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Notes de lecture

Dans le même numéro

En roue libre de David Le Breton

Une anthropologie sentimentale du vélo

janv./févr. 2021

David Le Breton, après trois ouvrages sur la marche, nous offre aujourd’hui un livre sur les petites joies simples de l’existence à vélo. D’une certaine manière, il y poursuit sa réflexion sur le monde tel qu’il va, sur le rythme et les pulsations de l’existence, sorte d’éloge un peu paradoxal de la lenteur. Car si certains vont assez vite, et même très vite, en vélo, cette anthropologie sentimentale nous invite plutôt à flâner à bicyclette avec Montand, Tati et quelques autres. Le vélo, c’est l’art du déplacement joyeux, un remède à la sédentarité qui nous menace un peu plus chaque jour, l’art de redevenir un peu nomade. Les balades proposées par l’auteur sont celles qui, paisibles, permettent les rencontres aimables, loin des incivilités générées par l’automobile, ce « caisson d’isolation sensorielle » qui rend si agressif car – rajoute l’auteur – « les chauffards ce sont toujours les autres » ! Le vélo nous accompagne dans notre quête d’autonomie et de liberté. L’enfant l’intègre dans son schéma corporel, l’adolescent y exerce ses prouesses et ses limites, le jeune adulte l’utilise pour toutes ses rencontres, et quelques adultes découvrent, parfois même tardivement, ce petit bonheur. Dans de très belles pages qui émaillent toute l’histoire du vélo, de sa création sans pédales ni freins aux modernes VTC et VTT, David Le Breton insiste, comme Zola en son temps, sur les pratiques singulières du vélo chez les jeunes, les ouvriers et les femmes, comme vecteur d’émancipation. Comme à son habitude, l’auteur justifie l’importance du vélo en puisant dans un nombre incroyable de biographies singulières d’écrivains, d’artistes, de voyageurs, de sportifs… Selon l’hypothèse la plus importante défendue dans cet ouvrage, l’usage paisible du vélo nous permet de passer d’un monde à l’urbanisation sauvage, propice aux incivilités, à un monde plus écologique de coexistences paisibles, notamment dans les espaces de nos villes parfois asphyxiées. En guise de perspectives, proche du Manifeste vélorutionnaire (Pauvert, 1977) proposé, dans le sillage de Mai 68, par Les Amis de la Terre, David Le Breton nous invite donc à user du vélo comme une manière de repenser les villes et le monde.

Terre Urbaine, 2020
180 p. 19 €

Thierry Goguel d’Allondans

Docteur et chercheur associé de l'université Marc Bloch, Thierry Goguel d'Allondans est éducateur spécialisé et anthropologue. Il participe à la formation des travailleurs sociaux, au sein d'une association régionale alsacienne de formations au travail éducatif et social (IFCAAD - Schiltigheim). Il est également rédacteur en chef de la revue Cultures & Sociétés.

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Femmes en mouvements

Les femmes sont au cœur de nombreux mouvements sociaux à travers le monde. Au-delà de la vague #MeToo et de la dénonciation des violences sexuelles, elles étaient nombreuses en tête de cortège dans le soulèvement algérien du Hirak en 2019 ou dans les manifestations contre le président Loukachenko en Biélorussie en 2020. En France, leur présence a été remarquée parmi les Gilets jaunes et dans la mobilisation contre le dernier projet de réforme des retraites. Dans leur diversité, les mouvements de femmes témoignent d’une visibilité et d’une prise de parole accrues des femmes dans l’espace public, de leur participation pleine et entière aux débats sur l’avenir de la cité. À ce titre, ils consacrent l’existence d’un « sujet politique féminin ».