
Ce qui peut être sauvé
Le dernier ouvrage de Nathalie Cau remet en avant un phénomène resté jusqu’ici peu visible dans l’historiographie de la Shoah : celui des expressions artistiques, très diverses, mises en œuvre après 1945 par les Juifs ayant survécu à l’entreprise d’extermination nazie.
Il n’y a pas d’événement dont l’historiographie soit plus riche que celle de la destruction des Juifs d’Europe au xxe siècle ni qui ait suscité de questions philosophiques aussi radicales. Savoir s’il est légitime de représenter l’événement de la Shoah, s’il est possible d’imaginer un art après Auschwitz, se demander quels réaménagements de la culture occidentale et quelles sutures symboliques peuvent être imaginés sont quelques-unes des problématiques qui n’ont cessé de hanter la conscience européenne. Étonnamment, aussi riche qu’elle soit, la réflexion s’est pourtant privée d’un regard essentiel et d’un point de vue de première main : la manière dont les survivants des camps se sont réappropriés eux-mêmes leur propre histoire. On l’a oublié, mais une grande partie des Juifs ayant survécu aux différentes formes d’extermination nazies se sont retrouvés en 1945 dans des camps de personnes déplacées mis en place par les organisations internationales naissantes en Allemagne, y restant pour certains pendant presque une décennie. Interdits de partir en Israël et quasiment emprisonnés, mêlés à d’