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Notes de lecture

Dans le même numéro

Justice pour le climat ! de Judith Rochfeld

Face aux manquements de la gouvernance mondiale dans la lutte contre le réchauffement climatique, la juriste Judith Rochfeld fait l’état des lieux de recours à l’arène judiciaire. Aux États-Unis, aux Pays-Bas ou plus récemment en France, des affaires mettent en cause la responsabilité des États, véritable «  reterritorialisation du global  ». Si les procès aboutissent souvent à des échecs, ils mobilisent la société civile, jouent sur les consciences et sollicitent une variété d’arguments. L’auteure propose justement de les articuler autour du concept de communs, soit l’institutionnalisation de «  formes d’organisation collective autour de ressources dont l’usage est partagé et la préservation assurée  ». On peut estimer que la communauté entière prend en charge son environnement – «  l’Affaire du siècle  », en France, exigeait de l’État qu’il protège la nature pour elle-même. On peut aussi, d’une manière plus anthropocentrée, envisager les droits fondamentaux des êtres humains à un environnement sain, à la santé, à l’eau ou à l’alimentation, ce qui correspond à une conception mieux acceptée de la justice. Il existe néanmoins des obstacles majeurs, et cela depuis la Révolution : la propriété privée demeure centrale et laisse peu de place à l’«  inappropriable  » ; et la communauté est plutôt conçue sur le mode universel ou national, au détriment des formes d’organisation locale qui pouvaient exister sous l’Ancien Régime. Cela n’empêche pas l’auteure d’imaginer un patrimoine national, de réactiver la notion de chose commune inscrite dans le Code civil, ou de s’inspirer des lois et décisions judiciaires qui, en Amérique latine et en Inde, confèrent la personnalité juridique à des entités naturelles (fleuves, forêts ou montagnes) et leur attribuent des droits mais aussi des gardiens (souvent les communautés autochtones). Avec les apports de cosmologies non occidentales, c’est l’opposition traditionnelle entre nature et humanité qui est remise en question, au profit d’une interrelation qui représente un défi pour la pensée et le droit. La restitution des débats est précise et les propositions fertiles. Il ne faut cependant pas perdre de vue la motivation du recours à la justice qui ouvre l’ouvrage : une alternative, faute de mieux, à une mobilisation collective et politique efficace.

Odile Jacob, 2019
208 p. 19,90 €

Matthieu Febvre-Issaly

Doctorant en droit public à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Matthieu Febvre-Issaly est spécialisé en droit constitutionnel comparé et en théorie du droit.

Dans le même numéro

Quand le langage travaille

Là où nos sociétés connaissent des tensions, là aussi travaille le langage. Le dossier d’Esprit (décembre 2019), coordonné par Anne Dujin, se met à son écoute, pour entendre l’écho de nos angoisses, de nos espoirs et de nos désirs. À lire aussi dans ce numéro : les déçus du Califat, 1989 ou le sens de l’histoire et un entretien avec Sylvain Tesson.