
L’exode de la pensée. Ricœur et le projet moderne
Ce texte est extrait de Démocraties d’en haut, démocraties d’en bas. Dans le labyrinthe du politique (préface de Frédéric Worms, Paris, Seuil, coll. « La Couleur des idées », à paraître en janvier 2023). Olivier Mongin y mène une enquête au long cours sur la crise de la démocratie contemporaine au fil conducteur d’une lecture originale des réflexions de Paul Ricœur sur les « paradoxes du politique ». Source de violence, le politique est aussi une tentative de réduire le mal. Le rejet des institutions, la crise de la représentation, les abus du pouvoir étatique sont des phénomènes qui, selon l’auteur, s’ancrent dans une conception étriquée du politique. Dans les pages que nous allons lire, Olivier Mongin revient sur une image trop optimiste de la modernité et des Lumières qui accorde tout à l’« horizon d’attente » (marqué par le progrès) sans se soucier des apories de l’« espace d’expérience ». Mais, plutôt que de désespérer de la modernité, il faut prendre la mesure des événements qui nous éloignent d’elle et celle des intuitions qu’elle a eues et que nous pouvons encore réinvestir.
Comprendre la modernité entendue au sens large, c’est constater, comme le fait Charles Taylor dans Les Sources du moi1, que le contemporain se pense aujourd’hui avant tout comme consommateur et travailleur, avant de se penser comme citoyen manifestant un désir de vivre avec les autres. Le grand projet de la modernité est à l’origine d’une « auto-déception » paradoxale : en effet, la volonté de maîtrise qui le caractérise nourrit une fuite en avant dont la révolution numérique est aujourd’hui l’un des fers de lance.
Confronté à cette situation, Ricœur – à qui l’on doit l’expression de « maîtres du soupçon » (Marx, Nietzsche, Freud) – évoque les trois thérapies du futur qui peuvent permettre selon lui de prendre une distance critique2 : il faut d’abord se pencher sur « l’auto-interprétation de l’homme moderne », qui en est venu à « détester ce qu’il aime sans avoir trouvé d’alternative crédible à la forme de société qui définit son identité3 » ; il est décisif de rendre possible ensuite « une prise de conscience hardie » de la condition de l’homme moderne, ce qui renvoie au titre d’un livre majeur d’Arendt ; et il est enfin indispensable de prendre une mesure relative du type de société qui est à l’origine de cette conscience minée. Cette triple thérapie, surprenante chez Ricœur, peu enclin à recourir au concept de modernité, va dans le sens d’une critique de la revendication d’une autonomie complète et radicale du sujet moderne. Il procède à cette critique en prenant, d’une part, appui sur les trois figures de l’autorité qui sont une réponse à l’ambition d’auto-fondation du sujet ; en s’efforçant, d’autre part, à « relativiser » le projet moderne en suggérant d’autres manières « d’être en société », comme y invite par exemple l’anthropologie comparative de Louis Dumont : ce dernier souligne la particularité de l’idéologie individualiste des Modernes… Relativiser le projet des Modernes conduit par ailleurs à valoriser la dimension exodique de l’expérience historique, présente chez Michael Walzer quand il évoque un universalisme réitératif, scandé par des « événements fondateurs » dont les exemples sont puisés par lui dans la Bible4.
Les migrations de pensée
La volonté de relativisation va aussi dans le sens de migrations de pensée, une expression inattendue mais qui ne devait pas surprendre, dans la mesure où Ricœur valorise simultanément les pratiques, le savoir et la réflexion et ne cesse de mettre en avant l’esprit « non babélien » de la traduction. Ces migrations de pensée interviennent de deux manières : comme des migrations entre des domaines et des sphères de la vie sociale, mais aussi comme des migrations de pensée hors du monde de la pensée européenne. Cette approche « migratoire » repose sur trois exigences – qui sont autant d’impératifs. Tout d’abord, il faut libérer « les promesses non tenues de la modernité » du carcan d’un passé mort, car ce sont des conditions de la thérapie du futur, à une époque où notre capacité de nous projeter dans le futur n’a le plus souvent d’autre sens et d’autre contenu que ceux qui sont fournis par la technique et son universalisme abstrait. Mais il ne suffit pas de puiser dans le passé et de traiter les traditions comme des ressources vives pour nourrir un élan vers le futur. Un deuxième aspect du problème souligne la nécessité d’un changement d’ordre culturel : « L’invention majeure concerne l’intégration les unes aux autres d’attitudes à l’égard du futur qui sont sans cesse menacées de se dissocier : qu’il s’agisse de prospective technique, d’anticipation économique, de résolutions de problèmes moraux inédits posés par les menaces sur l’écosystème, par les possibilités d’intervention dans le patrimoine génétique humain, par la surabondance des signes en circulation excédant notre capacité d’intégration5. »
Dans cette perspective, les migrations de pensée réussies du passé ont consisté dans une « intégration progressive de valeurs hétérogènes à un espace culturel d’accueil qui s’est lui-même enrichi des invasions qui ont d’abord menacé sa cohésion6 ». Il est possible de faire le lien entre cette représentation de la migration de pensée et les enseignements tirés de l’épreuve de l’étranger, qui n’est pas réductible à une relation guerrière ou prédatrice.
À ces deux dimensions, il faut en ajouter une troisième, qui est à nouveau celle de l’utopie. S’il faut se méfier de l’utopie en raison de sa raideur doctrinale, « les peuples ne peuvent pas plus vivre sans utopie que les individus sans rêve. À cet égard, l’Europe sans frontières fixes est une utopie dans la mesure où elle est d’abord une Idée, comme le voulaient Husserl et Jaspers. Mais l’important est que nos utopies soient des utopies responsables, qui tiennent compte autant du faisable que du souhaitable7 ».
On saisit combien la difficulté de l’institution européenne à prendre de front la question des échanges culturels a des effets néfastes : en ont témoigné les débats sur la Constitution européenne elle-même, et en attestent encore les résurgences identitaires de tous ordres en Catalogne, en Écosse, en Hongrie, en Pologne et en Grande-Bretagne8, alors même que la guerre en Ukraine invite à observer les déplacements « géographiques » de l’Europe historique vers le nord (le rôle majeur des pays baltes, l’entrée de la Suède et de la Finlande dans l’Otan…). Les idées ne relèvent pas d’une haute voltige sans géographie et sans histoire !
L’attente et l’expérience
Tel est donc le double sens de l’exode de la pensée, qui est à la fois exode au sein même de la pensée des Modernes, et exode hors du monde européen et déplacements en son sein. Le va-et-vient entre pensée et action est impressionnant et déterminant : l’exode hors de l’hégélianisme croise une représentation exodique de l’histoire, qui accompagne une conception réitérative de l’Universel et une valorisation de l’événement. Les retournements de la modernité reflètent la problématique de l’événement qui permet de passer d’une conception de l’Universel en surplomb à une universalité latérale ou réitérative, traversant les ensembles historiques et culturels9. Jean-Claude Monod parle pour sa part, à propos de Claude Lévi-Strauss et de son troisième humanisme, d’un universalisme énigmatique qui donne toute sa vigueur à une anthropologie universelle10. La double migration interne et externe du projet moderne est parallèlement éclairée par les analyses portant sur l’Aufklärung et l’élaboration d’une « herméneutique de la conscience historique », qui devrait caractériser la philosophie critique des Lumières.
L’exode de la pensée est à la fois exode au sein même de la pensée des Modernes et exode hors du monde européen.
S’inspirant de la polarité introduite par Reinhart Koselleck entre les deux catégories d’espace d’expérience et d’horizon d’attente, Ricœur met en scène les trois topoï de la modernité. Ceux-ci font écho à trois croyances : la croyance que l’époque présente ouvre sur le futur d’un nouveau sans précédent, celle qu’on assiste à une accélération d’un changement vers le mieux et celle que les hommes sont de plus en plus capables de faire leur histoire. « Temps nouveau, accélération du progrès, disponibilité de l’histoire, ces trois thèmes ont contribué au déploiement d’un nouvel horizon d’attente qui, par choc en retour, transforme l’espace d’expérience dans lequel sont déposés les acquis du passé11. »
L’originalité de l’approche consiste à suspecter les trois topoï, à mettre à l’épreuve à la fois l’idée de temps nouveaux, la croyance en une marche inéluctable vers le progrès et la maîtrise de l’histoire. En mettant en avant notre vulnérabilité – ce qui est plus clair que jamais en 2022 avec la guerre aux portes de l’Europe, le risque de récession et les feux de la canicule –, le fait que « nous sommes affectés par l’histoire et que nous nous affectons nous-mêmes par l’histoire que nous faisons », Ricœur souligne que les catégories d’horizon d’attente et d’espace d’expérience sont plus fondamentales que les topoï dans lesquels elles ont été investies par la philosophie des Lumières. Pour lui comme pour Koselleck, ce sont des méta-catégories valables au niveau d’une anthropologie philosophique, dont les implications éthiques et politiques sont permanentes. Il en résulte que la double tâche réflexive et pratique est d’empêcher que la tension entre ces deux pôles, l’horizon d’attente et l’espace d’expérience, ne devienne schisme. Elle invite à ne pas rétrécir l’espace d’expérience, à lutter contre la tendance à ne considérer le passé que sous l’angle de l’inchangeable, du révolu : « Il faut ré-ouvrir le passé, raviver en lui des potentialités inaccomplies, empêchées, voire massacrées12. »
L’espace d’expérience est alors celui d’un présent historique qui doit surmonter la crise, le schisme qui opère une coupure entre une utopie impossible et une tradition muée en dépôt mort. L’initiative ne consiste pas en autre chose, sur le plan historique, qu’en l’incessante transaction entre deux tâches : valoriser des accents utopiques tournés en direction du souhaitable et du raisonnable, et libérer les potentialités inemployées du passé. Cette force du présent conduit Ricœur à saluer la seconde des Considérations inactuelles de Nietzsche13, iconoclaste à l’égard de l’histoire/discipline qui enferme dans le passé révolu et n’a pas le pouvoir ni la tâche de refigurer le temps. « Un temps de suspens est sans doute requis pour que nos visées du futur aient la force de réactiver les potentialités inaccomplies du passé et que l’histoire de l’efficience soit portée par des traditions encore vivantes14. »
La critique de la critique de l’Aufklärung
Relativiser le projet des Modernes, c’est relativiser parallèlement l’Aufklärung européenne. Qu’advient-il alors du mouvement des Lumières, dont il ne suffit pas de rappeler qu’elles ont leur part d’ombre ou de baroque et qu’elles correspondent au troisième stade du cercle de la tolérance ? Si Ricœur s’accorde avec une critique de l’Aufklärung, par exemple celle qui a été formulée par Horkheimer et Adorno, reconnaissant l’ambivalence de la modernité, il ne se contente pas d’une remise en cause des bases de sa légitimité. Certes, l’auto-compréhension de l’homme moderne est le produit d’une critique que l’Aufklärung a rendue possible, et il est juste de considérer avec Habermas que le projet des Lumières est inachevé. Mais un retour au pur idéal des Lumières n’est pas suffisant15. Il importe d’en relativiser la signification historique (en lien avec la relativisation de la modernité) et de ne pas se contenter de prôner le retour à une Aufklärung débarrassée de ses perversions. Relativiser, c’est replacer les Lumières sur la trajectoire d’une histoire plus longue, qui ne correspond pas à une fondation unique ; c’est les inscrire dans le double héritage hébraïque et grec, celui qui se réclame d’Athènes et de Jérusalem, celui qui renvoie d’une part à la Torah hébraïque et au Nouveau Testament, et d’autre part à l’éthique grecque des vertus16. Mais cette multi-fondation, qui se veut une réponse à l’indétermination démocratique, ne se résume pas non plus au double héritage juif et grec, elle renvoie aussi à d’autres mondes culturels ; elle doit faire mémoire de tous les commencements et recommencements, et renvoyer à d’autres traditions qui se sont sédimentées et confrontées. Dans cette optique, il importe de réactualiser, refigurer des héritages qui sont plus anciens que celui de l’Aufklärung, ce qui ne signifie pas qu’ils soient achevés, momifiés… en tout cas, ils ne le sont pas plus que ce dernier. Ce retournement des traditions, leurs promesses non tenues, est l’une des conditions pour que l’identité dite « moderne » puisse corriger les effets pervers et malencontreux qui la fragilisent et la défigurent (alors même que ses acquis sont irrécusables). Cela peut mettre en tension par exemple la démocratie et contribuer à réimaginer ses rapports passés avec l’écologie : ainsi, exemple parmi d’autres d’un retour sur l’arrière, les « mégafeux » de forêt contemporains peuvent être l’occasion de redonner un sens et un rôle aux feux traditionnels (aujourd’hui interdits dans les pays dits avancés) organisés par des communautés paysannes dans le but, entre autres, de contrôler l’évolution des forêts17.
Cette voie philosophique opère une avancée hors du champ de la pensée et de l’histoire occidentale, car la réflexion n’est plus dissociable des nouveaux et des anciens mondes (qui ne sont nouveaux et anciens qu’en raison des coupures de la pensée opérées par la version hégélienne de la raison européenne). La critique envisagée de l’Aufklärung en tant que condition de l’émancipation moderne est donc paradoxale : portant sur le socle de la modernité, elle ne vise pas la seule modernité occidentale mais toutes les traditions, qu’elles soient historiques ou non, qu’on a pu croire avoir dépassées et laissées derrière, plus ou moins à l’abandon. La critique de la critique, celle qui a pu se retourner contre la Raison elle-même18, s’inscrit dans une perspective globale et plurielle ; elle décentre, dans la mesure où elle ne peut se réaliser dans une perspective strictement européenne ou occidentale. Parallèlement à Pierre Legendre, qui dénonce la prétention occidentale à disposer « mondialement », sur un mode managérial, du mental de l’humanité19, ou à Claude Lévi-Strauss, qui cherche un contrepoint pertinent dans un pays comme le Japon, oscillant entre tradition et modernité, la critique de l’Occident moderne ici promue ne débouche pas sur le seul procès de la raison occidentale ou sur un relativisme culturel. Elle se déporte vers une bifurcation historique qui invite à un « dé-centrement », sans lequel il est inconcevable de sortir d’une représentation en termes d’universel de surplomb, cet universel vertical vers lequel il faudrait regarder, comme on regarde vers le Pouvoir vertical et comme on court après l’histoire de l’Occident. Pour Michel de Certeau, le désir des voyageurs partis à la découverte d’un Nouveau Monde géographique, voire de nouveaux mondes, ne correspondait pas seulement à une volonté de domination : il traduisait l’envie de voir de « l’autre » (côté de la mer). Jusqu’à maintenant, le voyage chez l’autre a été une capture, une conquête : peut-être est-il en passe de (pouvoir) devenir un partage, qui ne sonne pas le tocsin de l’esprit critique dont l’Europe a écrit une part, mais une part seulement de l’histoire ?
- 1. Charles Taylor, Les Sources du moi. La formation de l’identité moderne [1989], trad. par Charlotte Melançon, Paris, Seuil, 1998. Voir aussi Paul Ricœur, « Le fondamental et l’historique. Note sur Sources of the Self de Charles Taylor » [1998], Le Juste 2. Justice et vérité, Paris, Éditions Esprit, p. 193-211.
- 2. Cette approche « thérapeutique » ne peut surprendre : dans le texte évoqué d’entrée de jeu sur la crise de la modernité (« La crise : un phénomène spécifiquement moderne ? » [1988], Politique, économie et société. Écrits et conférences 4, Paris, Seuil, coll. « La Couleur des idées », 2019), Ricœur met en avant une approche médicale, qui l’emporte sur les autres analyses de la crise (économique, politique, épistémologique…). Par ailleurs, celui qui a valorisé les « maîtres du soupçon » et pratiqué la démythologisation s’accorde avec ce qu’on appelle l’esprit du déconstructionnisme, à condition que l’on donne sa place à sa réflexion sur l’autorité et la reconnaissance. Il ne suffit pas de déconstruire, de démythifier, de démythologiser et de démystifier : c’est aussi ce que montre la réflexion de Ricœur sur Freud, prise entre une archéologie et une téléologie, ce qui lui a valu les remontrances de ceux qui ne voyaient en lui qu’un hégélien qui se serait mal frotté à Freud, car trop tourné vers le telos.
- 3. Paul Ricœur, Lectures 1. Autour du politique, Paris, Seuil, 1999, p. 72.
- 4. Voir les publications de Michael Walzer et Stéphane Mosès ; et Esprit, janvier 2017, « Où sont les prophètes ? ».
- 5. P. Ricœur, Politique, économie et société, op. cit., p. 307.
- 6. Ibid.
- 7. Ibid., p. 308.
- 8. Voir Justine Lacroix, La Pensée française à l’épreuve de l’Europe, Paris, Grasset, coll. « Mondes vécus », 2008.
- 9. Pour une critique de l’universalisme de surplomb et ses conséquences sur la politique étrangère américaine, voir Florent Guénard, La Démocratie universelle. Philosophie d’un modèle politique, Paris, Seuil, coll. « La Couleur des idées », 2016 ; voir aussi Jean-Claude Eslin, Dieu et le pouvoir. Théologie et politique en Occident, Paris, Seuil, 1999, et Giacomo Marramao, Ciel et terre. Généalogie de la sécularisation [1994], trad. par Carole Walter, Paris, Bayard, 2006.
- 10. Voir Jean-Claude Monod (sous la dir. de), Dictionnaire Lévi-Strauss, Paris, Bouquins, 2022, « Préface ».
- 11. P. Ricœur, Temps et récit 3. Le temps raconté, Paris, Seuil, 1985, p. 304.
- 12. Ibid., p. 313.
- 13. Voir P. Ricœur, « Vers la Grèce antique. De la nostalgie au deuil », Esprit, novembre 2013. Cet article, qui reprend les trois catégories nietzschéennes d’histoire, monumentale, antiquaire et critique, refuse les options de la nostalgie et de l’oubli. Et il conclut sur la nécessité de redonner sa place à Jérusalem face à Athènes, ce qui évoque les liens tissés entre la pensée de Ricœur et l’éthique d’Emmanuel Levinas.
- 14. P. Ricœur, Temps et récit 3, op. cit., p. 346. Dans cette séquence qui porte sur une « herméneutique de la conscience historique », Ricœur propose de distinguer rigoureusement les trois notions de traditionalité, traditions et tradition (p. 318 sq).
- 15. Voir Alphonse Dupront, Qu’est-ce que les Lumières ? [1963], préface de François Furet, Paris, Gallimard, coll. « Folio histoire », 1996. Il s’agit d’une approche historique qui met en avant le lien des Lumières avec une révolution économique, une révolution politique et la révolution romantique à venir, ce qui ne va pas dans le sens d’une rupture radicale mais d’un mouvement « pluriel » (« les Lumières ») et au long cours ; et les Lumières sont une mise en mouvement historique du monde, et non pas un passage instantané de l’ombre à la lumière.
- 16. Pierre Gisel, Qu’est-ce qu’une tradition ? Ce dont elle répond, son usage, sa pertinence, Paris, Hermann, coll. « Le Bel Aujourd’hui », 2017.
- 17. Voir Joëlle Zask, Écologie et démocratie, Paris, Premier Parallèle, 2022.
- 18. Voir Marcel Hénaff, Violence dans la raison ? Conflit et cruauté, Paris, L’Herne, 2014, en particulier le premier chapitre, « Savoir et dominer. Horkheimer et Adorno ou les tribulations de la raison instrumentale », et l’épilogue, « Raison dans la violence ».
- 19. Pierre Legendre, Ce que l’Occident ne voit pas de l’Occident. Conférences au Japon, Paris, Mille et une nuits, coll. « Les Quarante Piliers », 2004 : « Notre histoire a fabriqué une “machine à voir” destinée à convertir tous les regards à voir ce que les Occidentaux croient voir et savoir de l’humain et du destin des sociétés humaines » (p. 16-17) ; « Ce qui nous échappe d’essentiel dans la représentation occidentale concerne la base historico-critique sur laquelle la tradition européenne a fondé ses catégories normatives » (p. 24).