Claude Lefort à l'œuvre
La politique n’était pas pour Lefort un objet d’étude mais une expérience vécue, comme en témoignaient ses conversations, ses lectures, ses indignations. En saluant sa mémoire, avant de revenir plus longuement sur sa pensée, nous republions ici « Le XXe siècle : la croyance et l’incroyance », un texte qu’il avait donné à Esprit après une conférence qui, prononcée dans une Europe centrale qui renouait avec la démocratie, revenait magistralement sur son analyse de la croyance politique au cours du siècle.
Une rencontre avec Claude Lefort, ces deux dernières années, pour prendre de ses nouvelles et lui dire notre amitié, commençait nécessairement par une phrase rituelle : « Qu’est-ce qu’on pense à Esprit de l’actualité politique ? » Il fallait prendre ses précautions et se préparer un peu : pour ma part je lui avais fait lire les livres de Bruno Le Maire (Des hommes d’État) ou de Raphaëlle Bacqué (le Dernier mort de Mitterrand). Si, chez lui, le politique ne se confondait pas avec la politique, ce n’était pas par manque d’intérêt pour l’actualité politique ni par pose de belle âme philosophante scrutant de loin notre monde. Au cours d’un repas en juillet dernier, le « conflit d’intérêts » (affaire Woerth aidant) était le nerf d’une discussion