
Le cinéma que je fais. Écrits et entretiens de Marguerite Duras
Édition établie par François Bovier et Serge Margel
Ce livre remet en scène Duras cinéaste. Qu’elle ait été audacieuse dans ce domaine est un euphémisme. Et l’ouvrage rassemble pour la première fois ses écrits concernant ses dix-neuf films. De La Musica (1966) aux Enfants (1985), le livre est organisé selon les films qu’elle réalisa, en excluant ceux dont elle écrivit uniquement les scénarios (comme Hiroshima mon amour d’Alain Resnais en 1959). De nombreux textes sont inédits, d’autres introuvables. Duras ne cesse de montrer moins pour voir mieux et, d’une certaine façon moderato cantabile, en « mettant la caméra à l’envers, en filmant ce qui entrait dedans : de la nuit, de l’air, des projecteurs, des routes, des visages », jusqu’à ce que tous les ingrédients habituels à la suture et à la saturation cinématographiques disparaissent. D’où ce nécessaire « (in)accomplissement » que Duras elle-même souligne. Il s’agit de consumer l’image sans la consommer. C’est la manière – la seule peut-être – de renvoyer le voyeur à sa misère, à sa déception dans le dépouillement absolu sur lequel l’œuvre cinématographique finit par déboucher.