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De la piraterie protestante aux piratages contemporains. Ou de la capacité à s'incruster dans les interstices

juillet 2009

#Divers

Ou de la capacité de s’incruster dans les interstices

Si l’on admet le diagnostic selon lequel la mondialisation signifie que notre présent est « liquide », peut‑on remettre le pied sur la terre ferme ? Plutôt que d’opposer monde terrestre et monde océanique, il faut observer les configurations en archipel, qui associent le solide et le liquide, et comprendre les espaces mixtes du flux et du réseau qui organisent de plus en plus notre géographie.

Si on ne résume pas abusivement la mondialisation contemporaine1 à sa dimension économique, si l’on ne feint pas de croire que l’homo oeconomicus cher à Adam Smith et Karl Marx est à lui seul « l’homme mondial », on peut observer que l’imaginaire de la mondialisation renvoie à la fois au « protestantisme » et au « Nouveau monde » américain marqué par la traversée du désert, le road movie, la grand-route. L’originalité de la réflexion d’Olivier Abel et des articles historiques publiés dans ce dossier est de le souligner à travers la figure inattendue du pirate.

liquide, protestant, américain !

Revenons donc d’abord sur ces affirmations : Eh bien oui, nous sommes tous un peu protestants ! La pensée anglo-saxonne, le libéralisme dans ses diverses déclinaisons (économique, politique, juridique), indissociables qu’il est de l’imaginaire protestant, mettent en effet l’accent sur l’échange, le commerce, la mobilité. Dans cette optique, la religion a un avenir « mondialisé » qui signifie au moins deux choses : d’une part, qu’on ne peut se contenter d’en prophétiser la disparition et, d’autre part, que les églises évangéliques (issues du rameau protestant) représenteront la première religion à l’horizon 2050 et non pas l’islam2. Cette tendance va de pair avec une crise des institutions hiérarchiques, à commencer par celle de l’Église catholique, et avec une privatisation des comportements religieux eux-mêmes (« entre soi » et individualisme). Il ne faut donc pas s’étonner qu’un chercheur comme Patrick Haenni ait pu déceler dans l’Islam de marché3 les signes annonciateurs, en s’attachant à des formes inédites de prédication, d’une « protestantisation » de l’islam.

Eh bien oui encore, nous sommes aussi tous américains ! Qu’on le veuille ou non, le nouveau « régime de croissance » économique qui a succédé au début des années 1960 au régime fordiste est initialement américain. À l’origine d’une crise à rebondissements successifs sous forme de bulles, celui-ci présente trois caractéristiques : l’individualisation et l’extension du salariat, les nouvelles technologies et la financiarisation du marché dont il est difficile de douter aujourd’hui4. Mais de ce constat il ne faudrait pas tirer comme conclusion hâtive que l’Amérique, terre « liquide » au sens de la mobilité et de la finance, est un pays maritime comme l’était l’Empire britannique dont le pouvoir sur les mers fut déterminant. L’Amérique puritaine est une « grand-route », une terre d’immigration qu’il faut traverser, une terre en grande partie désertique où la recherche de l’infini est toujours reportée. Ce n’est pas un hasard si, du western au road movie, le désert marque l’imaginaire américain5.

L’image de la liquidité, de la mer et de l’océan, proposée par Zygmunt Bauman entre autres, à laquelle nous aimons recourir dans cette revue, est convaincante. Encore faut-il en souligner la polysémie, le caractère inédit et marquer le basculement historique qui nous a fait passer d’un monde de la piraterie à l’ère du piratage. Comprendre ce changement de perspectives, c’est éclairer la nature même de la « toile » mondiale, innervée par des flux de tous ordres, dont nous sommes tous plus ou moins les acteurs. Si l’imaginaire protestant et américain trouble l’esprit européen, la figure mondialisée du pirate a le mérite de montrer que nous ne vivons plus à l’heure de Robinson Crusoé et de l’Île au trésor dès lors que le piratage s’est substitué à la piraterie.

Nous insisterons donc ici sur ce qui différencie la « piraterie protestante » d’hier et le « piratage contemporain ». À l’époque de la piraterie, l’État restait un « élément » de grande solidité (Richelieu et sa ville face à La Rochelle ouverte vers la mer) dont le dissenter protestant et le pirate se démarquaient et l’Utopie un horizon destiné à dépasser l’État. Aujourd’hui, alors que la circulation des flux est le moteur de l’histoire et que l’absence de liquidités (la crise financière nous apprend qu’il faut trouver un équilibre entre absence de liquidités et excès de liquidités) a des effets catastrophiques, les États sont fragilisés et affaiblis en raison de leur interdépendance. C’est pourquoi le pirate contemporain s’en prend moins à l’État qu’il ne se cache dans tous les interstices du réseau interplanétaire pour en brouiller les limites en faisant disjoncter les flux. Commentant l’évolution du droit, un droit de moins en moins terrien et de plus en plus maritime (voir l’extension du droit de la mer), le juriste Alain Supiot affirme que la déterritorialisation devenue invivable et incontrôlable n’a pas plus d’avenir que la nostalgie d’un ordre purement interétatique6.

Mais si la notion de piratage peut être éclairante pour comprendre la nature de notre « présent liquide », elle est cependant doublement ambiguë : d’une part elle est de moins en moins localisable, perceptible et elle renvoie d’autre part à des pratiques fort hétérogènes dont le terrorisme est toujours l’horizon possible. En cela, le piratage n’est pas une résurgence de la piraterie en dépit de sa part mythologique très appréciée au cinéma ces dernières décennies (de Pirates de Roman Polanski à la série des Pirates des Caraïbes avec Johnny Depp). Après avoir rappelé que la terminologie liquide est d’une grande actualité, indissociable qu’elle est du « nouveau monde industriel » (une notion préférable à celle de monde postindustriel car l’industrie n’est pas en voie de disparition mais délocalisée7), il faudra préciser la place de la liquidité en jouant sur une gamme de clivages et de relations binaires (solide/liquide, déterritorialisation/reterritorialisation, solide/liquide, cellulaire/vertébré, lisse/strié) en s’appuyant sur quelques auteurs : le juriste Alain Supiot, le philosophe Zygmunt Bauman, l’anthropologue Arjun Appadurai et le binôme Deleuze/Guattari dont Mille Plateaux est un ouvrage anticipateur aux intuitions fulgurantes.

Le paradoxe du liquide : entre profusion et rareté

Liquide, notre monde ! Mettre l’accent sur le vocabulaire liquide et marin revient d’abord à prendre en compte la place prise aujourd’hui par la thématique de l’eau (l’écoulement) et de la liquidité monétaire (le fongible8). Certes l’eau renvoie aujourd’hui au souci écologique de dépollution et de protection (aménagement des berges, attraction du littoral maritime), ou bien encore à l’importance prise par le fret maritime (95 % du fret mondial avant la crise) et par les mobilités territoriales qui mettent en avant « l’appel du littoral9 ». Mais le monde est d’abord liquide en raison de la prépondérance des flux de tous ordres (informations, images, communication, transports, commerce, finance, mobilité) qui sont indissociables des révolutions technologiques majeures dont l’internet est le symbole. Avant même de souligner le facteur essentiel de la vitesse (instantanéité et ubiquité) il faut saisir d’emblée que le Monde, celui des flux de la mondialisation, n’est pas une échelle supplémentaire, celle qui viendrait après le local, le régional, le national, le continental… mais un « hors d’échelle » composé de tous ces flux réels et virtuels dans lesquels nous sommes « immergés ». Du fait de ces flux, nous sommes « embarqués » dans une aventure où les internautes sont des « navigateurs » et au cours de laquelle nous pouvons rencontrer des pirates qui se cachent « sur ou sous » la toile. Comme nous nageons dans un océan qui nous « arrose » en continu d’informations et d’images relevant du virtuel comme du réel, la vitesse et l’accélération donnent lieu à un double trop-plein. À une double profusion : « un trop-plein de réel » qui défile en boucle (la surcharge de données et d’informations) et « un trop-plein de possibles » liés au virtuel (tout est possible, imaginable, je peux croire à tout… mais du même coup les utopies sont dévalorisées). Ce « double trop-plein » provoque tempêtes et inondations en tous genres, autant de bulles, de tsunamis, de tornades qui éclatent et d’inondations dévastatrices. Bref, le monde est en surcharge de « liquide », il est en excès de liquidités et le couvercle de la cocotte-minute mondiale peut sauter de temps à autre en raison de la surchauffe et du bouillonnement.

Mais il faut pousser l’observation à son terme : cette profusion intervient dans un contexte qui est celui de la « fin de la géographie », c’est-à-dire du constat cher à Paul Virilio que nous vivons dans une Terre « unique » et « finie ». Et qu’il n’y a pas d’autres planètes pour se ressourcer en matières premières et biens de première nécessité. Bref le monde est « trop plein » alors même que l’on risque de manquer d’eau, profusion et rareté vont de pair : la crise des liquidités (financières dite crise des subprimes) nous aura avertis qu’un monde qui n’est plus assez liquide est menacé d’assèchement et de repli sur lui-même. Tel est le paradoxe de la prépondérance des flux qui fait écho à la crise interbancaire : un monde trop liquide est dangereux, un monde qui ne l’est pas assez également. On peut alors en conclure, sur un mode volontariste, qu’il faut retrouver un équilibre entre déterritorialisation et reterritorialisation, entre profusion et rareté. Telle est l’invitation du juriste, Alain Supiot comme des adeptes, urbanistes et géographes, de la « mondialisation par le bas » qui n’en appellent pas à un retour au local contre le global, à la terre contre la mer, aux racines originelles contre les flux infinis mais à des reconfigurations spatiales permettant de freiner et calmer les flux10.

Entre déterritorialisation et reterritorialisation : de la sécurité comme recherche de solidité

Mais en rester là n’éclaire pas suffisamment la nature « solide » du « présent liquide ». L’essentiel est d’observer les conséquences d’une déterritorialisation liquide qui crée avant tout un sentiment d’insécurité. Zygmunt Bauman y insiste : dans un monde liquide et mobile qui ne cesse de s’écouler et de circuler le plus vite possible, on vit naturellement dans l’insécurité. Ce qui est à l’origine de l’émergence d’un capital-peur :

Comme l’argent liquide, prêt pour n’importe quel type d’investissement, le capital-peur est susceptible de produire n’importe quel type de profit, commercial ou politique11.

Pourquoi la peur dans un monde liquide ? On craint de couler si l’on ne sait pas nager, ce qui se traduit ainsi : si l’on n’a pas été formé à tirer tous les bénéfices d’un monde en réseau où la capacité de s’interconnecter est la condition de la réussite et de la survie. On s’inquiète aussi des naufrages en cas de gros temps, de bourrasques ou de tempêtes. Un monde liquide est donc un monde où l’on peut se noyer, perdre pied, prendre la tasse, passer de l’autre côté du bastingage au moindre coup de vent. Ce sentiment est à l’origine d’une réaction : la constitution de territoires sécurisants et sécurisés qui protègent de la noyade et de la disparition. Ce n’est pas un hasard si les territoires de la mondialisation liquide, à commencer par les ports (Singapour, Séoul, Hong-Kong…) correspondant aux premiers « petits dragons asiatiques » qui ont inauguré l’histoire de la troisième mondialisation, sont de petites îles et que le monde mondialisé est perçu dans le prisme géographique de l’archipel12. Ces reterritorialisations insulaires et solides (certes plus ou moins) sont une manière de répondre à l’insécurité ressentie par chacun dans un monde où il faut simultanément se démarquer de ceux qui font peur parce qu’ils sont hors jeu, hors connexion, hors du coup, inaptes à la navigation et à l’échange ininterrompu13. Ces îles qui protègent de ceux qui sont perçus comme des menaces et des prédateurs potentiels, créent aussi les conditions d’être « hors la loi » dans des espaces sécurisés, à l’image des fameux paradis fiscaux insulaires. Toujours l’insularité ! L’île correspond en effet à l’espace de la « connexion » (sas chargé de la sécurité – le hub – ou couverture pour des pratiques illicites) dans le monde interconnecté des flux hors d’échelle. Ainsi le monde liquide et déterritorialisé est-il contraint de créer des territoires destinés à répondre à la sécurité quand les États sont manquants ou affaiblis ou, à l’inverse, à en contourner les règles en toute impunité (en tout cas jusqu’à la crise financière de 2008).

Si nous vivons dans un monde d’archipels, dont les îles petites ou grandes participent, et si nous recherchons la sécurité, il ne faut pas s’étonner que la figure du pirate réapparaisse à l’horizon. Celui-ci a plusieurs particularités qui peuvent laisser croire à une comparaison possible avec la grande vague historique de la piraterie : le pirate apparaît toujours en embuscade dans des espaces spécifiques, mal contrôlables, dangereux car étroits. Le pirate est off shore par définition, il aime les criques, les détroits, il se cache à proximité des lieux de passage, il ruse avec la circulation maritime, comme dans le détroit de Malacca cher à Joseph Conrad14. Le pirate d’aujourd’hui a une manière d’agir par « surprise » (à la recherche d’une « sur » prise), de prendre d’assaut dans des zones maritimes resserrées où chacun est contraint de passer (le détroit d’Ormuz, la côte somalienne, Malacca…). S’il fait encore penser aux pirates de la piraterie d’hier, il évoque surtout le terroriste d’aujourd’hui qui n’attaque pas de front et participe de la déterritorialisation. Mais le pirate d’aujourd’hui se distingue également de la figure du pirate cher à Daniel Defoe et aux dissenters dans la mesure où ceux-ci associaient la volonté de prise et l’utopie, le capitalisme et l’invention d’un nouveau monde. Dans les îles contemporaines, il n’y a pas de nouveau monde à inventer et Robinson ne fait plus couple avec Vendredi. La dialectique du maître et de l’esclave est atteinte dans ses fondements car l’idée d’émancipation a perdu son sens pour l’un et l’autre. C’est pourquoi la littérature qui met l’accent sur le « juste combat » du pirate pratiquant des petits pillages contre ceux qui pratiquent des gros pillages est fort discutable. S’en prendre aux chalutiers géants ou aux pétroliers, nous dit-on, c’est s’en prendre à ceux qui volent les matières premières. Tout se passerait entre pirates alors que les formes de piratage se multiplient : le pirate fiscal se cache dans le paradis fiscal insulaire, le pirate maritime se cache près d’une île de l’archipel pour s’en prendre aux navires en tous genres (croisière, commerce…). Si l’île contemporaine n’est plus celle de Defoe et de Robinson, celle de la réinvention d’un capitalisme sous les auspices de Dieu, le pirate d’aujourd’hui intervient dans un monde qui participe d’un double mouvement de déterritorialisation et de reterritorialisation, d’un monde où la piraterie laisse la place à des formes multiples de piratage brouillant les pistes dans des espaces intersticiels (les connexions) et faisant disjoncter les flux dans ces connexions où ils se fondent anonymement.

Brouillage des limites et minorités disjonctives

Nombreux sont les analystes de la mondialisation contemporaine qui ont suggéré des variantes des couples liquide/solide ou déterritorialisation/reterritorialisation. Mais Arjun Appadurai, anthropologue indien qui s’est fait connaître par des réflexions originales sur le postcolonialisme, suggère de prendre en considération le couple vertébré/cellulaire plutôt que le couple solide/liquide. Dans un entretien publié dans Esprit, il met l’accent sur le rôle des minorités actives. Ce qui renvoie aussi bien à des groupes terroristes, mafieux, ethniques qu’à des institutions off shore (banques spécialisées dans le blanchiment).

Il me semble approprié d’associer les éléments de contingence, d’ubiquité et de manque de fiabilité sociale au terme « liquidité ». Mais l’existence de flux n’empêche pas les blocages, à l’image des digues qui contiennent les eaux d’un fleuve ; on observe des obstacles, des interstices dans lesquels l’eau ne peut pas s’infiltrer […] J’aime beaucoup la métaphore. Moi-même j’emprunte certains termes aux sciences physiques : l’énergie, le flux, le mélange, l’hybridité, la combustibilité, l’explosion. Mais je crois qu’il y a d’autres conditions, bien réelles qui ne sont pas assez liquides. Ne restons pas dans la topographie surannée et déterministe de Marx pour qui le solide est dessous et le liquide dessus. Tâchons de trouver une nouvelle loi physique pour décrire les états liquides ou solides de la modernité, tout n’est pas solide, tout n’est pas liquide, tout n’est pas gazeux ; cela circule et se trouve en interaction15.

Le souci d’observer les liens du liquide et du solide va moins le conduire à analyser l’émergence d’espaces sécurisés qu’à prendre en compte le rôle d’acteurs qui sont autant de facteurs d’insécurité et d’instabilité dans un monde où le vertébré (le solide dont l’État était le garant) produit du cellulaire (au sens de cellules pouvant être cancérigènes) pour recourir à une métaphore biologique et non plus physique (le vertébré). Si Z. Bauman met l’accent sur la demande de sécurité dans un monde insécurisant (la peur de la noyade couplée à celle de l’ennemi potentiel), Appadurai ausculte les acteurs de l’insécurité qui brouillent les frontières et les limites en jouant de la bipolarité du cellulaire et du vertébré. Il y a là un « laboratoire des nouvelles formes de cellularité, de déliaison et d’autonomie locale ». Ces acteurs de la déliaison, qui jouent de la disjonction entre les flux (la circulation financière, marchande, commerciale, les informations et la communication, les transports, les migrations, les idéologies, les croyances…), sont liés à des organisations en réseau

dépourvues d’une gestion verticale, coordonnées et pourtant remarquablement indépendantes, capables de réplication sans structures messagères centrales mais parfaitement claires dans leur stratégie et leurs effets cellulaires. Ces organisations s’appuient à l’évidence sur ces outils cruciaux que sont les transferts financiers, l’organisation dissimulée, les paradis fiscaux et les moyens non officiels de formation et de mobilisation qui caractérisent le fonctionnement d’innombrables niveaux du monde capitaliste16.

Si le pirate est un minoritaire (la pression n’est pas liée au nombre, elle est qualitative et non pas quantitative), il est immergé dans le fonctionnement liquide et cellulaire d’un système capitaliste dont il brouille les pistes. Il y parvient en faisant « disjoncter » entre eux les différents types de flux (images, marchandises, idéologies, gens et richesses). Ces disjonctions qui marquent l’ère de la globalisation « sont dues pour l’essentiel à des modes et des moyens de circulation opérant à des rythmes différents dans leur négociation de l’espace et du temps17 ». Dans cette optique, le piratage n’a rien à voir avec l’art de la révolution qui est idéologique, frontale et revendique la rupture, il est une entreprise de disjonction toujours possible. En effet, le monde liquide du réseau valorise un type d’espace, la connexion, qui est lui-même un facteur de disjonction privilégié dans la mesure où il se présente sous la forme d’interstices.

Se nicher dans des espaces intersticiels

Ce brouillage des flux et des frontières, d’autres l’ont effectivement anticipé en se polarisant sur le rôle des interstices et sur la place centrale des connexions. À lire aujourd’hui Mille Plateaux18 de Gilles Deleuze et Félix Guattari, on saisit mieux que l’espace contemporain est à la fois lisse et strié et que le brouillage est indissociable d’un fonctionnement cellulaire qui n’est plus seulement hiérarchique et vertébré. De même que le couple solide/liquide est éclairé par l’opposition du cellulaire et du vertébré, le couple déterritorialisation/reterritorialisation l’est parallèlement par l’opposition du lisse et du strié19. Celle-ci est éclairante à divers titres. Tour d’abord elle est mixte, hybride, ce qui signifie que le lisse (le nomade, ce qui est en mouvement et circulation permanente) donne lieu en retour à du strié (à de l’ordre, à du quadrillage), mais que celui-ci ne maîtrise pas le lisse dans la mesure où il y a des zones d’indiscernabilité, des interstices où le pouvoir peut soit s’imposer, se rendre visible, soit se cacher, se rendre invisible. C’est ce caractère mixte de lisse et de striage qui favorise, parallèlement à une mise en ordre jamais aboutie, toutes les formes de piratage :

L’espace strié est un espace soumis à la mesure qui est toujours assignable (régulière ou non) tandis que dans l’espace lisse la coupure peut s’effectuer où on veut. Ces deux espaces n’existent que par leur mélange. L’espace lisse peut toujours être strié, l’espace strié peut retourner à une dimension lisse et nomade. Dans l’espace strié, on se déplace d’un point à un autre et les lignes et les trajets n’ont de sens que dans cette dimension réglée : toute forme d’« errance », toute « dérive », tout mouvement sans but évident est considéré comme inutile, nuisible, menaçant et illégitime. Dans l’espace lisse, il y a un mouvement inverse : subordination de l’habitat au parcours, de l’espace du dedans à l’espace du dehors. Les points ne sont que des arrêts provisoires sur une ligne ou un trajet […] : il s’agit des espaces non mesurables du désert, de la steppe, des glaces ou de la mer. Historiquement, la mer a toujours été un exemple particulièrement complexe des lignes de partage incertaines entre l’espace lisse et l’espace strié. Elle a longtemps été perçue comme une sorte de désert liquide20.

Mais comme le lisse peut toujours être strié, occupé, organisé, qu’il s‘agisse de la mer, du désert ou de la stratosphère, « toute l’organisation actuelle du monde pourrait être considérée comme une opération démesurée de “striage” de la terre, de la mer, de l’espace de la ville, des flux monétaires et commerciaux, des mouvements de population ». Si le « strié » reprend le dessus sur le « lisse » on peut en déduire un peu vite, dans le sillage des propos de Z. Bauman sur la recherche et l’exigence de sécurité, qu’une société de contrôle et de quadrillage est en voie de consolidation. De nombreux écrits de Foucault ou Deleuze vont dans ce sens mais, à trop insister sur le quadrillage, on risque de laisser croire que l’État despotique a la possibilité de tout contrôler. Tel est donc le deuxième mérite du mixte lisse/strié : il éclaire la nature de la société de « flux en réseau » où les connexions sont des espaces ambigus, à la fois des espaces propices au contrôle d’un côté, à la disjonction et au piratage de l’autre.

C’est au sein même des connexions (les détroits sont des connexions sur le plan de la géographie maritime) que la possibilité de casser la machine et le système s’exerce. Ce qui autorise mille formes de piratage qu’il faut éviter de confondre entre elles (en raison même du modèle qu’impose la figure du terroriste dans la politique sécuritaire). Comme l’a montré Arjun Appadurai, il y a un brouillage toujours possible des limites là même où on cherche à imposer des limites, là où le monde liquide hésite entre son illimitation naturelle (les flux) et une volonté de fermeture et de repli. La connexion désigne cet espace où on joue de la limite pour en abuser ou ruser avec. Dans les connexions, les lieux privilégiés de la mise en réseau dont l’exemple, il y a un mélange hybride de « lisse » et de « strié » :

Ce quadrillage laisse en effet toujours apparaître des points de résistance, des espaces lisses ou troués qui brisent sa continuité. Ces deux mouvements non symétriques doivent toujours être pensés ensemble : le lisse est toujours ordonné, orienté, strié, mais il renaît toujours sous des formes nouvelles et imprévisibles.

On a beau s’efforcer de sécuriser ce qui est trop lisse et liquide, la mise en réseau, du fait de son caractère liquide (les flux), produit des zones imperceptibles de non-droit, d’insécurité, d’incertitudes propices à la disjonction. Ce qui peut donner lieu à des niches pour paradis fiscaux comme à des caches de pirates ou à des actions terroristes. Bref, ce sont des « zones interstitielles et quadrillées qui permettent des formes de dérive ». Pas besoin d’insister sur la polysémie de ce terme de disjonction qui évoque bien un monde toujours prêt à « péter les plombs » car incapable de trouver l’équilibre parfait entre le liquide (et son infinité inquiétante) et le solide (et sa volonté finie de fermeture). Le vocabulaire est ici éloquent et impitoyable : nos désormais fameux produits financiers dits « dérivés » (et toxiques) étaient d’autant plus instables qu’imperceptibles et incontrôlables. C’est en voulant créer du risque zéro (le risque sans risque du financier comme de la politique sécuritaire) que l’on crée du risque extrême dans la mesure où on ne contrôle jamais totalement le liquide et le lisse dans un monde où le Solide à lui seul ne fait plus la Loi (l’État). De fait l’espace interstitiel devient, dans le réel comme dans le virtuel, l’espace des actions les plus contradictoires.

La mer, le lisse et le strié*

C’est ici que se poserait le problème très spécial de la mer. Car la mer est l’espace lisse par excellence, et pourtant celui qui s’est trouvé le plus tôt confronté aux exigences d’un striage de plus en plus strict. Le problème ne se pose pas à la proximité de la terre. Au contraire, c’est dans la navigation hauturière que s’est fait le striage des mers. L’espace maritime s’est strié en fonction de deux acquisitions, astronomique et géographique : le point, que l’on obtient par un ensemble de calculs à partir d’une observation exacte des astres et du soleil ; la carte, qui entrecroise les méridiens et les parallèles, les longitudes et les latitudes, quadrillant ainsi les régions connues ou inconnues (comme un tableau de Mendeleiev). Faut-il, selon la thèse portugaise, assigner une date-charnière vers 1440, qui aurait marqué un premier striage décisif et aurait rendu possibles les grandes découvertes ? Nous suivons plutôt Pierre Chaunu lorsqu’il invoque une longue durée, où le lisse et le strié s’affrontent sur mer, et où le striage s’établit progressivement1. Car, avant le repérage très tardif des longitudes, il y a toute une navigation nomade empirique et complexe qui fait intervenir les vents, les bruits, les couleurs et les sons de la mer ; puis une navigation directionnelle, pré-astronomique et déjà astronomique, qui procède avec une géométrie opératoire, n’opère encore que par latitude, sans possibilité de « faire le point », ne dispose que de portulans et non de véritables cartes, sans « généralisation traductible » ; et les progrès de cette navigation astronomique primitive, dans les conditions spéciales en latitude de l’océan Indien, puis dans les circuits elliptiques de l’Atlantique (espaces droits et courbes2). C’est comme si la mer avait été, non seulement l’archétype de tous les espaces lisses, mais le premier de ces espaces à subir un striage qui le gagnait progressivement, et le quadrillait ici ou là, et d’un côté, puis de l’autre. Les cités commerçantes ont participé à ce striage, ont souvent innové, mais seuls des États pouvaient le mener à bien, l’élever au niveau global d’une « politique de la science ». Un dimensionnel s’est instauré de plus en plus, qui se subordonnait le directionnel ou se superposait à lui.

C’est sans doute par là que la mer, archétype de l’espace lisse, a été aussi l’archétype de tous les striages de l’espace lisse : striage du désert, striage de l’air, striage de la stratosphère (qui fait que Virilio peut parler d’un « littoral vertical » comme changement de direction). C’est d’abord sur la mer que l’espace lisse a été dompté, et qu’on a trouvé un modèle d’aménagement, d’imposition du strié, qui servira ailleurs. Ce qui ne contredit pas l’autre hypothèse de Virilio : à l’issue de son striage, la mer redonne une sorte d’espace lisse, occupé par le fleet in being, puis par le mouvement perpétuel du sous-marin stratégique, débordant tout quadrillage, inventant un néo-nomadisme au service d’une machine de guerre encore plus inquiétante que les États qui la reconstituent à la limite de leurs striages. La mer, puis l’air et la stratosphère se retrouvent espaces lisses, mais pour mieux contrôler la terre striée, dans le plus étrange des renversements3. Le lisse dispose toujours d’une puissance de déterritorialisation supérieure au strié.

*.

Extrait de Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille Plateaux, Paris, Minuit, 1980, p. 598-599.

1.

Voir l’exposé de Pierre Chaunu, l’Expérience européenne du xiiie au xve siècle, p. 288-305.

2.

Notamment Paul Adam, « Navigation primitive et navigation astronomique », dans Colloques d’histoire maritime V (voir la géométrie opératoire de l’étoile polaire).

3.

Paul Virilio, l’Insécurité du territoire : sur la façon dont la mer redonne un espace lisse avec le fleet in being, etc., et sur la façon dont se dégage un espace lisse vertical, de domination aérienne et stratosphérique (notamment chap. IV « Le littoral vertical »).

Le pirate d’aujourd’hui n’est donc ni le dissenter, ni le capitaliste à la Robinson qui peut se doubler d’un utopiste désireux de créer une communauté le rapprochant de Dieu. C’est un acteur qui profite d’un monde fragmenté qui fonctionne à plusieurs vitesses et où les flux peuvent disjoncter entre eux. Si un monde de flux privilégie l’espace de la connexion (le lieu de passage dont les formes sont diverses : le hub, l’aéroport, le port…), celle-ci concerne le gagnant (qui en profite) comme le perdant (qui en est exclu). Indissociable de la connexion, le pirate – celui qui est minoritaire et se préoccupe de faire disjoncter le système dans ses connexions – doit se cacher, se rendre invisible pour pouvoir donner des coups, opérer des larcins, des prises, des prédations, exercer des frappes inattendues. La connexion étant un sas qui convertit des vitesses multiples, le pirate se trouve « là », dans ces « interstices » par où passe la sélection qui est indissociable de la vitesse. Apparemment immobile, le pirate qui peut surgir à l’improviste, comme le terroriste, et agir à toute vitesse, défie les règles de la guerre classique. Si le monde vibre à plusieurs vitesses, il est évident que les différentiels de vitesses sont l’occasion de combats et de luttes imprévisibles. C’est pourquoi le pirate est une figure symbolique très forte aujourd’hui.

Mais le pirate est un homme du piratage et non plus de la piraterie. Il n’est plus un capitaliste qui va produire un monde nouveau comme Robinson puisqu’il s’en prend directement aux capitalistes sur la toile (web) ou en pleine mer, il n’est plus un utopiste (comment être encore utopiste quand l’image du paradis terrestre se confond avec l’île fiscale ?). Et il ne cherche pas plus à découvrir un « nouveau monde » (le monde est fini, la vie sur la lune ou sur d’autres planètes n’alimente plus les utopies, c’est la fin de la géographie, on est enfermé dans une Terre unique où on tourne en rond). Le pirate de la piraterie est une figure inquiétante qui s’en prend à ce qui fait Loi et Autorité, le pirate du piratage profite, lui, des interstices d’un monde à plusieurs vitesses où, en jouant sur des îles et des connexions, on ne cesse de se protéger les uns des autres pour être sûrs de ne pas perdre son butin. Dans un monde à plusieurs vitesses, chacun vogue à son rythme et croit tout contrôler alors que tout peut casser en creux, chavirer, imploser ou exploser dans la moindre anfractuosité ou interstice. Le piratage est l’indice d’un monde fissuré, démembré, inégal, cassé en morceaux… Dès lors, voir dans le pirate du piratage le révolutionnaire de demain est bien téméraire, il symbolise seulement un monde où le Pouvoir et l’Autorité ne s’accordent plus. Or, quand le Pouvoir manifeste (et solide) ne fait plus vraiment Autorité, quand un Pouvoir corrompu peut cacher son argent sale dans des paradis fiscaux localisés dans des îles, celui qui se méfie de l’autorité ou s’en défend retrouve naturellement du Pouvoir. Le piratage est l’indice d’une absence de régulation, mais surtout de la crise même de la politique, c’est-à-dire des liens difficiles entre l’Autorité et le Pouvoir. Mais faut-il laisser entendre démagogiquement que tout le monde est un peu pirate ! Non, tous les piratages ne se valent pas, le terroriste n’est pas un pirate parmi d’autres… Il est grand temps de réfléchir à la place du piratage aujourd’hui car la mondialisation contemporaine, indissociable des connexions où le quadrillage solide des flux liquides n’est jamais garanti de succès, donne beaucoup trop de place à la possibilité même du piratage.

Ce qui signifie qu’il faut réfléchir à cet « entre » qui met en relation, à cet « entre » qui peut donner lieu aussi bien à des lignes-frontières, à des murs ou bien à des zones floues, indiscernables où tout redevient possible. Entre l’illimitation folle et la limite séparatrice, il faut repenser le statut de limites d’un autre ordre. C’est ce que Deleuze et Guattari appelaient le milieu.

« Entre les choses » ne désigne pas une relation localisable qui va de l’une à l’autre et réciproquement, mais une direction perpendiculaire, un mouvement transversal qui les emporte l’une et l’autre, ruisseau sans débit ni fin, qui ronge ses deux rives, et prend de la vitesse au milieu21.

Mais ce milieu n’a aucune raison d’être le paradis caché du piratage !

  • 1.

    Nous vivons, certes, différemment en raison de la singularité des processus historiques et des cultures politiques, ce qu’il faut appeler la troisième mondialisation. Celle-ci, succédant aux grandes découvertes et à la révolution industrielle, est indissociable des nouvelles technologies (la révolution électro-télématique), de la place prise par le virtuel, et de la vitesse des flux qui est à l’origine du double sentiment d’ubiquité et d’instantanéité.

  • 2.

    Voir « Effervescences religieuses dans le monde », Esprit, mars-avril 2007.

  • 3.

    Patrick Haenni, l’Islam de marché, Paris, La République des idées/Le Seuil, 2005.

  • 4.

    Voir les travaux de Michel Aglietta et plus particulièrement Régulations et crises du capitalisme (1976), Paris, Odile Jacob, 1997, un ouvrage qui analyse le passage du capitalisme fordiste au capitalisme patrimonial, et le dossier d’Esprit qui lui a été consacré en novembre 1998. Voir aussi les travaux de l’école de la régulation (Brender, Boyer, Orléan…).

  • 5.

    Sur tous ces points, voir les travaux de Pierre-Yves Pétillon sur l’imaginaire puritain (la Grand-route, Paris, Le Seuil, 1979 et le dossier d’Esprit, novembre 1986, qui lui a été consacré) et Amérique (Paris, Grasset, 1986) de Jean Baudrillard. De ce dernier, on peut également se reporter à « L’Amérique ou la pensée de l’espace », dans Citoyenneté et urbanité, collectif, Paris, Éditions Esprit, 1991, où l’on peut lire : « L’espace est le contraire du territoire, il donne une surdimension à toute chose […] En fait, c’est l’apothéose de l’utopie au sens littéral, c’est-à-dire du lieu nul, du nulle part ; c’est le désert comme forme primitive d’espace. Quelque chose qui n’est pas un paysage, mais la virtualité de tous les paysages, et la multiplication possible de toutes les directions », p. 159.

  • 6.

    Voir Alain Supiot « L’inscription territoriale des lois », dans Esprit, novembre 2008 et Homo juridicus. Essai sur la fonction anthropologique du Droit, Paris, Le Seuil, coll. « La couleur des idées », 2005.

  • 7.

    Pierre Veltz, le Nouveau monde industriel, Paris, Gallimard, 2000.

  • 8.

    Si le « liquide » renvoie à l’eau comme à l’argent en cela qu’ils favorisent la circulation, la liquidité l’emporte sur le bien matériel puisqu’il le fait fondre et le rend « informel ». Pour Alain Supiot « la liquidation d’un bien consiste à le rendre fongible, à le convertir en droits monétaires. Dans le langage courant, le liquide désigne aussi bien l’argent disponible en espèces que tout ce qui coule comme de l’eau et n’a pas de forme propre », dans « L’inscription territoriale des lois », art. cité.

  • 9.

    On prévoyait avant la crise un mouvement de population vers le littoral atlantique substantiel : plus de 25 % d’augmentation de la population entre 2005 et 2025 dans les deux régions bretonnes.

  • 10.

    Tel est le sens de la réflexion sur les métropoles dès lors qu’elle est un peu cadrée conceptuellement, voir mes articles sur le Grand Paris dans Esprit, octobre 2008 et mai 2009.

  • 11.

    Zygmunt Bauman, le Présent liquide. Peurs sociales et obsession sécuritaire, Paris, Le Seuil, 2007, p. 22.

  • 12.

    C’est ce que le géographe Olivier Dollfus appelait l’Amm (archipel mégalopolitain mondial) dans un livre anticipateur, la Mondialisation, Paris, Presses de la fondation nationale des sciences politiques, 1997.

  • 13.

    Gilles Deleuze a consacré l’un de ses premiers textes à la nature spécifique des îles. Dans un texte annonciateur de ses thématiques futures, il proposait de distinguer deux types d’île : les îles continentales qui sont des îles accidentelles, dérivées, séparées d’un continent… et les îles océaniques qui sont des îles originaires qui surgissent d’éruptions sous-marines. Les unes sont donc détachées de la terre tandis que les autres émergent de l’eau. Voir « Causes et raison des îles désertes », texte manuscrit des années 1950 publié dans Gilles Deleuze, l’Île déserte et autres textes. Textes et entretiens 1953-1974, Paris, Minuit, 2002.

  • 14.

    Voir Victoire de Conrad avec une préface très éclairante d’Alexis Tadié (Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 2004).

  • 15.

    Arjun Appadurai, « Violence et colère à l’âge de la globalisation », Esprit, mai 2007.

  • 16.

    Id., Géographie de la colère. La violence à l’âge de la globalisation, Paris, Payot, 2007, p. 48-49. Le livre et le film Gommora auront montré que la maffia napolitaine, loin d’être un archaïsme, fonctionne désormais dans le cadre de la mondialisation.

  • 17.

    Ibid., p. 51.

  • 18.

    Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille Plateaux, Paris, Minuit, 1980.

  • 19.

    Le chapitre 14 de Mille Plateaux, op. cit., p. 592-625, est intitulé « Le lisse et le strié ». Ce couple y est analysé en fonction de cinq modèles : le modèle technologique, le modèle musical (Boulez), le modèle maritime, le modèle mathématique (Riemann) et le modèle esthétique. C’est bien entendu le modèle maritime qui est pour nous, dans le cadre de ce dossier, le plus parlant (voir encadré ci-après).

  • 20.

    Voir l’article récent de Manola Antonelli, « Gilles Deleuze et Félix Guattari : pour une géophilosophie », dans T. Paquot et C. Younès (sous la dir. de), le Territoire des philosophes. Lieu et espace dans la pensée du xxe siècle, Paris, La Découverte, 2009, p. 126.

  • 21.

    G. Deleuze et F. Guattari, Mille Plateaux, op. cit., p. 35.

Olivier Mongin

Directeur de la revue Esprit de 1989 à 2012. Marqué par des penseurs comme Michel de Certeau, qui le pousse à se confronter au structuralisme et l'initie aux problématiques de la ville et aux pratiques urbaines, Claude Lefort et Cornelius Castoriadis, les animateurs du mouvement Socialisme ou Barbarie, qui lui donnent les outils à la fois politiques et philosophiques de la lutte anti-totalitaire,…

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