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Notes de lecture

Les Avantages de la vieillesse et de l’adversité

Essai sur Jean-Jacques Rousseau

octobre 2015

« Il avait voulu faire un traité sur les avantages de l’adversité, un autre sur ceux de la vieillesse : il était mécontent, disait-il, de celui de Cicéron ; et quel service il eût rendu au genre humain ! » Voilà ce qu’écrivait Bernardin de Saint-Pierre à propos de Rousseau dont il est l’un des premiers disciples. Cet opuscule, dense et vif, s’efforce a contrario de montrer que Rousseau n’a peut-être jamais voulu rédiger un traité sur la vieillesse ; et que celle-ci lui a plutôt donné l’occasion d’écrire des textes personnels, des fictions, des dialogues et des confessions, qui n’épousent pas nécessairement la dimension conceptuelle. C’est une manière de dire que l’auteur du Contrat social ne s’est peut-être pas coupé d’un monde ressenti comme adverse et que sa vieillesse n’a été ni un temps pathologique, ni un moment de misanthropie prolongée (tel est le sens de la célèbre interprétation de Jean Starobinski dans Jean-Jacques Rousseau. La transparence et l’obstacle). Rédigé par un auteur qui a publié plusieurs livres sur la poésie, cet ouvrage succinct mais fort bien construit propose un parcours original au sein de l’œuvre de Rousseau. « Que la littérature puisse être devenue une aventure spirituelle, une résurrection de l’esprit dans la fin du remords et la gratitude sans honte, c’est ainsi que Rousseau l’a réinventée. Désécrire l’histoire parce qu’elle est fiction et calomnie a été sa vocation propre et son œuvre. » Ainsi les écrits du temps de la vieillesse sont l’occasion de retrouver le sens de l’enfance et les sociétés d’avant l’histoire, ce que Lévi-Strauss avait déjà souligné dans ses réflexions sur Rousseau. À la fiction de l’histoire, il faut substituer celle de l’enfance (de Jean-Jacques Rousseau et de l’humanité), et il est alors possible de se taire comme il le dit dans le préambule des Dialogues. « Maintenant Rousseau peut mourir […] car il sait qu’il a non seulement vécu mais recommencé de vivre, libre de honte et de vengeance, ressuscité des remords. »

O. M.

Encre marine, 2015
144 p. 19 €