
Voyage en Europe extrême. L’Ukraine de Marc Sagnol
C’est avec la description du voyage de Balzac à Berditchev que débute le périple historico-culturel de Marc Sagnol en Ukraine. On sait que l’auteur de La Comédie humaine y est allé pour épouser Mme Hańska. En 1847, il a promis au Journal des débats une lettre de Kiev, « la ville éternelle du Nord ». Les terres ukrainiennes n’ont pas été que de sang, elles ont enfanté des esprits cosmopolites, déchirés entre plusieurs cultures : Joseph Roth, Leopold von Sacher-Masoch. Martin Buber passa son enfance à Lemberg, où il fréquentait un lycée de langue polonaise et rendait parfois visite aux rabbins faiseurs de miracles (tsadiks). Au procès de Nuremberg, deux enfants de Galicie ou de Volhynie jouèrent un rôle important dans la définition des crimes de guerre, contre l’humanité, puis du génocide : Hersch Lauterpacht et Raphael Lemkin. Marc Sagnol nous emmène dans maints lieux, chargés de douleur et d’espoir, avec finesse et érudition. Les Français ont entretenu de longue date des rapports étroits avec l’Ukraine, depuis Anne de Kiev, qui devint, en 1054, l’épouse du roi. La première Description d’Ukranie, en 1660, par Guillaume Le Vasseur, sieur de Beauplan restera étudiée par les diplomates de Louis XIV à Napoléon. Évoquant les Tatars qui séparaient les familles pour les conduire en Turquie ou en Crimée, Beauplan décrit les gémissements de ces malheureux Rus : « cette nation chante en pleurant »… Mais c’est Voltaire qui a parlé le mieux de l’Ukraine dans son Histoire de Charles XII, roi de Suède (1731) : « L’Ukraine a toujours aspiré à être libre, mais entourée de puissants voisins, elle devait chercher un protecteur, et donc un maître. » Après Napoléon, bien des conquérants ont voulu ouvrir une voie vers les Indes et le Caucase et mettre à leur disposition les réserves de blé, de chevaux et d’hommes du pays.