
D’un siècle l’autre de Régis Debray
Au mot « traversée », s’agissant de Régis Debray, il faudrait accoler l’adjectif « personnelle ». Son dernier livre, D’un siècle l’autre, ne ressemble pas aux (nombreux) autres. Il s’apparente à un aveu testamentaire, à un retour sur soi, sans dérapages narcissiques (ou très peu !). Il est comme porté d’un bout à l’autre par un parcours qui ne fut pas celui d’un intellectuel conforme. L’engagement « guévariste » valut à Debray de croupir quatre ans dans la prison bolivienne de Camiri. Condamné à trente années, il avait échappé de peu à une exécution qui, illégale au regard de la loi bolivienne, eût été « sommaire ».
Libéré quatre années plus tard, il séjourna au Chili de Salvador Allende, se rallia à la gauche et, bientôt, à François Mitterrand dont il deviendra un conseiller sentant le souffre. Il fut détesté par les sédentaires de la petite république des lettres. Il y eut des pochades venimeuses et des exemples de cette ironie parfumée au ressentiment. Il y eut aussi des accusations plus graves. Je pense à celle qui désignait Debray comme le responsable de l’arrestation et de l’élimination de Che Guevara. Une mauvaise rumeur. Ses amis, et Fidel Catro lui-même, ne cautionnèrent jamais ces soupçons.
En France, les lecteurs qui lurent ses livres et suivirent son travail pendant une bonne quarantaine d’années s’efforcèrent, quant à eux, d’accommoder admiration et agacement. J’en fus. Avec une sorte d’amitié querelleuse mais fidèle. À mes yeux