
Littérature et démocratie
L’œuvre littéraire se voit investie d’une portée politique nouvelle. L’opposition ancienne entre l’écrivain engagé et le formaliste reclus dans sa tour d’ivoire a cédé la place à une conception plus pragmatique, consciente de la fonction critique de l’écriture littéraire comme de sa capacité à interpeller la démocratie.
Le réengagement des écrivains et la repolitisation de la littérature ont pris dernièrement des tournures spectaculaires et médiatiques, avec le recours à la littérature comme outil de demande de justice et de dénonciation des violences sociales ou sexuelles. Dans le discours public, les écrivains contribuent à la circulation des problématiques transverses comme celle de l’anthropocène ou du genre, alors même que la culture est l’objet d’affrontements idéologiques nouveaux comme en témoignent les débats sur l’appropriation culturelle ou la woke culture : l’œuvre artistique est réinvestie d’une valeur éthique comme d’une portée politique. Alors même que la catégorie médiatrice d’intellectuel tend à disparaître, la frontière qui séparait les engagements privés de l’écrivain de son œuvre tend à céder, dans un double mouvement d’activation politique et de responsabilisation de l’art et de la littérature.
Cette repolitisation a le double effet d’attribuer au travail artistique une force d’action, et de l’exposer aux critiques. L’écrivain devient directement imputable de son travail, non sans créer des effets de rétrospection troublants comme l’examen de conscience dont a fait l’objet en 2020 l’immunité complaisante dont a bénéficié Gabriel Matzneff. La peur, assez nouvelle, que des œuvres de fiction puissent blesser les sensibilités et véhiculer des contenus nocifs est un indice fort de ce réengagement dans des débats sociétaux : c’est, aux États-Unis, l’émergenc