Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !

Notes de lecture

Dans le même numéro

Maladies mentales et sociétés. (xixe-xxie siècle) de Nicolas Henckes et Benoît Majerus

novembre 2022

Un sociologue et un historien restituent l’histoire de l’expérience de la maladie mentale et de son traitement à l’époque contemporaine en l’inscrivant dans son contexte social mouvant. Cet ouvrage de synthèse, utile aux étudiants comme aux curieux, explore quatre dimensions du rapport entre maladies mentales et sociétés : les espaces (l’asile, la ville, les colonies, la communauté), les savoirs (les classifications médicales, les sciences sociales, les neurosciences), les pratiques (les soins, les punitions, les psychothérapies, les médicaments) et les expériences (des professionnels, des malades et des familles). Cette exploration est conduite avec pédagogie et rigueur, faisant référence aux grands classiques de l’histoire de la folie tout en prêtant une attention particulière aux recherches les plus récentes. Ainsi, l’attention aux espaces de la folie conduit les auteurs à évoquer leur récente dissémination dans les prisons, les foyers pour migrants ou personnes à la rue, mais aussi les entreprises, les écoles et les logements sociaux. De même, considérant que « les savoirs psychiatriques n’ont jamais été isolés des idées sociales et politiques de leur époque », l’examen des neurosciences, cette plateforme de recherches sur le fonctionnement du cerveau, montre que leur autorité provient à la fois des succès de la nouvelle imagerie cérébrale et de la prégnance contemporaine de l’imaginaire individualiste selon lequel « je suis mon cerveau ». C’est également cet imaginaire qui permet de rendre compte du succès de la notion de « rétablissement » (recovery), au détriment de la guérison, puisqu’elle concerne le recouvrement de la maîtrise de ses choix de vie (et peut servir de prétexte à la fermeture de services de soin). Enfin, considérant les expériences, les auteurs soulignent le développement de la bureaucratie et les processus de segmentation qui affectent désormais les professionnels de la psychiatrie, et retracent la tardive émancipation des malades face à l’institution psychiatrique, jusqu’à la première Mad Pride à Toronto en 1993. En conclusion, les auteurs invitent à des recherches sur « la part intime de la maladie mentale », terra incognita des sciences sociales, qui pourraient s’appuyer sur le riche matériau des publications personnelles sur Internet.

La Découverte, 2022
128 p. 10 €

Jonathan Chalier

Rédacteur en chef adjoint de la revue Esprit, chargé de cours de philosophie à l'École polytechnique.

Dans le même numéro

Chine : la crispation totalitaire

Le xxe Congrès du PCC,  qui s'est tenu en octobre 2022, a confirmé le caractère totalitaire de la Chine de Xi Jinping. Donnant à voir le pouvoir sans partage de son dictateur, l’omniprésence et l'omnipotence d'un parti désormais unifié et la persistance de ses ambitions globales, il marque l’entrée dans une période d'hubris et de crispation où les ressorts de l'adaptation du régime, jusque-là garants de sa pérennité, sont remis en cause. On observe un décalage croissant entre l’ambition de toute-puissance, les concepts-clés du régime et le pays réel, en proie au ralentissement économique. Le dossier de novembre, coordonné par la politologue Chloé Froissart, pointe ces contradictions : en apparence, le Parti n’a jamais été aussi puissant et sûr de lui-même, mais en coulisse, il se trouve menacé d’atrophie par le manque de remontée de l’information, la demande de loyauté inconditionnelle des cadres, et par l’obsession de Xi d’éradiquer plutôt que de fédérer les différents courants en son sein. Des failles qui risquent de le rendre d'autant plus belliqueux à l'égard de Taiwan. À lire aussi dans ce numéro : Le droit comme œuvre d’art ; Iran : Femme, vie, liberté ; Entre naissance et mort, la vie en passage ; En traduisant Biagio Marin ; et Esprit au Portugal.