
Addicts de Christian Ben Lakhdar
Le discours politique sur les drogues ne peut désormais faire l’économie de la question des addictions et des mesures de santé publique en matière de gestion des risques et de prévention. Du « péril toxique » des années 1920 à la banalisation actuelle des consommations, les représentations sociales des drogues évoluent sans cesse. Les sondages menés depuis trente ans par l’Observatoire des drogues et des toxicomanies révèlent invariablement que les Français sont grands consommateurs de substances (licites et illicites). Devant ce constat, l’État français a pris, au fil des décennies, différentes mesures. Dans les années 1990, les rapports Henrion puis Roques dénoncent « l’irréalisme » et l’inefficacité de la loi sur les drogues de 1970. Des mesures de « scientifisation de l’action publique » font ensuite avancer la prise en charge. L’addictologie est en train de naître. Dans son sillon, apparaît une nouvelle politique de gestion des drogues et des conduites addictives fondée sur quatre piliers : la réduction de l’offre, la prise en charge médico-sociale, la politique de prévention et celle de réduction des risques et des dommages. Fort documenté, l’ouvrage fait la part belle à ce quatrième pilier qui vise à réduire les effets délétères des drogues sur les individus et non plus l’usage des drogues en tant que tel. « Ce n’est pas de l’objet que l’individu doit s’émanciper, mais bien de l’excès. » Ainsi, l’usager redevient un citoyen. Dès lors se pose la double question de la responsabilité individuelle et des moyens institutionnels à mettre en place. Le dernier chapitre interroge la piste d’une « gouvernementalité de soi-même » et se conclut sur une question essentielle : dans une société de plus en plus addictogène, la solution ne serait-elle pas du côté d’une « réglementation légale responsable » ? La question est posée.