
La fabrique des souvenirs de Clélia Renucci
Voyager dans le temps est un rêve aussi vieux que la quête de l’immortalité. C’est en quelque sorte chose possible dans ce livre, grâce à l’utilisation d’une application nommée Memory Project et offrant aux collectionneurs des salles des ventes des souvenirs encodés et exportés sur des supports électroniques. Ceux qui s’y meuvent et qui appartiennent à d’autres époques y restant éternellement gravés, l’acquéreur peut, grâce à un casque, visionner le souvenir haute qualité qu’il a acquis autant de fois qu’il le souhaite. Dans cette société futuriste, Gabriel, héros du roman et mnémophile compulsif, accumule des souvenirs ayant trait à l’histoire artistique et culturelle parisienne pour enrichir les archives de l’organisme où il travaille. Quand, après avoir mis la main sur la première représentation de Phèdre à la Comédie-Française en 1942, il tombe fou amoureux de l’une des spectatrices, assise de dos dans la salle, fasciné par sa nuque altière. Quête ou névrose, une idée fixe le taraude et le meut désormais : retrouver cette femme, Oriane, dont la destinée de violoncelliste s’avère aussi fascinante et tragique que la blancheur d’albâtre de son derme. D’un atelier de luthier à Broadway, de l’île Saint-Louis à Burning Man, en un écheveau d’existences et d’ambiances nuancées, l’auteur tisse une fresque où les destinées et les temporalités s’entrecroisent. Musique, cinéma, dramaturgies – « De l’amour j’ai toutes les fureurs », tel le vers de Phèdre –, l’imaginaire ici exulte, fuse et bouillonne.