
La révolution est le frein d’urgence de Michael Löwy
La multiplicité des idées, des intuitions, des fulgurances dans l’œuvre de Walter Benjamin, leur côté fragmentaire aussi, ainsi que sa part énigmatique ont été souvent soulignés. Elles en font un auteur en permanence actuel par l’une ou l’autre de ses facettes, mais difficile à lire, et de toute façon inclassable. En neuf articles réunis et à partir du fil conducteur de l’idée de révolution, Michael Löwy, « benjaminien » d’excellence, parvient pourtant à éclairer sur les sources et inspirations qui l’ont marqué. On peut accumuler ici les « -ismes » : marxisme (et capitalisme), matérialisme, anarchisme, surréalisme, judaïsme, messianisme, urbanisme même (l’« haussmannisation »)… mais aussi la présence insistante de la théologie, de l’histoire, de la nature. Pourtant, quelque chose de « l’homme des passages » échappe toujours : la mémoire et le point de vue des vaincus, la nostalgie d’une rédemption, « une sorte de tristesse » (Guy Petitdemange), une attente du tout-autre… Un mot très profond de lui, critique de Marx, a donné le titre : contre l’homme du Capital, qui voit dans les révolutions les « locomotives de l’histoire », Benjamin soupçonnerait plutôt que la révolution, c’est « l’acte par lequel l’humanité qui voyage dans le train tire les freins d’urgence ».