
Contrebandier de la philosophie. Sept conférences suivies d’échanges avec le public de Michel Tournier
Édition de Mathilde Bataillé et Arlette Bouloumié
Ces conférences, prononcées par Michel Tournier entre 1994 et 2004 devant un public d’élèves ou d’étudiants, ne nous apprendront rien sur les arcanes d’une œuvre désormais bien balisée – et d’ailleurs par les soins des deux universitaires auxquelles l’on doit l’initiative de cette publication. Pourtant, c’est un plaisir vrai, inédit, que procure cette lecture, malgré les répétitions – impedimentum obligé du genre – d’une conférence à l’autre. Dans ce temps de morosité littéraire que nous traversons, marqué par l’éclatement de la planète littérature, sont précieuses les confidences et anecdotes du romancier sur le rapport qu’il entretient avec son « métier » d’écrivain, avec ses œuvres, passées ou en cours, avec ses pairs de l’académie Goncourt, avec les milieux de l’édition, avec ce que Julien Gracq appelait malicieusement « ce cursus honorum qui fait la vie littéraire française si bassement excitante ». Elles valent assurément par le ton souverainement libre du propos, permis et entretenu par le style conférence et l’ethos d’un écrivain qui a su se tenir en retrait de tout terrorisme textualiste ou idéologique. Mais il y va aussi d’une vision de la littérature et de la philosophie mêlées, dont l’énergie positive et l’exigence créative peuvent séduire, reconquérir un lectorat un peu las de recettes faciles et qui s’obstine, lui aussi, à défendre « la valeur littéraire ».
« J’habite depuis trente-cinq ans le p