
Châteaux de sable de Louis-Henri de La Rochefoucauld
C’est alors qu’il s’apprête à prendre le métropolitain, destrier des temps modernes, que Louis-Henri, le narrateur de Châteaux de sable, est ramené à sa triste condition de laissé-pour-compte. Devant lui, une publicité pour mascara reprend comme slogan un dialogue échangé entre son ancêtre, le duc de La Rochefoucauld-Liancourt, et Louis XVI, le 14 juillet 1789 : « Mais c’est une révolte ? Non sire, c’est une révolution ! » Alors que sa famille a côtoyé les plus grands, lui, en vaporeux pigiste, tente simplement de survivre et de faire grossir le bas de laine de son humble foyer, fabriquant pour sa fille des châteaux de sable dans les parcs publics, faute d’en avoir encore un à habiter. Avec quatorze victimes, la famille La Rochefoucauld détient le record du nombre de morts sous la Révolution française : tel est le triste constat que fait un soir notre héros, subissant de plein fouet le spleen éthylique d’une tardive coterie familiale, alors qu’il pousse la porte d’une taverne royaliste. C’est là, stupeur, que Louis XVI, revenu d’entre les morts et se faisant désormais appeler Louis Robinson, l’invite à siffler des bloody mary revisités au bourbon, ascendance oblige. Le monarque demande réparation, il veut redorer son image et profiter de la révolte des Gilets jaunes pour tirer son épingle du jeu. Avec gaieté et mélancolie, l’auteur réhabilite, en un va-et-vient habile entre l’histoire de France et notre époque, les figures mal aimées de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Bien des chapitres sont savoureux, dont celui comparant le couple royal, flottant au-dessus des trottoirs de la vie réelle, au couple formé par Bernard-Henri Lévy et Arielle Dombasle, hygiénistes jusqu’à la neurasthénie, ou encore celui mettant en scène une procession de porteurs de lodens anonymes. En l’an 2021 de notre ère, où les nouvelles particules sont celles décernées par les hiérarchies d’entreprise, ce roman permet de s’instruire et de découvrir des pans peu connus de l’histoire de France, mais surtout de dédramatiser les poussées identitaires de tout bord, avec humour et sans manichéisme.