
Ma tante est-elle fasciste ?
Désireux d’ordre, exaspérés par la corruption et la violence, angoissés par la menace de devenir « un nouveau Venezuela », de nombreux brésiliens ont été séduits par le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro. Partant d'un vécu personnel et familial, Amanda Dias nous livre ici une analyse du vote brésilien.
– Maman, c’est qui le barbu sur l’affiche ?
– C’est Lula, ma fille, un candidat à la présidence. Je ne sais pas pourquoi il fait ça, il ne va jamais gagner.
Nous faisons la queue dans une école publique, en attendant que ce soit au tour de ma mère de voter. Elle a dit ces mots sans exaltation. C’est un constat de l’inutilité de la démarche du « barbu ». Ma mère se prépare à voter pour Fernando Collor, le gentleman aux cheveux lisses bien coiffés sur l’affiche d’à côté. Dans mon esprit d’enfant, les deux images juxtaposées rappellent celles du Prince charmant et du Grand méchant loup.
« Si j’étais grande, je voterais pour Collor aussi », me suis-je dit, en me souvenant de la discussion que j’avais entendue chez mes tantes : « Je vais voter pour Collor, tu as vu comme il est beau ? On dirait un galant des telenovelas. » C’était en 1989, j’avais neuf ans et je me souviens d’avoir ressenti de la peine pour Lula. Ne se rendait-il pas compte du ridicule de sa situation ? J’ignorais tout de sa carrière politique, qui avait débuté dans les années 1970. Je n’eus pas non plus vent du fait que, après tout, Lula n’avait pas fait mauvaise figure face à Collor (47 % des votes, contre 53 %).
Cinq ans plus tard, j’ai quatorze ans et je suis surprise de voir à nouveau son image comme cand