
Héritage et fermeture d’Emmanuel Bonnet, Diego Landivar et Alexandre Monnin
Une écologie du démantèlement
« Les infrastructures du capitalisme ont tissé un continuum temporel, spatial et ontologique qui fait que la plupart de nos modes de subsistance, d’habitabilité (géographie, territoire), sont aujourd’hui foncièrement dépendants. » Que faire alors avec ce qui est ? Telle est la question de ce livre percutant. Deux nouveaux repères épistémiques sont proposés : la « posture de l’héritage » et la « méthode de la fermeture ». L’héritage est à la fois ce dont nous devons nous passer, du charbon aux avions, en passant par le pétrole et le numérique, ce qu’il faut « patrimonialiser d’une manière ou d’une autre », à l’image des déchets nucléaires, et ce avec quoi il faut vivre, mais autrement, « pour instaurer un autre rapport avec ce qui est devenu toxique, sans l’être nécessairement ni définitivement, à l’instar des espèces invasives ». L’héritage est ainsi à la fois une continuité, un deuil, une charge et une responsabilité. La fermeture, pour sa part, est un « horizon politique, administratif, juridique et technique », qui n’est pas étranger au capitalisme et au néolibéralisme, qui l’ont employé dans différents registres, de la liquidation financière à la fermeture d’usines. La fermeture que proposent les auteurs se situe à l’opposé de ce spectre : c’est une redirection qui prend en compte les « milliers de réseaux de dépendance, de subsistance et d’attachements à démêler et à désassembler ». Une écologie, en somme, qui a « plus besoin du tournevis que de la bêche ». Ce livre, riche aussi de son appareil critique, invite à un renversement nécessaire pour la réflexion et l’action politique.