assurément, mais elles ne sont ni les seules ni les plus déterminantes.

La WWC dans la campagne de 2008

Cette lecture critique de l’analyse de Frank permet notamment de comprendre le franc succès d’Hillary Clinton auprès de la classe laborieuse blanche : la candidate était incontestablement progressiste sur les questions culturelles et cela ne lui a pourtant pas aliéné le vote populaire blanc, qui compte pour une bonne part des 18 millions de voix qu’elle a recueillies. Lors des primaires démocrates, Barack Obama ne sembla jamais en position d’emporter cet électorat et, une fois la sénatrice de New York hors jeu, celui-ci reste pour le moins circonspect à l’égard du candidat démocrate.

Pourtant, dans l’ensemble du pays, la classe laborieuse blanche qui reste majoritairement républicaine, semble s’être en partie réconciliée avec le parti démocrate comme en témoignent les dernières élections législatives (Midterms) de 200633. En effet, les mandats de George W. Bush ont déçu jusqu’à ses plus farouches partisans dans la classe populaire blanche dont l’amertume n’a plus de candidat naturel. Leur porte-parole aujourd’hui sur la scène médiatique pourrait être le journaliste Lou Dobbs, dont l’émission quotidienne sur Cnn − Lou Dobbs Tonight − est l’une des plus suivies de la chaîne. Hargneux, il déplore dans un même souffle l’érosion de la souveraineté nationale, la décrépitude des écoles publiques surpeuplées, l’immigration illégale mexicaine et conspue les grandes entreprises multinationales qui complotent à la perte des braves gens34. Les hommes blancs en colère du Sud, eux aussi sensibles au populisme économique, dirigent leur ressentiment contre le gouvernement fédéral. La rengaine antifiscale de John McCain y est en terrain conquis et, comme le relève Merle Black35, Barack Obama apparaît à leurs yeux comme la quintessence du libéral du Nord qui va freiner leur ascension sociale : « Ils s’identifient, note Merle Black, non à leur condition actuelle mais à celle à laquelle ils souhaitent parvenir36. »

Pourtant, pour la classe populaire blanche la plus modeste, les harangues crypto-reaganiennes ne suffisent plus. Ni l’individualisme conservateur de John McCain, ni d’ailleurs le populisme anti-big-business d’un John Edwards ne semblent aujourd’hui correspondre à ses aspirations. Les républicains eux-mêmes s’interrogent sur leur capacité à conserver cet électorat populaire s’ils ne réforment pas leur idéologie néolibérale de plus en plus datée37. Ce qui prime désormais dans les conversations se nomme en Amérique kitchen table issues, les problèmes domestiques du quotidien, à commencer par le prix de l’énergie et la crise immobilière qui voit, au nom de l’économie de marché, des centaines de milliers de pauvres blancs perdre leur maison et s’enferrer dans l’endettement.

L’aspiration essentielle de la white working class en 2008 est donc que sa détresse sociale soit entendue, et Hillary Clinton fut celle qui joua le plus sur ce thème de la minorité silencieuse et « invisible » à qui il fallait prêter sa voix. Son succès chez les petites gens s’explique ainsi par un mélange subtil de foi réaffirmée dans l’ascension sociale des Blancs déclassés, de réévaluation de l’image du pauvre blanc auquel elle a donné le sentiment de s’adresser de façon privilégiée et d’un ensemble de mesures très précises, alliant réalisme économique et renforcement de l’État-providence38 (on a même entendu des auditeurs se plaindre du caractère fastidieux de ses prestations publiques, tant elle entrait dans le détail de son programme social39). Barack Obama a tenté lui aussi de séduire cet électorat, en particulier lors des primaires de l’Ohio et de Pennsylvanie. Il a par exemple proposé de lancer un grand plan d’investissement public destiné à pallier la dépendance énergétique des États-Unis et à moderniser le système de transport et d’éducation. Il a promis d’augmenter les impôts des plus riches et de lutter contre les privilèges fiscaux indus des grandes entreprises qui délocalisent. Il a même repris l’antienne du « peuple oublié [qui] n’a pas été écouté par Washington et s’est senti négligé ». Pourtant, dans les États de culture ouvrière ou rurale peuplés majoritairement de Blancs pauvres, Hillary Clinton l’a nettement emporté. Dans l’Indiana, le Kentucky, l’Ohio et la Pennsylvanie, c’est par un rapport de deux contre un qu’elle fut victorieuse. Hillary Clinton a par exemple battu de plus de trente points Barack Obama en Virginie occidentale. Les maladresses répétées du sénateur de l’Illinois ne sont pas pour rien dans cette désaffection.

Ainsi, se plaignant de cet électorat populaire blanc sourd à ses appels, il en a dressé un portrait controversé :

Si vous allez dans ces petites villes de Pennsylvanie, comme d’ailleurs dans beaucoup de petites villes du Midwest dans lesquelles les emplois disparaissent depuis 25 ans sans être remplacés, sans que les administrations Clinton ou Bush n’aient enrayé le déclin malgré leurs promesses, il n’est pas surprenant de trouver [des gens] amers, qui se raccrochent aux armes à feu, à la religion, qui sont hostiles à ceux qui ne sont pas comme eux et, qui par leur dénonciation des immigrés ou de l’ouverture économique, trouvent un moyen d’exprimer leurs frustrations40.

Non, lui répondit aussitôt Hillary Clinton, les Blancs du peuple ne sont pas aigris, ils sont de courageux Américains et de bons chrétiens. Seul un bourgeois élitiste leur étant totalement étranger peut oser les insulter de la sorte. L’opportunité était trop belle pour la candidate et le coup porta incontestablement. Une fois seul en lice, Obama semble toujours incapable de passer ce que The Nation a nommé « le test de la serveuse41 », c’est-à-dire de s’adresser à ces familles exsangues dans lesquelles seule la femme travaille et pour lesquelles une politique sociale qui n’apparaisse pas comme de la charité est une urgence. Lorsqu’une femme de Géorgie s’est plainte auprès du sénateur de la concurrence déloyale des immigrants hispaniques qui « ne parlent pas anglais », elle s’est vue répondre par le candidat démocrate que le problème était davantage que les Américains, eux, ne parlent pas dans leur majorité espagnol. La réponse apparue, ici encore, comme une gifle. Sans doute ils sont amers, reconnaissent les pauvres blancs interrogés, mais ils n’ont pas envie qu’un smart guy (pédant) vienne leur faire la leçon. Dans « les ghettos blancs des travailleurs blancs » explique l’écrivain white trash Joe Bageant42, dans lequel « toute personne de plus de 50 ans est surendettée et en mauvaise santé », où « les trois activités préférées » dit-il avec dérision sont « l’alcool, Jésus et faire des gueuletons », la couleur de peau d’Obama n’explique pas qu’on ne s’y fie pas. Le problème n’est pas qu’il n’est pas comme eux, le problème est qu’il ne s’adresse pas « à eux » dans leur langue « à eux ».

Il reste évidemment une interrogation cruciale sur ce qui motive en arrière-plan cette réticence à l’égard d’Obama. Le racisme endémique et le souvenir encore vivace de la ségrégation sont en effet des facteurs que l’on ne peut ignorer lorsque la moitié des démocrates du Kentucky affirment soit qu’ils voteront pour John McCain soit qu’ils s’abstiendront en novembre prochain. À la sortie des urnes en Pennsylvanie, un travailleur blanc sur cinq a par ailleurs concédé que la race du candidat était un facteur « important » dans son choix. The Nation souligne en outre que chez les électeurs ayant été scolarisés avant 1971 (date de la mise en place effective de la déségrégation des écoles publiques), la perspective qu’un Noir devienne président est une couleuvre difficile à avaler. Au Sud en particulier, la candidature d’un Noir à la présidentielle, conséquence du naufrage d’un George W. Bush qui leur ressemblait tant, a bouleversé les esprits. Devant l’unanimité des Africains-Américains à voter pour Obama, on voit ressurgir la ferveur et l’angoisse des années 1960. Les mentalités ont incontestablement évolué mais l’on confie à mi-voix, entre Blancs, que s’« ils » (les Noirs) votent massivement pour « l’un d’entre eux » alors il faudra voter pour « un des nôtres43 ».

Le choix de ce « quelqu’un comme nous » n’est qu’en partie motivé par des considérations racistes : il est aussi, comme on l’a vu, le fruit d’un arrière-plan ouvriériste dont les racines remontent à l’industrialisation du pays. Il est ainsi difficile de mesurer la part du stimulus raciste chez les Blancs, du peuple en particulier. Mais l’on sait que pour près d’un Blanc sur quatre toutes catégories sociales confondues, « l’Amérique n’est pas prête à élire un Noir » et, pour 20 % d’entre eux, l’élection de Barack Obama aggraverait les tensions raciales44. Personne ne sait quelle sera l’importance de l’« effet Bradley », par lequel ceux qui se disent aujourd’hui dans les sondages pro-Obama ne voteront pas forcément pour lui in fine dans l’isoloir. On peut arguer a contrario que l’idée d’élire un Noir peut séduire une Amérique en quête de rédemption, fatiguée comme le reconnut Barack Obama lui-même, d’avoir à porter le poids d’une culpabilité raciale désormais anachronique. Son appel récent à la réforme de la politique d’Affirmative Action, à laquelle selon lui « ses filles ont moins de légitimité à prétendre qu’un enfant de pauvres blancs », a rassuré. Le sénateur de l’Illinois a veillé tout au long de sa campagne à ne pas apparaître « trop noir », préférant une identification post-raciale permettant à la frange longtemps raciste de la population blanche (dont une bonne partie de la working class) de se racheter à peu de frais45.

Mais le racisme virulent que l’on associe souvent aux populations rurales des petits patelins du vieux Sud et des montagnes appalachiennes ne doit pas être surestimé. Obama, après tout, est parvenu à l’emporter au Kansas et dans le Montana. Certes la partie la plus aigrie des Blancs déclassés, viscéralement religieuse et enclavée géographiquement comme idéologiquement, est inatteignable. Foncièrement racistes, ses membres sont sans doute persuadés que Barack Obama leur est « étranger », qu’il est « musulman » et, depuis le scandale des propos outranciers de son ancien pasteur, traître à la patrie. Mais ces extrémistes des valeurs sont de moins en moins représentatifs de la white working class du Sud comme de celle du Midwest ou du Nord. On peut s’en convaincre en prêtant une oreille attentive aux élégies d’un monde par ailleurs silencieux : les chansons de country music. Véritables idoles du petit peuple blanc, les interprètes de ce folklore américain font résonner les plaintes, les pleurs, la solitude et les colères de ces hommes déchus que l’on dit avec mépris rednecks ou white trash. Depuis des décennies, les tubes country affirment l’attachement indéfectible au drapeau, à Dieu, au Sud et, implicitement, au parti républicain. Mais en 2003, le monde country se divisa profondément lorsqu’une chanteuse d’un des groupes les plus célèbres du pays, les Dixie Chicks, déclara avoir honte de l’administration Bush engagée dans la guerre en Irak. Cette affaire révéla alors que, malgré les apparences, un clivage profond sépare le cœur même de l’Amérique (Heartland) sur cette question. Depuis, d’autres chanteurs, très populaires, comme Steve Earle, osent à leur tour la transgression et tonnent contre une Amérique qui sacrifie en Irak les plus pauvres de ses enfants blancs : Just another poor boy off to fight a rich man’s war46. Au-delà de la guerre, certaines icônes comme Rodney Cromwell maudissent les républicains et leurs valeurs chauvines et soutiennent volontiers un opposant résolu, Blanc ou pas. Le chanteur de country le plus populaire du pays, Willie Nelson, apporta d’ailleurs sa guitare, son harmonica et sa voix brisée à la convention démocrate d’août 2008.

Et si l’élection présidentielle ne dépendait du vote que d’un seul homme, qui pourrait être un pauvre type du Nouveau Mexique, alcoolique licencié de la seule usine du coin, père médiocre amateur de bière, de courses de Nascar et d’armes à feu ? Si ce poor white trash avait, par son bulletin, la possibilité de choisir entre le discours du progrès social et celui de la sécurité nationale ? Ce scénario est malicieusement mis en scène dans le film Swing Vote qui est apparu sur les écrans en plein mois d’août 2008, à quelques semaines des conventions démocrate et républicaine. Kevin Costner y incarne le bien nommé Earnest « Bud » Johnson47, du genre à se défier de la politique « qui ne fait jamais rien pour les pauvres » et, à près de cinquante ans, qui n’a jamais été voter. Sa façon d’exprimer son ressentiment est ailleurs : fan de Willie Nelson, il chante avec ses amis dans un groupe de country music les refrains combatifs d’une condition souffrante : être un homme déchu, quitté par sa femme, sans emploi, sans protection sociale et sans avenir. Il n’est ni raciste ni va-t-en-guerre, il est juste ignorant. La conclusion du film suggère que c’est à tous les Earnest « Bud » Johnson de reprendre le chemin du bureau de vote afin de réclamer une reconnaissance qui leur est encore aujourd’hui refusée. Ces millions de nouveaux votants pourraient en effet faire la différence : en 2000, avance-t-on, si le taux de participation avait été le même chez les pauvres et chez les riches, Al Gore l’aurait emporté48.

Personne ne peut dire avec certitude pour qui votera en novembre la classe laborieuse blanche, ni même si l’on verra se dégager en son sein une préférence nette. Les cartes sont brouillées, non seulement par l’évolution chaotique du lien entre le parti démocrate et les plus humbles, mais aussi par la confusion entre l’identité raciale et sociale de Barack Obama, les sentiments ambivalents entretenus par la classe laborieuse blanche à l’égard de la présidence de George Bush et la mise à l’écart (temporaire peut-être) d’Hillary Clinton. Mais on reste pantois devant la timidité avec laquelle les questions essentielles de la santé, de l’exclusion sociale et des inégalités grandissantes sont abordées, en particulier par le candidat démocrate. Certes, celui-ci peut l’emporter sans les voix de la working class, mais là n’est pas la question. Le nombre d’Américains frappés par la crise économique et la précarité ne cesse de s’accroître et dépasse largement ceux que l’on appelle « les pauvres blancs » ou les pauvres tout court. Dans l’arbitrage, qui décidera sans doute de l’élection, entre la priorité donnée à la sécurité nationale ou à l’insécurité sociale, l’engagement résolu d’Obama en faveur de la seconde est capital. Il s’assurerait alors non seulement de l’emporter mais, plus encore, il pourrait réconcilier « l’Amérique d’en bas » avec la démocratie.

  • *.

    Américaniste, elle enseigne à Sciences Po et au lycée Charlemagne. Agrégée d’histoire, docteur en littérature américaine, elle a été Fulbright Fellow à l’université d’Harvard. Contributrice régulière à « La vie des idées ». Elle vient de publier Homérique Amérique, Paris, Le Seuil, 2008.

  • 1.

    Voir, pour une étude générale : Ruy Teixeira et Joel Rogers, America’s Forgotten Majority: Why the White Working Class Still Matters, Basic Books, 2001. Pour une approche récente et journalistique de la question : D. Kahlenberg, “Obama’s RFK Moment, How he could win over white working-class voters”, Slate, 4 février 2008 ; Kristi Keck, “Can Obama win the working-class?”, CNN, 22 mai 2008 ; Ronald Browstein, “Obama and blue collars: Do they fit?”, Los Angeles Times, 25 mars 2007.

  • 2.

    Voir John Russo et Sherry Lee Linkon, New Working-Class Studies, Cornell University Press, 2005.

  • 3.

    Werner Sombart, Why is There no Socialism in the United States?, International Arts & Sciences Press, Inc. 1976. Trad. fr. Pourquoi le socialisme n’existe-t-il pas aux États-Unis ?, Paris Puf, 1992.

  • 4.

    On utilisera parfois « pauvre blanc » dans cet article pour désigner les membres les plus modestes de cette white working class bien que l’acception poor white revête en réalité une plus grande complexité.

  • 5.

    Tout Blanc déchu craint de correspondre à cette image misérable et grotesque. Voir Sylvie Laurent, « Le poor white trash ou la pauvreté blanche odieuse », Revue française d’études américaines, à paraître.

  • 6.

    Le chapitre, disponible sur le site de la Brookings, dont cet article reprend certains éléments, s’intitule “The decline of the white working class and the rise of a mass upper middle class” et a été rédigé par Ruy Teixeira et Alan Abramovitz (Brookings Working Paper, avril 2008).

  • 7.

    Si l’on choisit une acception restreinte de working class, voir supra.

  • 8.

    Le salaire minimum fédéral est en juillet 2008 de 6, 55 $ de l’heure, mais peut varier significativement d’un État à l’autre (en Californie, il dépasse les 8 $).

  • 9.

    Pour nombre de penseurs radicaux, cette domination est la preuve même de l’existence des classes sociales aux États-Unis. Une « classe » serait un groupe d’individus capable, en s’unissant, d’obtenir le pouvoir de résister à l’oppression. Voir par exemple les essais de Michael Zweig, The Working Class Majority: America’s Best Kept Secret ou What’s Class got to do with it?: American Society in the Twenty-First Century, Cornell University Press, 2001 et 2004.

  • 10.

    Voir sur ce point A. Newitz, M. Wray, White Trash, Race and Class in America, Routledge, 2005.

  • 11.

    Ce terme, qui signifie « plouc de la campagne », est traditionnellement utilisé de façon péjorative. Mais il est revendiqué par nombre de pauvres blancs qui en retournent le sens pour en faire, comme la célèbre chanteuse folk June Carter Cash, un synonyme de « fierté appalachienne ».

  • 12.

    Assistance sociale pour les personnes âgées nécessiteuses.

  • 13.

    Michèle Lamont, The Dignity of Working Men, Morality and the Boundaries of Race, Class, and Immigration, Harvard University Press, 2000. Traduit aux Presses de Sciences-Po, 2002.

  • 14.

    Traduction du titre de l’ouvrage de D. Roediger, The Wages of Whiteness, Race and the Making of the White Working Class, Verso ; 2e édition révisée, 2007.

  • 15.

    D. Roediger, Working Toward Whiteness: How America’s Immigrants Became White: The Strange Journey from Ellis Island to the Suburbs, Basics Books, 2006.

  • 16.

    Ibid., p. 91.

  • 17.

    D. Roediger, Working Toward Whiteness…, op. cit., p. 214.

  • 18.

    Ils étaient près de 20 % au début des années 1980.

  • 19.

    On peut se référer, pour comprendre ces deux figures, aux deux articles lumineux de Roland Barthes dans Mythologies : « La pauvre et le prolétaire » et « Le bon ouvrier », Paris, Le Seuil, 1957.

  • 20.

    Voir Larry Bartels, “What’s the matter with ‘What’s the matter with Kansas’”, mimeo, 2005.

  • 21.

    Chiffres de 2006 ; US Census Bureau, “Income”. Disponible en ligne.

  • 22.

    Katherine S. Newman et Victor Tan Chen, The Missing Class: Portraits of the Near Poor in America, Beacon Press, 2008 (avant-propos de John Edwards).

  • 23.

    En 1935, le président Franklin D. Roosevelt fait adopter le Social Security Act qui pose les premières pierres d’un État-providence américain : mise en place d’une assurance-chômage et introduction d’un système d’aide sociale pour les personnes âgées les plus pauvres (Medicare) et les enfants en grande précarité (Aid to Families with Dependent Children).

  • 24.

    Le Sud s’est en effet senti trahi par Abraham Lincoln, président républicain qui émancipa les Noirs en 1865 et mit fin au système économique qui fit sa richesse et son particularisme culturel : l’exploitation d’une main-d’œuvre servile.

  • 25.

    On appelle White Ethnics les Blancs américains d’origine immigrée (irlandais, juifs d’Europe centrale, grecs…) qui passèrent progressivement du statut de minorité blanche à la norme majoritaire. Voir Matthiew Frye Jacobson, Roots too: White Ethnics Revival in post-Civil Rights America, Cambridge, Harvard University Press, 2006. L’utilisation de ce terme, forgé dans les années 1960, est donc volontairement anachronique ici.

  • 26.

    Voir M. F. Jacobson, Whiteness of a Different Color: European Immigrants and the Alchemy of Race, Cambridge, Harvard University Press, 1999, p. 39-136.

  • 27.

    Il développe son propos en 1920 dans “Of work and wealth”, chap. IV de son ouvrage Derkwater: Voices from Within the Veil, New York, Washington square press, 2004.

  • 28.

    Il y fut reçu le 21 décembre 1970.

  • 29.

    Traduction de White Backlash.

  • 30.

    Voir John Iceland, Poverty in America: A Handbook, Los Angeles, Univesity of California Press, 2006, p. 132.

  • 31.

    De 1994 à 2000, l’Amérique connaît la plus longue phase de croissance depuis les années 1960.

  • 32.

    Thomas Frank, What’s the Matter with Kansas. How Conservatives Won the Heart of America, New York, Metropolitan Books, 2004.

  • 33.

    Les démocrates ont en effet à cette occasion réduit de dix points leur retard sur les républicains chez les votants de la classe populaire blanche. Voir R. Teixeira et J.Rogers, America’s Forgotten Majority…, op. cit., p. 22.

  • 34.

    Son premier best-seller s’intitule Why Corporate Greed is Shipping American Jobs Overseas et le deuxième How the Government, Big Business, and Special Interest Groups are Waging War on the American Dream and how to Fight Back.

  • 35.

    Voir en particulier Earl et Merle Black, Politics and Society in the South et The Vital South, Cambridge, Harvard University Press, respectivement 1987 et 1992.

  • 36.

    Cité dans Christopher Dickey, “Southern Discomfort”, Newsweek, 11 août 2008. Voir également E. et M. Black Politics and Society… et The Vital South…, op. cit.

  • 37.

    Voir Ross Douthat et Reihan Salam, Grand New Party: How Republicans can win the Working Class and Save the American Dream, New York, Doubleday, 2008 et Rick Perlstein, Nixonland: The Rise of a President and the Fracturing of America, New York, Scribner Hardcover Edition, 2008.

  • 38.

    Elle a ainsi promis l’augmentation du salaire minimum, le soutien aux confédérations syndicales et une lutte résolue contre les délocalisations. Voir son site de campagne.

  • 39.

    Andrew Leonard, “Obama, Clinton and the Working Class”, Salon, 7 février 2008.

  • 40.

    Propos tenus à San Francisco le 6 avril 2008. Retranscription disponible sur le site Huffington Post.

  • 41.

    Connie Scultz, “Will Obama pass the Waitress Test?” The Nation, 14 juillet 2008.

  • 42.

    Auteur de Dear Hunting with Jesus… S’exprime dans “How Barack Obama can win over Poor Whites”, Sunday Times, 3 août 2008.

  • 43.

    Marcus Mabry, “Where Whites draw the line”, New York Times, 16 juin 2008.

  • 44.

    Charles M. Blow, “Racism and the race”, New York Times, 9 août 2008.

  • 45.

    Voir Time Wise, Speaking Treason Fluently-Anti-racist Reflections from an Angry White male, Soft Skull, New York, 2008 ainsi que M. Mabry, “Where Whites draw the line”, art. cité.

  • 46.

    Voir Chris Willman, Rednecks and Bluenecks: The Politics of Country Music, The New Press, 2005.

  • 47.

    Earnest signifie droit, intègre et « Bud » est la réduction de Budweiser, bière de prédilection des Américains que le personnage consomme immodérément.

  • 48.

    David K. Shipler, The Working Poor Invisible in America, New York, Alfred A. Knopf, 2004.

LAURENT Sylvie

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