
L’alerte, un enjeu démocratique ?
Les participants soulignent que lancer l’alerte est un geste démocratique important, mais s’opposent entre les défenseurs du simple citoyen qui sacrifie son intérêt particulier pour l’intérêt général et ceux qui valorisent les réseaux collectifs de défense des biens communs. Tous insistent sur le contexte de faillite des espaces traditionnels de la critique.
La figure du lanceur d’alerte est aujourd’hui connue du grand public, grâce à un certain nombre « d’affaires » révélées par les médias, différents films et des livres. Comment expliquez-vous l’intérêt de l’opinion pour ces figures ?
Francis Chateauraynaud – Les années 1990 ont été marquées par des affaires sanitaires et environnementales comme le sang contaminé, l’amiante ou les retombées de Tchernobyl, qui ont fait évoluer l’approche des risques et des catastrophes. C’est à cette époque qu’a émergé le principe de précaution, dont l’avènement s’est doublé d’une remise en cause des formes d’expertise traditionnelles. Au niveau européen, entre 1996 et 1999, la crise de la vache folle a conduit à un changement des dispositions collectives. Les signes précurseurs, ou signaux faibles, sont devenus des sources de préoccupation, contrastant avec ce que Patrick Lagadec avait appelé les « risques majeurs[1] », et c’est dans ce contexte qu’est né le concept de lanceur d’alerte