
Technopopulism: The New Logic of Democratic Politics de Christopher J. Bickerton et Carlo Invernizzi Accetti
Dans leur dernier ouvrage, Christopher Bickerton, professeur à l’université de Cambridge et Carlo Invernizzi Accetti, professeur associé à la City University de New York, tentent de saisir une partie du malaise démocratique contemporain à travers la notion de « techno-populisme ».
En effet, l’un des intérêts de leur livre est de ne pas opposer technocratie et populisme comme ont pu le faire souvent d’autres auteurs, soulignant que l’un était la réponse à l’autre. Ils définissent plutôt le techno-populisme comme la combinaison de l’idée qu’il y aurait un seul peuple, compris comme un bloc, et de l’idée qu’il aurait une vérité technocratique appuyée sur la science et les données.
Ainsi, des équipes de technocrates pourraient faire appel directement au peuple pour réduire la politique à des questions concrètes. Cette irruption du techno-populisme, qui propose des solutions techniques aux problèmes identifiés, en prétendant « ne pas faire d’idéologie » et être au service du peuple, ne veut pas dire que l’organisation de la politique autour de clivages idéologiques disparaisse. Dans certains cas, ces deux modalités s’excluent (par rejet de la classe politique traditionnelle) et dans d’autres, elles se combinent, quand des partis existants se convertissent à la logique techno-populiste.
Au cœur de cette modalité techno-populiste de la politique, on trouve la fin des mécanismes d’intermédiation, que ce soit les corps intermédiaires en général ou dans les partis politiques. Cette logique s’installe aussi par l’éloignement des décideurs, notamment lié à la prééminence de l’exécutif, elle-même renforcée par l’intégration européenne selon les auteurs.
Pour eux, cette nouvelle modalité politique trouve ses racines dans les années 1990, quand les clivages idéologiques, renforcés de l’extérieur par la guerre froide, se sont atténués. Un ancien parti comme celui des travaillistes britanniques a été converti par Tony Blair à la troisième voie, et les auteurs y voient une illustration de cette logique techno-populiste, avec l’arrivée des consultants en stratégie, le remplacement des strates intermédiaires du parti par les sondages et le recours à des solutions techniques fondées sur l’expertise.
Mais cette logique s’applique aussi, selon les auteurs, à des mouvements politiques plus récents et aussi différents que le Mouvement 5 étoiles en Italie ou le mouvement En marche en France. Les auteurs analysent aussi des cas dans lesquels cette logique techno-populiste se marie avec un fort élément idéologique, de gauche dans le cas de Podemos en Espagne ou de droite dans le cas de la Ligua en Italie.
Cette nouvelle logique techno-populiste, qui cohabite avec la logique partisane, serait un élément central du nouveau paysage politique européen. Elle a notamment pour effet de rendre ce jeu politique plus violent, car l’expertise technocratique ne reconnaît qu’une solution à un problème et le populisme qu’un seul peuple. Ainsi, les duopoles politiques traditionnels, dans lesquels on admet la légitimité de l’autre grand parti à représenter un intérêt catégoriel, sont bousculés. Les adversaires politiques traditionnels deviennent des ennemis politiques.