
Milosz. A Biography, d'Andrzej Franaszek
Andrzej Franaszek a écrit une belle biographie du poète et essayiste polonais Czeslaw Milosz (1911-2004), dont le prix Nobel de littérature en 1980 avait couronné une carrière jusque-là discrète, sinon confidentielle : un long exil en France et en Californie l’avait coupé de son public naturel et peu de traductions lui avaient donné accès à de nouveaux lecteurs. Son nom restait attaché au succès de La Pensée captive (Gallimard, 1953), un des grands classiques de la littérature d’opposition dans cette « autre Europe » passée sous la domination soviétique après 1945.
Milosz peut ainsi être vu comme le premier d’une longue lignée d’intellectuels dissidents, souvent plus jeunes et dont la plupart toutefois refuseront l’exil, de Jan Patočka et István Bibó à Václav Havel, Tadeusz Mazowiecki ou Adam Michnik. Contrairement à la génération de 1940, tous partagent une expérience intime du communisme réel, à l’apogée de l’âge de fer stalinien, et viennent le plus souvent idéologiquement de la gauche. Ils conserveront longtemps un regard critique sur les démocraties occidentales, si lourdement défaillantes face au nazisme et au communisme, et aussi sur le capitalisme, porteur d’injustice sociale et d’aliénation spirituelle (Visions de la baie de San Francisco, 1969). Milosz s’inscrira nettement dans cette veine, de même qu’il adoptera très tôt une posture à la fois politique et morale face au communisme, un autre