
Le courage de la vérité : l’ascète, le révolutionnaire et l’artiste
En 1984, Michel Foucault présente ce qui sera son dernier cours au Collège de France. Il le consacre au « courage de la vérité », cette tâche commune au travail philosophique et politique. L’étude des cyniques antiques lui permet d’illustrer sa réflexion sur le scandale du « dire vrai ». Dans cet extrait, il brosse un tableau des héritages modernes de cette attitude dans l’ascétisme chrétien, le militantisme révolutionnaire et la posture artiste.
Michel Foucault prononce, aux mois de février et mars 1984, ses dernières leçons au Collège de France. Il meurt au mois de juin de la même année. Ce dernier cours poursuit et radicalise des analyses menées l’année précédente. Il s’agissait alors d’interroger la fonction du « dire vrai » en politique, afin d’énoncer, pour la démocratie, un certain nombre de conditions éthiques, irréductibles aux règles formelles du consensus : courage et conviction. Avec l’étude du cynisme ancien, cette manifestation publique du vrai ne s’inscrit plus simplement dans une prise de parole risquée, mais se donne à voir dans l’épaisseur même d’une existence dramatisée par l’exigence de vérité. Le « cynisme » ne renvoie pas à un mépris des valeurs ou à un calcul froid et intéressé. En revenant à l’école cynique des Anciens, Foucault veut penser la mise en scène scandaleuse du vrai dans une vie décalée, autre, provocatrice. Qu’est-ce que la vraie vie ? Et pourquoi une vraie vie ne peut se réaliser que comme une vie autre ? Par là, Foucault propose, pour la première fois, une généalogie de l’artiste maudit, du révolutionnaire militant et du héros philosophique.
Frédéric Gros
[…] La forme d’existence comme scandale vivant de la vérité, c’est cela, me semble-t-il, qui est au cœur du cynisme, au moins autant que ce fameux individualisme qu’o