
Œdipe roi ou l'invention de la vérité judiciaire
Élu au Collège de France en 1970, Michel Foucault consacre sa première année de cours, dont ces pages sont tirées, à la question du désir de la connaissance dans la Grèce antique. Étape cruciale de notre rapport au pouvoir, la volonté de savoir connaît une construction à travers l’enquête judiciaire : d’où vient le mal qui frappe la Cité ? Le philosophe montre ici magistralement comment la tragédie noue la recherche de la vérité, la production du savoir et la justification du pouvoir.
Le texte qui suit est un large extrait de la leçon donnée par Michel Foucault au Collège de France le 17 mars 1971. Cette leçon conclut la première année d’enseignement de Foucault au Collège, après son élection en 1970 à la chaire d’« Histoire des systèmes de pensée ». Le philosophe y présente un cours sur la volonté de savoir, un thème qui devait l’occuper au moins jusqu’à la publication en 1976 du premier tome de l’Histoire de la sexualité, précisément intitulé la Volonté de savoir. Mais il ne s’agit pas, dans ces leçons, du rapport entre le sexe et l’Occident, plutôt des sources du désir de connaissance dans la Grèce antique. Dans des analyses patientes d’Aristote et de la sophistique, Foucault met à l’épreuve son hypothèse nietzschéenne selon laquelle la volonté de savoir n’est nullement désintéressée, mais répond à des enjeux de pouvoir et de puissance. C’est donc tout naturellement qu’il rencontre l’histoire des modalités judiciaires d’établissement de la vérité dans la Grèce antique. Le texte qu’on va lire étudie