
« Les Parisiens », une obsession française. Anatomie d’un déséquilibre d'Olivier Razemon
Journaliste d’investigation, Olivier Razemon s’intéresse à l’hégémonie parisienne sur l’ensemble de l’Hexagone. Paris avec ses 2, 2 millions d’habitants et l’Île-de-France avec ses 12 millions de résidents constituent une « obsession française », pour ne pas dire une exception ! En effet, Paris et la région-capitale concentrent la majorité des richesses économiques, médiatiques et culturelles et les instances dirigeantes de ces différents pouvoirs. Certes, l’État central redistribue la manne fiscale aux autres régions, mais n’a pas pu – l’a-t-il voulu ? – déconcentrer davantage ses services, décentraliser les décisions et assurer une plus large autonomie aux territoires. Mêlant l’histoire politique aux appréciations littéraires et aux articles de presse, qui rendent bien compte de l’esprit du temps, Olivier Razemon trace un tableau particulièrement contrasté du pays. Il épingle au passage quelques idées reçues, comme l’indécent exode urbain des Parisiens la veille du premier confinement, qui correspond en fait aux départs massifs d’habitants d’autres grandes villes françaises. Ou encore la généralisation du télétravail comme opportunité de s’installer en province, alors qu’il concerne principalement quelques métiers pouvant être effectués à distance de leurs commanditaires. Pour lui, « l’hypertrophie francilienne et des grandes villes n’est pas seulement un problème de “Parisiens”, mais intéresse le pays tout entier ». Aussi analyse-t-il la « métropolisation » et ses conséquences économiques et résidentielles locales, la prolifération des centres commerciaux qui accélèrent la fermeture des petits commerces dans les centres anciens, la difficulté à inverser la vapeur et à miser sur des villes du mieux-être, etc. Évitant la polémique, il ne dénonce pas les « grands projets inutiles », mais pointe le Grand Paris Express, dont on ignore le coût total et qui n’améliorera pas les conditions de transports quotidiens de tous les Franciliens, tout comme les aménagements pour les Jeux olympiques de 2024, qui sont dispendieux et font la part belle au béton, la construction de tours dans Paris qui l’enlaidissent sans pour autant régler la question du manque de logements, la frilosité des plans vélos malgré la petite éclaircie des pistes cyclables durant la crise sanitaire, la gentrification programmée de la capitale qui homogénéise sa sociologie, l’usage de matériaux importés de loin au détriment du bois, de la terre et de la paille puisés dans la région, sans oublier le réemploi, etc. « Il est possible de concilier frugalité et prospérité. La France est un pays de citadins qui s’ignorent parfois, des citadins qui rêvent d’une ville compacte, aimable, humaine et marchable. » Espérons que l’anatomie du déséquilibre territorial qu’il décrit finement provoque une crise de conscience salutaire. Il nous faut faire ville, même petite !