Nucléaire : après moi, le déluge
Au cœur d’un été meurtri par d’absurdes assassinats revendiqués par l’État islamique, un fait bien plus grave à l’échelle du devenir de l’Humanité, et passé quasi-inaperçu, est la réaffirmation par le gouvernement français d’un choix énergétique criminel à long terme : le nucléaire.
Le nucléaire civil est né du nucléaire militaire, puissance de mort qui, depuis Hiroshima et Nagasaki (1945), participe à un inquiétant « équilibre des forces » militaires, pouvant entraîner la destruction de toute la planète. Sa version civile s’avère aussi problématique avec la question des déchets et de l’insécurité des installations, jamais à l’abri d’un dysfonctionnement, d’un acte terroriste ou d’un accident technique. Le puissant lobby des partisans du « tout nucléaire » gouverne depuis longtemps la politique énergétique nationale, sans aucun contre-pouvoir démocratique. L’électrification du pays n’avait pas pour but l’amélioration des conditions de vie des habitants et la modernisation de l’appareil productif, mais la légitimation d’un programme nucléaire, l’offre d’électricité imposant sa demande. C’est ainsi que progressivement, partout en France, une seule source d’énergie était privilégiée.
La courageuse démission argumentée de Gérard Magnin, administrateur EDF, fondateur du réseau européen Energy Cities, le 28 juillet 2016, nous alerte comme une sirène au commencement d’un incendie :
Depuis les décisions imminentes relatives au projet très risqué de Hinkley Point à la reprise d’Areva Nuclear Power qui fera d’EDF un fabricant de réacteurs, de la poursuite sans questionnement de le coûteuse stratégie de retraitement des déchets à l’affirmation que tous les réacteurs de palier 900 MW verraient leur durée de vie prolongée à 50 ans et plus, tout semble aller dans le même sens. Sans parler, par exemple, de la décision d’achever au début du XXIIe siècle seulement le démantèlement de réacteurs arrêtés depuis déjà trente années, sujet qui questionne notre éthique.
D’autres « personnalités indépendantes », qui siègent également, ont voté « pour », comme Colette Lewiner, agrégée de physique et docteur ès sciences mais aussi administratrice chez Bouygues, qui devrait obtenir le marché du « génie civil » de Hinkley Point, ou encore Philippe Crouzet, président de Vallourec, fabricant de tubes sans soudure également pressenti pour ce futur chantier[1].
De plus en plus d’États entrent en transition énergétique en diversifiant les « sources », en décentralisant les « offres » d’énergie et en expérimentant de nouvelles manières de produire de l’électricité, de la stocker, de l’économiser et de l’utiliser, sachant que le nucléaire n’est pas la panacée. Le nôtre fait le contraire, comme en témoigne Bure et son invraisemblable mur en construction pour isoler la zone d’enfouissement des déchets sous la Meuse de toute intervention militante… Il y a les dirigeants qui affirment que « gouverner, c’est prévoir » et ceux qui, un rien cyniques, disent « après moi, le déluge ». Le président Hollande a choisi.
Thierry Paquot