
La guerre des dieux n’aura pas lieu de Jean-Paul Willaime
Entretiens avec E.-Martin Meunier. Préface de Philippe Portier
Au royaume de l’utile, la sociologie des religions n’est pas la discipline reine de la sociologie à l’université, on peut le comprendre. En revanche, c’est sûrement l’une des plus passionnantes, par l’ampleur des phénomènes de société qu’elle peut inclure et « brasser », et par la matière que lui fournit quotidiennement l’actualité, pour le meilleur et le pire. C’est le grand intérêt de ces entretiens, où un sociologue d’origine protestante, qui se revendique tel, livre son itinéraire personnel, que de montrer les multiples et riches facettes théoriques et pratiques, les objets et les méthodes de cette science sociale. L’intitulé des chapitres indique clairement ce dont il est question – même si leur contenu s’avère touffu et rempli de nombreux détours et retours : l’importance de Max Weber en France (l’autre pôle étant Durkheim) ; le thème jamais épuisé de la sécularisation et de ses paradoxes ; le sens de l’Europe en matière de laïcité (qui n’est donc pas une exclusivité française) ; le protestantisme (et les comparaisons sereines faites par Jean-Paul Willaime avec le catholicisme) ; l’« ultramodernité », un concept forgé par lui, qui se distingue de celui de « postmodernité », pour faire comprendre la force toujours actuelle du religieux – une force qui n’entretient pas nécessairement la guerre. Un autre débat est abordé : la religion du sociologue des religions lui-même et le regard, éloigné ou non, qu’il entretient avec elle. La conclusion de ces entretiens, qui défend le titre du livre, renvoie à une autre conviction de J.-P. Willaime : la séparation entre le politique et le religieux n’installe pas la guerre entre les deux instances, elle peut être ou devenir reconnaissance, coopération, ressource de sens et d’espérance pour les individus dans des sociétés qui en sont largement privées.