
La Disparition du paysage de Jean-Philippe Toussaint
Le narrateur passe sa convalescence à Ostende, immobilisé dans un fauteuil roulant après avoir été victime d’un attentat à Bruxelles en 2016. Il s’intègre parfaitement dans le paysage, ou plutôt sa disparition. Des travaux qui ont débuté sur les toits d’un casino en face cachent ce qu’il pouvait voir de sa fenêtre. Le jour n’entre plus dans l’appartement à mesure que l’horizon se bouche. Dès lors, l’effacement extérieur fait remonter des paysages intérieurs. Plutôt que de battre la campagne de la folle du logis, le narrateur souligne le ridicule et le tragique d’une telle situation. Mais le texte reste aussi élusif que possible : on verra bien parce qu’on ne voit plus. C’est ainsi que le monologue s’étoffe tout en se défaisant. Le lecteur y voit-il plus clair que le personnage ? Pas sûr. Celui qui garde certaines velléités de vagabondage est contraint de franchir des seuils qui ne sont pas forcément les bons, là où tout bascule dans une ère de soupçon. Tout devient insaisissable dans cette « école du regard » que Toussaint renouvelle avec un clin d’œil à Beckett.