
Paroles de Français anonymes d'Alain Corbin
En 1967, Alain Corbin recueillait les souvenirs de Français anonymes sur « leurs » années 1930. En les publiant aujourd’hui, il tient à rendre un hommage posthume aux hommes et aux femmes de la France d’en bas. Des gens simples, tous disparus aujourd’hui : « Il y a cinquante-deux ans (1967), cent quatre-vingt-trois électeurs, pour la plupart des hommes du peuple », lui avaient confié les représentations, les convictions, les impressions politiques qui avaient été les leurs entre 1934 et 1936. C’était « il y a plus de quatre-vingts ans » : le lecteur de 2019 est ainsi plongé en deçà de la Seconde Guerre mondiale. Alain Corbin fait parler ces Français au lecteur d’aujourd’hui, en publiant son enquête orale réalisée à la ville et à la campagne, en Limousin, dans les années 1967-1968. Cette « histoire en rase-mottes » résonne curieusement à nos oreilles car elle nous plonge dans deux ou trois historicités différentes. Elle fait retentir au présent le passé de locuteurs qui s’expriment sur leur passé. Un exercice qui ne manque pas d’allure.
Des grands événements, de ceux qui ont fixé la mémoire des historiens et peuplent leurs manuels, comme l’affaire Stavisky (elle provoqua la démission du gouvernement), les témoins du Limousin retiennent avec émotion la mort du fils de leur médecin dans une manifestation – elle leur est plus familière, plus mémorable, plus proche, en un mot plus émouvante. Une histoire, plusieurs mémoires : u