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L'international bouscule les calculs internes

juillet 2010

#Divers

Trois mois après les élections régionales la tournure que prend la pré-compétition présidentielle est fort différente de celle qui se dessinait au soir du scrutin. La déroute de la droite semblait alors annoncer la fin de la prééminence sarkozyste sur ses troupes, la victoire de la gauche transformait Martine Aubry en candidate naturelle du PS, à qui des primaires ouvertes pour toute la gauche apporteraient une dynamique supplémentaire. À l’entrée de l’été, Sarkozy n’a plus de concurrent dans son camp, alors qu’Aubry doit faire face à l’hypothèque de plus en plus envahissante d’une candidature de Dominique Strauss-Kahn, dans une compétition feutrée où les primaires pariassent devenir très…secondaires.

La droite resserre les rangs

Sarkozy a d’abord ressoudé les siens en réduisant la scène politique à la bataille des retraites. Il a construit un agenda qui devrait lui permettre de passer, sans discontinuité, de l’uniforme de leader courageux aux habits de dirigeant mondial, qu’il ré-enfilera en novembre en prenant la présidence du G20 puis du G8. Il y a ajouté un changement de méthode et de style demandé depuis si longtemps : abstinence médiatique et progressivité des annonces sur la réforme, qui laissent le temps, en apparence, aux ajustements. Dans cette entreprise de nettoyage du champ à droite, il n’a pas oublié pour autant les détails de petite politique. Il s’est appliqué à asphyxier la contestation la plus virulente, celle de Dominique de Villepin, offrant un ministère à Georges Tron, réussissant à dissuader Hervé Mariton de participer au lancement du mouvement de l’ex-Premier ministre, efflanquant la petite troupe des parlementaires villepinistes jusqu’à la réduire à une portion aussi congrue que le MoDem. Dans le même ordre de préoccupations on peut dire que la virtuelle candidature de Christine Boutin est définitivement écartée par la prise de distance collective de la majorité vis-à-vis de son triple revenu, voire, selon la rumeur, par sa révélation organisée.

Enfin, et surtout, il a transformé la question des candidatures centristes. Elle était le symptôme de son affaiblissement, elle est devenue le point d’interrogation sur sa stratégie, et elle va le rester. En effet, si le futur candidat doit s’efforcer de faire un score de premier tour comparable à celui de 2007, d’où la chasse à tout ce qui ébrécherait le socle de l’Ump, il doit aussi trouver une réserve de voix pour le second tour. Pour des raisons arithmétiques, comme l’ont montré les régionales, mais aussi politiques, pour éviter que le seul réservoir soit celui du FN. La candidature de Morin est donc exclue, à la fois pour des raisons d’autorité sur la majorité et de manque d’attractivité flagrante en dehors d’elle. Celle de Bayrou est encouragée pour les raisons inverses : c’est le propre du chef de savoir faire preuve de clémence, et, par ailleurs, Bayrou, malgré la multiplicité de ses échecs récents, conserve un potentiel de centre gauche intéressant dans la course présidentielle. Mais le nom de Borloo apparaît aussi, à la fois pour faire pièce à un Bayrou trop requinqué, et pour le cas où les écologistes se rallieraient aux socialistes dès le premier tour.

À gauche : le lièvre et la tortue, ou l’inverse

Les supputations sur les perspectives des candidats centristes demeurent toutefois suspendues jusqu’à l’automne 2011, lorsque sera connue l’identité du candidat socialiste. Le scénario de cette désignation semble mettre aux prises le lièvre et la tortue, mais avec une égale probabilité de victoire pour l’un et pour l’autre. D’un côté, Martine Aubry construit patiemment la possibilité du retour des socialistes aux affaires : mise en place des primaires, moralisation par l’interdiction du cumul des mandats, victoire aux régionales, conventions programmatiques, installation de la première secrétaire dans le rôle de première opposante. Enfin, la nécessité où se trouve le pouvoir de donner aux marchés un gage immédiat de redressement par le biais du relèvement de l’âge légal des 60 ans, qui frappe les plus défavorisés, offre au PS un argument fort de justice. De l’autre, un directeur général du Fmi, dont le rôle de recours aurait dû s’estomper au fur et à mesure de l’affirmation de la première secrétaire. Mais il n’en a rien été. Au contraire, la cote de Dominique Strauss-Kahn s’envole depuis quelques mois. Il y a deux raisons à cette ascension. La première est évidemment la réponse mécanique aux choix qu’a dû faire Aubry : l’unité du PS réalisée par la première secrétaire implique un gauchissement du discours, particulièrement marqué sur les retraites, où la dimension démographique du problème est minimisée, et libère, en proportion, un espace au centre gauche. La seconde raison tient à la singularité de l’homme et de la situation. Entre les régionales et l’été il y a eu la crise grecque et l’image forte d’un Dominique Strauss-Kahn, qui saute dans l’avion et vient à bout de la résistance de plusieurs mois d’Angela Merkel à desserrer les cordons de sa bourse pour aider Athènes. D. Strauss-Kahn le modéré devenu coqueluche des sondages pourrait simplement prendre rang, après Rocard et Delors, dans la liste des emballements déçus d’une certaine gauche. Mais D. Strauss-Kahn le magicien, l’homme qui murmure à l’oreille des grands et peut même le faire en allemand, sera peut-être le seul à donner de l’espoir en 2012 après quelques années terribles.

Martine Aubry l’a compris, qui, tout en relevant les enchères sur la retraite par la promesse de revenir aux 60 ans, s’est montrée très accommodante sur le calendrier des primaires qu’elle a accepté de retarder pour ne pas gêner le patron du Fmi. On évoque même désormais l’idée d’un arrangement possible entre grands candidats pour éviter les déchirements des primaires et les transformer en plébiscite. Cette hypothèse met en lumière l’avantage que chacun aurait à retirer d’une alliance entre légitimité militante et compétence.

Mais demain il sera difficile pour la gauche, quel qu’en soit le moment, de se soustraire à un choix entre deux réponses à la crise : l’une de repli sur une pureté anticapitaliste, habillé en combat pour la justice, l’autre de transformation des modes de gouvernance au niveau européen. Et donc d’une nouvelle relation à l’Allemagne. Aujourd’hui la crise grecque, et l’horizon sombre d’un toboggan des économies européennes, l’Espagne après la Grèce, semble devoir jouer le rôle d’événement traumatique qui structurera le débat de la présidentielle comme le 11 septembre 2001 l’avait fait pour 2002 et les émeutes de banlieues pour 2007. Si l’inquiétude vire à l’angoisse, ce sera l’heure de Dominique Strauss-Kahn.

Michel Marian

Philosophe de formation, il travaille dans le domaine des politiques scientifiques et de recherche. Michel Marian publie régulièrement notes et articles sur la politique française dans Esprit. Il s’intéresse également à l’histoire et à la culture arméniennes, tout comme aux questions de reconnaissance du génocide arménien.…

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