
Le rire et la mort de Dieu de Bernard Sarrazin
Bernard Sarrazin plaide pour un christianisme a-religieux ou un athéisme chrétien consistant à vivre, comme le proposait Dietrich Bonhoeffer, « devant Dieu, mais sans Dieu ». Enraciné dans la tradition chrétienne, il rappelle que pendant des siècles, la question de savoir si Jésus avait ri occupa autant les esprits que celle de savoir si les anges ont un sexe. Si la foi nous aide à traverser une vallée de larmes, le rire est en effet une impiété que l’on tolère une fois par an, au carnaval, pour revenir aussitôt à la triste normalité. Le rire est diabolique : il serait inconcevable que Dieu incarné en homme s’abandonne au rire. Encore aujourd’hui, rire de la religion est perçu par certains comme blasphématoire. Bernard Sarrazin montre comment, peu à peu, par Rabelais et Montaigne comme art de vivre, par Blaise Pascal ou Léon Bloy comme outil polémique, le rire s’est fait une place dans la religion, à mesure que la société se laïcisait et qu’elle avait moins besoin de ce « Dieu archaïque de peur et de consolation qui punit et protège ». Quelle place reste-t-il au rire quand « Dieu est mort » ? La confiance absolue en la science et en la technologie ne prend-elle pas la place de la théocratie intellectuelle du Moyen Âge, rendant de fait le rire impossible ? Le rire a d’ailleurs partie liée avec la mort. Bernard Sarrazin cite Freud et l’histoire « de ce coquin qui, conduit à la potence un lundi matin, déclare : “Eh bien, la semaine commence bien !” » Bernard Sarrazin conclut son livre ainsi : « Devenant, il vivait, et croyant, il doutait. Et dans son for intérieur, il riait. »