
Le regard inconnu de Silvia Baron Supervielle
Au-delà de toute identité close, Le Regard inconnu est le fruit d’un corps-espace débordant, un corps-étoile qui n’ignore pourtant rien de la densité de l’existence.
Le récit de Silvia Baron Supervielle n’évoque pas que des ombres dans ce livre nocturne où « les amours cèdent mais ne meurent pas ». Il existe des clairières, là où le texte, en prise avec les choses vues de la fenêtre, tient d’une ode à la vie et du désir de transformer le monde en paysage intérieur. Au-delà de toute identité close, Le Regard inconnu est le fruit d’un corps-espace débordant, un corps-étoile qui n’ignore pourtant rien de la densité de l’existence. Par des chapitres qui se terminent par un poème, une histoire parfois sensuelle prend la forme d’un road-movie entre Buenos Aires et Paris. Le texte n’est en rien des mémoires mélancoliques. Arrimé au présent, et au milieu de la fuite des jours, il ne s’agit pas seulement de « réimager » les paysages perdus, mais de guetter l’inexistence, qui « est aussi contagieuse que l’existence ». C’est ce que ressentent en effet les solitaires, qui font l’expérience du silence, ont l’impression que leur ombre les remplace et qu’ils peuvent même disparaître dans ses vacillations. L’appartement de l’auteure devient la maison de son ombre dont « la fumée s’éteint entre les doigts ». S’y perçoivent des voix, des chants : « je produirai des signes dans le ciel et la terre, sang, feu ». Au-delà des images de feu et quoique fascinée par toutes sortes de flammes et d’éclairs, la créatrice dévoile un paysage de cendre à la Juan Gris.