
Dictionnaire amoureux de Montaigne d'André Comte-Sponville
C’est un livre qui raconte une histoire d’amour avec Montaigne. Le volume est aussi instructif sur son auteur que sur son objet. Tous deux s’inscrivent dans ce que le premier appelle la tradition française en philosophie, dans laquelle un excellent philosophe est en même temps un grand écrivain. La partie n’était pas gagnée avec les Essais, un genre littéraire que Montaigne invente. Le lecteur d’aujourd’hui doit affronter de multiples obstacles pour les lire. En amoureux de la langue, André Comte-Sponville permet au débutant de s’y repérer en même temps qu’au plus avancé de progresser encore. Quelle édition choisir ? Il est suggéré d’essayer de lire le texte original dont seules l’orthographe et la ponctuation sont modernisées et de n’utiliser une adaptation en français contemporain qu’en dernier recours : on risque de perdre en saveur ce qu’on gagne en facilité de lecture. Que le lecteur soit avancé ou débutant, il sera vraisemblablement sensible aux pages consacrées à l’amitié avec Étienne de La Boétie. L’esprit de finesse de Montaigne est stupéfiant : il distingue entre l’amitié et l’amour, préfère la passion amoureuse à la vie en couple, aime le corps des femmes mais confesse qu’il ne peut pas vivre l’amitié avec une femme. Pourtant, se développe, presque à la fin de sa vie, une relation forte avec Marie de Gournay, que Montaigne appelle « ma fille d’alliance ». Elle a appris le latin toute seule et écrit à Montaigne : « Vous désenseignez la sottise. » Une féministe, sinon la première des féministes, est la plus chère disciple du maître ! En lisant les cent vingt-huit entrées de ce Dictionnaire amoureux, le mouvement se déploie allègrement, agréablement, de surprise en surprise. Comte-Sponville a passé quelque temps sur les épaules d’un géant. Ce faisant, il nous a appris ce que sont sa littérature, ses essais, ses voyages, et nous ne pouvons plus lire Montaigne comme auparavant.