
Rendre le monde indisponible de Hartmut Rosa
Trad. par Olivier Mannoni
Le livre est un plaidoyer à la fois subtil et convaincant, concret aussi, pour montrer que la puissance du sentiment de disponibilité des choses finit par détruire l’expérience de résonance, fondamentale pour la « vie bonne ».
Hartmut Rosa est surtout connu en France par son essai intitulé Accélération (La Découverte, 2013), où il propose une analyse critique originale de la modernité, qui a besoin, pour se maintenir, de la croissance, de l’accélération et de l’innovation, qu’on peut interpréter comme le désir d’aller toujours plus haut, plus vite, plus loin, mais aussi comme « la peur d’avoir de moins en moins ». Cette relation d’agression avec le monde, qui a permis le succès de la civilisation technique, n’est pas « primaire » ou « première » : pour Rosa, c’est la capacité de « résonance » qui est l’essence de toutes les relations au monde possibles. C’était le thème de son deuxième livre traduit, Résonance (La Découverte, 2018). Plus philosophique, il a rencontré moins d’écho en France – à tort, car la notion de « résonance », appliquée à divers domaines de l’expérience humaine, possède une incontestable puissance d’intelligibilité. L’« indisponibilité » du monde, objet de ce nouveau livre, représente un volet supplémentaire de ce qui apparaît comme une trilogie. L’agressivité née de l’accélération a enfoncé dans nos têtes l’idée d’un monde totalement et constamment « disponible » pour de nouvelles maîtrises et d’autres transformations : « La modernité tend à rendre disponible autant de “monde” que possible », en vue d’accroître