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Tangage dans l'exécutif

janvier 2014

#Divers

À trois mois des élections municipales, qui seront le premier scrutin national depuis les législatives de juin 2012, les principales caractéristiques des dix-huit premiers mois du pouvoir socialiste n’ont pas changé. Le scepticisme économique, l’inflammabilité sociale à chaque nouvelle mesure, l’impopularité record de l’exécutif, les divisions voyantes de l’Ump, l’ombre croissante du Front national demeurent. Mais toutes ces dynamiques paraissent atténuées, peut-être amorties par l’approche des fêtes de fin d’une année qui fut difficile ou par le besoin de réserver ses forces pour le plein déploiement de la campagne des municipales qui les suivra.

Retour au réel

Plus probablement, une correction ou un rééquilibrage est apparu nécessaire après la surdramatisation du mois de novembre, où s’étaient succédé l’ultimatum des bonnets rouges bretons pour l’abrogation de l’écotaxe, les huées contre le chef de l’État aux cérémonies du 11 Novembre et l’appel à un changement de Premier ministre lancé par Malek Boutih.

Il a fallu toutefois un geste politique pour saisir ce besoin d’inflexion, de retour au réel. Il est venu du principal intéressé, le Premier ministre, dont la tête venait d’être mise à prix et qui ne pouvait plus se contenter de déclarations de solidarité parlementaire. Son génie tactique a été de ne pas chercher une diversion mais une sortie par le haut du sujet qui empoisonnait le climat depuis la fin de l’été et l’énonciation, performative au-delà des espérances de son auteur, d’un « ras-le-bol fiscal » par son ministre des Finances.

En proposant une concertation en vue d’une grande réforme fiscale, Jean-Marc Ayrault a réussi à la fois à redonner au pouvoir une image de proactivité et à la base socialiste la fierté de tenir un engagement de campagne sur un thème plus profondément identitaire pour elle que le « mariage pour tous ». Cette fierté est certes très anticipée, le geste n’est pas encore un acte politique et le principal résultat concret qu’il ait à ce jour produit est une marginalisation de Moscovici, jugé peut-être responsable d’un trimestre désastreux, du circuit des nominations aux principaux postes du ministère des Finances. L’important est surtout ce qu’il a empêché, une éviction de Matignon par simple absence d’autre solution à la paralysie du pouvoir. Si l’on ajoute que les candidats les plus sérieux au remplacement de l’actuel Premier ministre sont empêchés, l’une, Martine Aubry, par un prolongement inattendu d’ennuis judiciaires, l’autre, Manuel Valls, par la crainte de Hollande de revivre la relation Chirac-Sarkozy, on peut gager qu’Ayrault a prolongé son bail au moins jusqu’aux européennes de mai.

Rivaux et adversaires

Mais ce rétablissement a un prix : il est apparu clairement sinon comme imposé au président, du moins comme une initiative personnelle du Premier ministre à laquelle le président a dû se rallier. Cette inversion des rôles fait écho au raté de communication qui avait émaillé cet annus horribilis fiscal, lorsque le président avait annoncé une pause fiscale dès 2014, date qu’Ayrault avait rectifiée en la remplaçant par celle de 2015. Malgré leur identité de ligne, un changement est peut-être en train de se produire dans le couple exécutif. En ne transigeant pas avec la vérité et en prenant des décisions quand il le faut, Ayrault a souligné, involontairement sans doute, les réticences de Hollande à clarifier et à trancher et a prolongé les doutes sur sa capacité à habiter la fonction présidentielle. Ce faisant, il a agacé l’Élysée. Dès la première gaffe de Matignon, la mise en ligne sans filtrage d’un rapport sur l’intégration contenant quelques propositions explosives comme la fin de l’interdiction du voile à l’école, Hollande a « recadré » Ayrault, aussitôt imité par quelques ministres importants. Après l’impopularité partagée, les deux têtes de l’exécutif entrent dans une deuxième période, celle de la distinction et des turbulences assumées. Les optimistes y verront peut-être l’annonce de premiers résultats à se disputer.

Le côte à côte de Hollande et de Sarkozy aux obsèques de Mandela, voulu par le président actuel, a été lu comme l’annonce que 2017 aurait la même affiche que 2012. Il était aussi celui d’un tenant du titre qui attend silencieusement que les résultats économiques finissent par justifier ses choix et sa légitimité à repostuler, et d’un ex-titulaire qui engrange par son absence les déceptions produites par ses rivaux comme par ses adversaires. L’ascendant « passif » pris par Sarkozy sur ses concurrents, et apparemment encouragé par Hollande qui y verrait le meilleur moyen de remobiliser la gauche, ne dispensera cependant pas longtemps l’Ump d’une reprise de la bataille pour le leadership. Fillon, même s’il a confirmé à ses dépens l’ampleur du fossé qu’il voulait effacer entre le second rôle et le premier, est allé trop loin pour renoncer. Juppé surtout sera tenté d’exploiter l’étroite fenêtre qui séparera son triomphe assuré à Bordeaux en mars, que seul pourrait éclipser une victoire arithmétiquement improbable de Nathalie Kosciuzko-Morizet, d’une percée du FN en mai aux européennes, qui jetterait les hésitants dans les bras de l’ancien président.