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Notes de lecture

Dans le même numéro

La conscience juive de l’Église de Norman C. Tobias

Préface de Robert O. Paxton, trad. de l’anglais par John E. Jackson

mars 2020

Peu se souviennent du «  Malet et Isaac  », célèbre manuel d’histoire dans l’enseignement secondaire des années 1920 aux années 1970. Encore moins savent que le second auteur, Jules Isaac, a joué un rôle essentiel pour que l’Église catholique renonce à l’«  enseignement du mépris  » sur les juifs et le judaïsme et sorte de siècles d’un antijudaïsme détestable, jalonné de violences diverses, qui a versé peu ou prou, dans la période moderne, dans un antisémitisme meurtrier. Chassé de l’enseignement par les lois raciales de Vichy, Jules Isaac, dont la femme et la fille, arrêtées en 1943, sont assassinées à Auschwitz, relit en historien les Évangiles et le Nouveau ­Testament pendant la guerre et devient, après 1945, le militant infatigable d’une cause encore peu reçue et peu comprise : imposer dans l’Église catholique un «  enseignement chrétien digne de ce nom  » sur le judaïsme, c’est-à-dire avant tout un enseignement loyal sur le contenu des deux Testaments et l’histoire postérieure des juifs et des chrétiens. Il réunit en 1947 ses convictions à ce sujet dans un livre intitulé Jésus et Israël, qui suscita des réactions mitigées du côté catholique, y compris dans Esprit («  en mode obstructionniste  », dit N. Tobias). Fondateur de l’Amitié judéo-chrétienne en 1948, Isaac n’en continue pas moins son combat, parvenant à le faire remonter jusqu’aux papes : il plaide pour son combat en 1949 lors d’une audience avec Pie XII, mais la rencontre vraiment décisive a lieu en 1960, deux ans avant le concile Vatican II, avec le pape Jean XXIII, qui met vraiment le sujet à l’ordre du jour. L’aboutissement sera la déclaration du 28 octobre 1965, Nostra Ætate, sur les relations de l’Église catholique avec les religions non chrétiennes. Malgré des limites du texte et toutes sortes de résistances ultérieures, théoriques et pratiques, dans l’Église, elle constitue un tournant historique. Norman Tobias restitue le difficile parcours théologique – les versions successives de la déclaration – pour y arriver. De multiples personnages (dont un nombre assez important de juifs convertis) ont certes contribué à tourner une page plus que millénaire et à ouvrir une nouvelle ère des relations entre juifs et chrétiens, mais il était juste de rappeler qui était l’homme par lequel la «  conscience juive de l’Église  » lui est revenue.

Salvator, 2019
388 p. 22 €

Jean-Louis Schlegel

Philosophe, éditeur, sociologue des religions et traducteur, Jean-Louis Schlegel est particulièrement intéressé par les recompositions du religieux, et singulièrement de l'Eglise catholique, dans la société contemporaine. Cet intérêt concerne tous les niveaux d’intelligibilité : évolution des pratiques, de la culture, des institutions, des pouvoirs et des « puissances », du rôle et de la place du…

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L’économie contre l’écologie ?

Le dossier, coordonné par Bernard Perret, regrette que la prise de conscience de la crise écologique ait si peu d’effet encore sur la science et les réalités économiques. C’est tout notre cadre de pensée qu’il faudrait remettre en chantier, si l’on veut que l’économie devienne soutenable. À lire aussi dans ce numéro : survivre à Auschwitz, vivre avec Alzheimer, le Hirak algérien, le jeu dangereux entre l’Iran et les États-Unis et un entretien avec les réalisateurs de Pour Sama.