
Baise ton prochain de Dany-Robert Dufour
De Mandeville, on connaît la Fable des abeilles sur les vices privés qui produisent de la vertu publique – celle de produire de la richesse en l’occurrence. Dans un bref texte, oublié, de Mandeville, Recherches sur les origines de la vertu morale, Dany-Robert Dufour a trouvé encore mieux : « Il faut confier le destin du monde aux pervers », dont le titre de son livre donne une traduction osée mais somme toute assez juste. Il y voit la maxime fondamentale, le « logiciel caché » du capitalisme et d’un art de gouverner que n’aurait peut-être pas renié Machiavel (à moins qu’il n’ait pas voulu franchir ce pas). Ce que Mandeville, surnommé de son vivant Man Devil (« l’homme du diable »), n’avait pas prévu, c’est que le ruissellement des richesses qui naîtrait infailliblement de sa maxime serait réservé à un tout petit nombre de privilégiés, ou ignoré de l’immense majorité des humains, et qu’il détruirait la planète, réduite à « de la merde » suite à sa transformation en richesses : « Bienvenue à Cloaca », résume Dany-Robert Dufour, en veine d’expressions vertes et fortes pour commenter Mandeville et dénoncer le résultat désastreux d’un capitalisme dont les maximes perverses inspirent toujours la pensée économique libérale. Le texte « explosif » de Mandeville est traduit à la fin du livre.