Désobéir, de Frédéric Gros
Le livre de Frédéric Gros s’ouvre sur une phrase paradoxale de l’historien américain Howard Zinn : « Le problème, ce n’est pas la désobéissance ; le problème, c’est l’obéissance. » Il opère ainsi un renversement, ne considérant pas la désobéissance comme une entorse à la règle, mais envisageant la règle elle-même comme problématique. Le monde tel qu’il va, perclus d’inégalités, fonçant droit dans le mur de la crise écologique, se complaisant dans la violence, devrait faire naître partout la désobéissance. Pourtant, il n’en est rien. Ce sont donc notre propension à obéir et les ressorts de cette soumission qu’il s’agit d’explorer, avant même d’en venir au geste de celui, ou de celle, qui refuse de se plier à une règle considérée comme injuste.
L’ouvrage nous fait voyager dans l’histoire de la philosophie, dressant le portrait des « obéissants » (Eichmann), parcourant les œuvres qui ont défini cette propension à se plier, à se soumettre (La Boétie), avant d’en venir aux images classiques de la désobéissance, d’Antigone à Thoreau, en passant par Socrate. Désobéir est une responsabilité qui appartient à chacun en même temps qu’elle l’engage pour tous. Ce geste revient à reconnaître l’existence d’un « soi indélégable », qui n’a rien d’égoïste, puisque au contraire il nous amène à penser, à juger, à refuser. Pour Frédéric Gros, la philosophie invite chaque individu à découvrir ce « soi indélégable