
La Fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, de Laurent Bonelli et Fabien Carrié
La radicalité djihadiste est-elle due à la force de l’idéologie islamiste et à sa diffusion, celle-ci infiltrant tel un virus l’esprit des musulmans, à un « islamo-gangsterisme », blanchiment d’activités criminelles via le langage de la religion (Gilles Kepel), ou reflète-t-elle une « révolte nihiliste » de jeunes n’ayant pas été en mesure d’hériter de la culture de leurs parents (Olivier Roy) ? Cette superposition de grilles de lecture mutuellement contradictoires du djihadisme ne contribue pas à la clarté du débat public sur la question. D’autre part, elles sont si générales qu’elles sont propices à des instrumentalisations politiques. C’est à cette négligence du particulier que tentent de remédier Laurent Bonelli et Fabien Carrié dans cet ouvrage. Ils tentent de rendre compte de cette radicalité de façon sociologique : non comme une idée s’imposant à des individus inertes ou comme un paravent cachant des mobiles criminels ou égoïstes, mais comme une ressource d’action et de valorisation pour des individus dans des contextes donnés. Ce terme de radicalité est préféré à celui de radicalisation, qui semble impliquer l’existence d’une sorte de maladie djihadiste dont la phase terminale serait l’attentat. Le concept de radicalité implique au contraire l’existence de contestations multiples mais irréductibles les unes aux autres. Les auteurs prennent ainsi garde de ne pas re