
La gauche malade de l'État. Remarques sur un syndrome de désorientation politique
La crise actuelle de la gauche permet d’interroger la place dévolue à l’État dans l’histoire de notre modernité politique. Alors que cette histoire a consacré l’État-nation, la dérégulation et la globalisation devraient pousser la gauche à s’en détourner au profit des dynamiques associatives de la société civile.
Remarques sur un syndrome de désorientation politique
La gauche française, une fois encore, offre le spectacle d’un champ de ruines. Comme celles qui l’ont précédée, cette crise conduit les uns à affirmer que le clivage entre droite et gauche a perdu toute consistance, d’autres qu’il faut en finir avec les principes obsolètes de la « vieille gauche », d’autres encore qu’ils sont plus que jamais pertinents. Cette contribution suivra une autre direction en partant du constat que, s’il n’y a rien de nouveau dans la dispersion des courants se réclamant de la gauche, plus inédite est la perte des repères qui leur permettaient de se situer les uns au regard des autres. Assumant le double risque d’une proximité et d’une distance excessives avec le présent, on tentera de montrer que cette désorientation, avant d’être imputable à la confusion des esprits, tient à des mutations qui touchent au cœur de la modernité politique : la place dévolue à l’État1.
Boussoles affolées : quel est ce nord que la gauche a perdu ?
Pour spectaculaire qu’il soit, l’éclatement de « la gauche » auquel est en passe d’aboutir le quinquennat de François Hollande ne doit pas surprendre. Les termes de droite et de gauche, en politique, n’ont jamais désigné deux blocs homogènes, mais chacun une multiplicité de courants2. L’histoire de la gauche, en particulier, est faite de phases d’oppositions frontales et d’autres où elles sont surmontées. La gauche est un phénix qui ne cesse de renaître de ses cendres.
Pourtant, plusieurs raisons empêchent de réduire la présente crise à l’oscillation d’un pendule. On notera d’abord que sa course était d’emblée raccourcie par l’écart entre la majorité qui a porté François Hollande à la présidence (les voix de toute la gauche y ont contribué) et celle plus étroite sur laquelle il a formé son gouvernement. On observera ensuite que les réductions successives de cette majorité ont moins été le résultat de défections subies que de ruptures provoquées par des décisions de l’exécutif. Cette tendance, on peut le présumer, sera prolongée par une élection primaire au spectre restreint qui verra s’affronter, entre socialistes, ceux qui recherchent « l’union de la gauche » et ceux qui jugent cette idée dépassée. Mais, ce troisième point est décisif, les oppositions des derniers mois portaient moins sur la réussite ou l’échec de la politique suivie, la tenue ou non des engagements pris, la nécessité reconnue ou contestée de se soumettre aux contraintes de la réalité, que sur les principes mêmes.
Que ce soit dans l’ordre économique et social ou politique et sécuritaire, pour défendre des propositions de lois nouvelles ou des actes de gouvernement (lois Macron et El Khomri, déchéance de nationalité, pérennisation de l’état d’urgence), le chef de l’État et le Premier ministre ont parlé de mesures « symboliques » dont l’importance tiendrait plus aux principes affirmés qu’aux effets pratiques escomptés. L’efficace du symbolique, en politique surtout, est loin d’être secondaire : c’est ce que confirment les tentatives, l’une avortée, l’autre aboutie, pour introduire dans la Constitution la déchéance de nationalité des binationaux et dans le droit du travail ce qu’on a appelé une « inversion de la hiérarchie des normes ». Ces textes portent sur des objets très différents, mais suivent des démarches analogues : l’exposé des motifs qui les précède montre qu’il s’agit, dans les deux cas, d’un renversement assumé de priorités.
Un syllogisme justifiait la révision constitutionnelle projetée : « La nationalité française attribuée dès la naissance confère […] à son titulaire des droits fondamentaux dont la privation par le législateur ordinaire pourrait être regardée comme une atteinte excédant ce qu’autorise la Constitution. » Or « il s’agit pour la communauté nationale de pouvoir décider de sanctionner ceux qui par leurs comportements visent à détruire le lien social ». Il faut donc « modifier notre Constitution ». La protection du « lien social » doit passer avant celle des « droits fondamentaux » : tel était donc le principe soutenu.
Sous une forme plus contournée, l’exposé des motifs de la loi Travail suit un raisonnement comparable. Il y est rappelé sur un mode concessif que « le rôle de la loi reste essentiel », mais c’est pour soutenir dans la même phrase que son domaine doit être « recentré sur ce qui est strictement nécessaire à la protection de l’ordre public ». Le renversement est clair : dès lors que ce qui ne touche pas à la protection de l’ordre public relève de la convention, la convention devient la règle et la loi l’exception. Ce nouveau principe a pour corollaire qu’il revient à « la négociation collective » d’assurer « l’adaptation [de l’organisation du travail] aux besoins économiques » : le point le plus contesté de cette loi (la prévalence de « l’accord d’entreprise ») en est l’application.
Dans ces deux cas, la modalité de la justification importe autant que la décision. Qu’un gouvernement se disant de gauche explique qu’il faut en rabattre sur les principes, au nom de la dure réalité ou de l’efficacité, cela ne mériterait pas d’être relevé. Il est moins banal de renverser des principes auxquels la gauche s’est historiquement identifiée : la protection des droits fondamentaux est la condition de possibilité de l’État de droit et donc de l’ordre public, la loi doit protéger le faible et donc encadrer les conventions entre employeurs et employés. Ces inversions de priorité sont d’autant plus frappantes qu’elles ne sont pas isolées, encore moins contradictoires comme on l’a suggéré. Le projet de réforme constitutionnelle, la politique sécuritaire, la loi Travail et la loi Macron renvoient à une même conviction : l’État doit être à la fois « recentré » sur ses fonctions régaliennes et « renforcé » dans leur exercice. C’est en vertu de cette logique qu’on s’autorise de l’état d’urgence pour borner l’expression d’un mouvement social et du 49.3 pour imposer au législateur le texte de loi contesté. L’état régalien impose la restriction de son propre champ d’intervention. Envisagé sous ce regard, le moment actuel représente moins une nouvelle phase du cycle d’union et de désunion familier à la gauche que son interruption possible. Pour lui trouver un précédent, il faut paradoxalement remonter au congrès de Tours (1920) : les « vingt et une conditions » posées par la nouvelle Internationale avaient également pour but de produire une rupture irréversible entre deux gauches jugées « irréconciliables3 ».
Il y aurait diverses façons de prolonger ces remarques. Le retournement de principes jusqu’ici admis par la gauche peut être évalué par chacun selon son propre positionnement politique qui poussera à conclure, selon le cas, que la distinction entre droite et gauche est caduque, qu’il faut assumer ces ruptures fondatrices d’une nouvelle gauche, ou qu’une telle opération relève de la fraude à l’étiquette. Un politologue, revenant sur les dernières décennies, verra dans l’orientation de l’exécutif actuel le produit composé du « mitterrandisme » et de la « deuxième gauche » : un produit dont il faudrait interroger la stabilité et une orientation encore indécise4.
On suivra ici une tout autre voie. Pour sommaires et partielles, peut-être partiales, qu’elles soient, les observations précédentes ont montré que le syndrome de désorientation qui affecte la gauche (et qu’aggrave la double crise sécuritaire et économique ouverte depuis le début du siècle) porte sur la définition des missions de l’État et leur ordre de priorité. Les boussoles de la gauche sont-elles désaimantées ou la force qui les attirait s’est-elle affaiblie ? Est-ce la gauche qui a perdu le nord ou le nord qui se dérobe devant elle ? Pour répondre à cette question, il faut interroger la place attribuée à l’État dans l’histoire conceptuelle de la modernité politique5. Mais il va de soi que cet examen se bornera à quelques moments clés, eux-mêmes présentés de façon très elliptique.
Un cornac, deux éléphants : la gauche, l’État, le peuple
On accorde aux termes de droite et de gauche une utilité pratique, pas la consistance de concepts. Rappeler comment ce clivage est apparu aidera à nuancer ce jugement. On cite en général le moment où, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen adoptée (le 26 août 1789), l’Assemblée nationale a abordé le débat sur la constitution6. Un récit contemporain permet d’être plus précis :
Dès avant la réunion des ordres, on avait remarqué dans la chambre même du tiers, que l’Assemblée était divisée en deux sections séparées l’une de l’autre par le bureau du président ; et soit effet du hasard, soit que l’identité des sentiments engageât les amis du peuple à se rapprocher entre eux et à s’éloigner de ceux qui ne partageaient pas leurs opinions, on s’aperçut qu’ils affectionnaient le côté gauche de la salle, et qu’ils ne manquaient jamais de s’y réunir. Les habitués du côté droit s’attachèrent à les discréditer et à les entacher du titre de factieux […]. Les partisans de la liberté se répandaient de leur côté en reproches contre leurs adversaires et les accusaient d’aristocratie. […] Telle était la disposition des esprits à l’ouverture des séances sur la constitution7.
Ce témoignage met en rapport les délibérations du tiers, en mai-juin 1789, et celles de l’Assemblée nationale, trois mois plus tard. Trois facteurs ont concouru à la bipartition du champ politique. Le premier est inhérent à la procédure délibérative : une assemblée qui décide par un vote ne peut échapper à la logique du clivage. Le deuxième, en apparence contingent, réplique cette logique dans l’espace : dans la salle en longueur où le tiers se réunissait, les députés devaient se répartir de part et d’autre du président qui occupait symboliquement le côté du roi. Le troisième facteur, décisif, est « l’identité des sentiments » qui inscrit cette partition dans la durée : en faisant de leur regroupement une habitude, les « amis du peuple » ou « partisans de la liberté » définissaient une orientation commune. Mais quels étaient les objets en délibération ?
En mai et juin 1789, avant la réunion des trois ordres, les débats de l’assemblée du tiers portent sur une question formelle mais essentielle : la vérification des mandats. Qu’elle soit faite par l’assemblée des trois états, et chaque député sera un représentant de la nation, non de son ordre. Cette revendication impliquait le « vote par tête » et la reconnaissance à l’assemblée du pouvoir législatif. L’ascendant pris par ses partisans au sein du tiers ouvre la voie à la transformation des États généraux en Assemblée nationale, et ainsi à la révolution. En septembre, l’enjeu du débat sur la constitution est au fond le même. La question du droit de veto suscite deux positions antagonistes : la droite veut conserver au roi le contrôle des lois, la gauche réserver le pouvoir législatif à l’assemblée. Cette fois, une mesure hybride l’emporte, le « veto suspensif » qui confère au roi un double statut : détenteur du pouvoir exécutif, il peut freiner, sinon bloquer, le pouvoir législatif dévolu à l’assemblée. La Constitution de 1791 entérine ce choix, mais le « côté gauche » l’emportera avec la proclamation de la République, en 1792.
De ce bref rappel, on retiendra que la bipartition du champ politique renvoie formellement au dispositif d’une assemblée qui revendique le pouvoir de légiférer : la convocation des États généraux – ce n’était ni voulu, ni prévu – a ouvert un espace délibératif où la révolution s’est engouffrée. Substantiellement, l’opposition portait sur l’attribution des pouvoirs législatif et exécutif et sur leurs rapports. Ces questions occupaient déjà la pensée des Lumières, on le sait ; mais on sait moins qu’elles étaient inscrites dans les concepts siamois de souveraineté et d’État autour desquels la modernité politique s’est très tôt structurée.
Le principe de souveraineté engageait une double spatialisation de l’État. À l’intérieur de leurs frontières, des puissances souveraines ne reconnaissent aucune puissance au-dessus d’elles, du moins dans l’ordre civil. Les rapports qu’elles ont relèvent de la force : virtuelle lorsqu’elles se reconnaissent réciproquement comme souveraines (c’est la diplomatie), actuelle lorsqu’elles le contestent (c’est la guerre). D’un autre côté, la souveraineté se définit comme une autorité politique exigeant l’obéissance de ceux qui vivent sur ses domaines. Cette autorité est un droit d’obliger (la volonté souveraine fait loi), d’où suit celui de contraindre et de sanctionner. Ces deux faces de l’État souverain (puissance et autorité) ne sauraient se confondre (la force ne produit pas d’obligation), ni se séparer (seule une puissance souveraine peut avoir une autorité). L’absolutisme faisait du prince le Janus en qui ces deux faces étaient réunies.
Ici réside le double paradoxe de l’absolutisme. Par opposition au tyran dont les décisions sont réputées arbitraires, le souverain absolu assied l’autorité de sa décision sur un pouvoir légitime d’obliger qui donne à sa volonté l’autorité nécessaire pour avoir le droit de contraindre. Mais il se différencie aussi du bon prince dont la prudence personnelle garantissait des jugements au cas par cas : le souverain absolu appuie ses décisions sur de « bonnes raisons » qui guident ses volontés et leur donnent le statut général et normatif de lois. Sous le signe de la raison d’État, ces « bonnes raisons » deviendront « la raison » de son successeur naturel et fictif, le « despote éclairé », puis de ses successeurs historiques et réels, les législateurs de la Révolution.
L’émergence de la forme État s’accompagne d’une autre distinction décisive : à côté du pouvoir de contrainte qui s’exerce sur les personnes, se développe un pouvoir spécifique de conformer l’ordre des choses aux décisions souveraines. Ce second versant du pouvoir exécutif auquel sont attribués des moyens sans cesse renforcés est l’administration qui se spécialise, se technicise, et donne naissance à ce qu’on appelle les corps, services ou appareils d’État. Cette machine étatique a pris une importance accrue à mesure que les questions commerciales et financières devenaient cruciales pour la souveraineté : de façon réglée et fortement dirigée sous le règne de Louis XIV et de ses grands commis, foisonnante et parfois anarchique de la Régence jusqu’en 1789.
Le principe de souveraineté s’est heurté à de multiples résistances, mais portait en lui la mutation cruciale qui devait l’affecter : le passage du pouvoir de contraindre au droit d’obliger exigeait un fondement qui le légitime. L’invocation de la succession dynastique et du « droit divin » ayant fait long feu, restait le consentement des sujets et, en fin de compte, l’attribution de la souveraineté au peuple. Mais comment le pouvoir d’obliger peut-il être compatible avec le libre consentement qui le fonde ? Le peuple sera-t-il législateur et gouvernement ? Déléguera-t-il sa souveraineté ? Ces questions sont celles des droits fondamentaux, de la représentation, de la séparation des pouvoirs. La distinction de la droite et de la gauche est apparue au moment d’en décider.
La montée en puissance de l’État souverain soulevait une question cruciale : l’État a-t-il en lui-même le principe de son orientation (c’est l’idée de « raison d’État ») ou doit-il se mettre au service d’une volonté en droit et en capacité de la lui donner ? Le plus radical des penseurs politiques des Lumières avait répondu par des mots tranchants : souveraineté du peuple, volonté générale8. En 1789, ceux du « côté gauche » font leurs ses formules, mais ils vont les comprendre autrement, à partir de ce qui est à la fois une décision politique et une invention conceptuelle décisives : la greffe d’un troisième terme sur le couple formé par la souveraineté et l’État, celui de nation9. C’est la nation, plus le prince, qui réunit la puissance et l’autorité. Cette première mutation engage un nouveau type de spatialisation du politique, de la commune à l’État, que la Révolution a mis en œuvre sous les espèces de la conscription et de l’élection. Elle induit aussi un développement inédit de la troisième dimension de la souveraineté, le pouvoir exécutif, par un maillage administratif aussi serré que diversifié. Mais le concept de nation permettait surtout de tenir ensemble deux propositions renvoyant respectivement à la démocratie et au gouvernement représentatif10 : la souveraineté appartient au peuple et le peuple exerce sa souveraineté à travers ses représentants. Selon la première formule, l’acte fondateur de la Révolution est la prise de la Bastille, selon la seconde le serment du Jeu de paume. L’équivocité méthodique du concept de nation portait ainsi une double polarisation : entre la droite et la gauche, mais aussi à l’intérieur de celle-ci.
Du point de vue de l’histoire conceptuelle (il faudra longtemps encore pour que ce tournant soit effectif), la Révolution française accomplit un cycle : la première modernité débouche sur la reconnaissance de l’État-nation comme réalité constitutive du monde politique des modernes et de la représentation comme principe normatif et régulateur des rapports entre la nation et l’État. En prenant à son compte ces propositions, est-ce de l’État ou du peuple que la gauche se proposait d’être le cornac ? La question était laissée en suspens, et le restera.
Ménage à trois : L’État-nation, le marché et la gauche
La première modernité devait sa dynamique à la montée en puissance de l’État ; la seconde doit la sienne à celle de l’économie marchande. La confrontation était inévitable entre ces deux logiques totalisantes : le principe de souveraineté élargissait le domaine de la loi à l’ensemble des rapports sociaux, le principe de libre-échange faisait de tout bien une marchandise potentielle. S’il est hors de question de retracer, même succinctement, l’histoire convulsive de ce couple, on peut montrer comment elle a conduit la gauche à se redéfinir et, pour ainsi dire, à s’y inscrire en tiers.
On l’a vu : le clivage entre droite et gauche s’est formé dans un contexte où la question centrale était celle de la souveraineté. Or, à peine le principe unissant le « côté gauche » est-il adopté par la proclamation de la République (en 1792), qu’une seconde division recouvre la première : celle des Girondins et des Montagnards. La suite est connue : il faut attendre 1848 pour que l’idée de république et, avec elle, l’opposition entre droite et gauche reviennent au premier plan. Mais c’est dans un contexte qui va en surdéterminer la signification. La révolution de février 1848 portait, au nom de la nation, des revendications politiques : le suffrage universel et le gouvernement républicain. Son succès enflamme l’Europe au nom du principe : à chaque nation son État souverain. C’est le « printemps des peuples ». De ce point de vue, 1848 est une réplique de 1789.
Mais la victoire de février n’a été possible que par l’intervention des ouvriers parisiens dont les revendications étaient d’une autre nature. Momentanément reconnues par la présence de Louis Blanc au sein du gouvernement provisoire, indirectement prises en compte par la création des « ateliers nationaux », ces revendications relevaient de la « question sociale » qui agitait les esprits depuis deux décennies mais que le suffrage censitaire avait privé de toute expression politique. C’est ce qu’allait permettre l’élection d’une Constituante en avril (la première au suffrage universel depuis celle de la Convention) : minoritaire mais bien identifié, un groupe de députés entend y représenter les ouvriers. La répression du soulèvement de juin 1848 les isole et les disperse, mais rend paradoxalement incontournable une définition de la gauche dont l’index sera la question sociale autant que la souveraineté. Ce nouveau paradigme, brouillé sous le second Empire, revient au premier plan quand la République est installée et que la droite s’y rallie : dès lors, le républicanisme ne suffit plus comme principe distinctif d’une politique de gauche.
Dans le vocabulaire des débuts du xixe siècle, l’expression floue de « question sociale » recouvrait l’ensemble des effets induits par la première révolution industrielle. Les conditions de vie de la classe ouvrière naissante étaient assez révoltantes pour susciter la philanthropie, voire certaines initiatives politiques comme la loi interdisant le travail des enfants de moins de 8 ans, défendue par le baron Charles Dupin en 1841. C’est ici le cas de dire que la gauche n’avait pas « le monopole du cœur ». Mais, Dupin l’avait constaté à ses dépens, l’idée que la loi réglemente les conditions d’emploi, de travail ou, pire, de rémunération soulevait une résistance virulente. Depuis la loi Le Chapelier de 1791, une sorte de consensus de la « classe politique » stipulait que l’activité économique devait être déliée de toute sorte de réglementation, sinon pour assurer « l’ordre public ». Et on ne voit guère, jusqu’en 1848, que les représentants élus appartenant à la gauche politique aient fait exception11. Aussi les premières associations ouvrières se sont-elles formées sans lien véritable avec eux. C’est bien plus tard et de façon compliquée que le mouvement syndical tissera des liens avec la gauche politique. Il en est de même du mouvement coopératif et mutualiste, pourtant si important au xixe siècle : la gauche a témoigné à son égard d’une grande indifférence et ses courants les plus radicaux d’une franche hostilité. Si, à partir de 1848, la question sociale est inscrite à l’agenda des représentants politiques de la gauche, c’est d’une autre façon.
On peut proposer une lecture cursive de la façon dont cet agenda a été rempli. Les premières lois qu’on appelait « ouvrières » sont adoptées au cours de la seconde moitié du xixe siècle. Leur unification dans un Code du travail date de 1910. Cette législation reposait sur un présupposé que les principaux courants de la droite récusaient : parce que la protection de la liberté, de la propriété et des droits de chacun dépend de l’État, et puisque l’utilité commune doit prévaloir sur celle des particuliers, la loi est en droit d’encadrer les activités privées en fixant les limites qu’elles ne doivent pas enfreindre12. Ce principe de régulation doit être distingué d’un autre qu’on pourrait dire d’intervention, selon lequel l’État doit assurer lui-même les fonctions économiques dont dépend l’exécution de ses missions. Cette distinction, et la série de celles qui en découlent, est à l’origine des débats qui ont opposé les différents courants de la gauche jusqu’à la fin du xxe siècle, notamment à propos des nationalisations, de la planification et de la nécessité (ou non) d’un secteur public. En France, la gauche « régulatrice » a exercé souvent les responsabilités, la gauche « interventionniste » n’étant aux affaires qu’en de rares périodes (Front populaire, gouvernement issu de la Résistance, début des « années Mitterrand »). Mais, au-delà de cette polarisation, le croisement de ces principes a formé la seconde figure de l’État-nation qu’Étienne Balibar a appelée « État national social » : les notions d’État providence et de service public lui correspondent13.
À prendre un peu de recul, on observera d’abord que ces deux logiques ont en commun de compter sur la force de la loi pour contrer celle du plus fort et sur l’État pour reconstituer le commun que tend à dissoudre sa privatisation par le marché. C’est ainsi qu’on peut comprendre à la fois pourquoi les partisans d’une politique de régulation résistent à toute mise en question du principe de représentation (dont dépend selon eux la force de la loi) et pourquoi les partisans d’une politique d’intervention se méfient des mouvements coopératifs et mutualistes (qui troubleraient la dichotomie du public et du privé). Les uns et les autres, au-delà de leurs divergences évidentes, partagent la même foi en l’État et la même conviction que la politique a pour objet d’en prendre la direction.
Il est d’autant plus important d’expliquer ce qui a pu garantir cette foi et cette conviction et leur donner l’ascendant, sur le terrain des idées au moins, jusqu’à la fin du xxe siècle. Cette explication semble devoir être cherchée dans ce fait capital : si la seconde modernité est marquée par le développement de l’économie marchande, ce développement a eu pour cadre celui des économies nationales et, on aurait tendance à l’oublier, s’est durablement appuyé sur l’action des États. Cela n’est contradictoire ni avec le fait que la Première Guerre mondiale soit en grande partie le résultat de leur affrontement, ni avec les replis autarciques opérés à sa suite et de différentes façons par la Russie du « socialisme dans un seul pays », l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie. On peut même soutenir, malgré le rôle du plan Marshall, que l’essor des Trente Glorieuses concerne des économies qui sont encore largement des économies nationales et que l’action de l’État y a contribué de façon déterminante.
C’est à la fin de ce cycle et devant la profonde crise économique qui a suivi qu’a été lancé le programme de dérégulation à marche forcée des marchés intérieurs et du marché mondial dont Ronald Reagan et Margaret Thatcher sont les noms propres et néolibéralisme le nom commun. Selon les mots célèbres de Reagan, l’État ne ferait plus partie de la solution, mais du problème. S’en est suivi un programme politique paradoxal de dépolitisation volontariste de la société qui s’est décliné en France, comme d’habitude avec retard et en partie à contre-temps, sous les vocables d’externalisation (faire assurer par des entreprises privées des missions de service public), de révision des politiques publiques (les ramener à l’étiage des seules fonctions régaliennes), enfin de libération de l’activité économique (supprimer les règles qui l’entraveraient). Devant cette délégitimation de l’action de l’État par l’État lui-même, la gauche, quand elle ne s’est pas simplement convertie, s’est trouvée désemparée : avec la prise que la politique avait sur l’économie, elle voyait disparaître sa raison d’être.
Le ménage à trois débouchait sur un double divorce.
Pour garder le nord, changer de paradigme
Avoir identifié les repères en fonction desquels la gauche s’est définie permet de mesurer la profondeur de la désorientation dont elle souffre aujourd’hui. Caractériser la rupture opérée dans les dernières décennies, tant du point de vue de l’histoire sociale que de l’histoire conceptuelle du politique, conduira à suggérer que, pour surmonter cette crise, la gauche devra, pour ainsi dire, se désintoxiquer de sa dépendance à l’État.
L’État-nation est le cadre auquel la modernité politique a demandé d’assurer la reconnaissance de la souveraineté du peuple, tout en la canalisant par le dispositif du gouvernement représentatif, et de favoriser le libre développement du marché, tout en l’équilibrant par un certain degré de protection sociale. Ces réquisits ont été remplis, suivant le cas, successivement ou simultanément14. Ce modèle s’est montré efficient et d’une certaine façon continue à l’être. Mais il est manifeste qu’il a atteint ses limites en tant que paradigme structurant une représentation cohérente et complète de la société.
On a évoqué les politiques menées depuis la fin du xxe siècle en faveur de la dérégulation de l’économie. Il est aujourd’hui manifeste qu’elles ont accompagné, plutôt que causé, le processus beaucoup plus large de la mondialisation. La division du travail, en devenant planétaire, a permis ce phénomène inouï qu’est l’occultation d’une part essentielle de la société : la classe ouvrière a été rendue invisible, par sa délocalisation dans des contrées où elle est « hors-champ », par son émiettement et son confinement dans les sociétés développées. L’espace dans lequel se développe l’activité humaine n’est plus structuré par les frontières des États : c’est un espace global irrigué par un flux incessant d’informations, de capitaux, de marchandises et d’hommes. Bien que ces rapprochements soient choquants, on peut tenir pour également dérisoires les efforts des États pour contrôler l’accès à Internet et l’évasion des capitaux, empêcher la circulation de produits prohibés ou endiguer des flux migratoires irrépressibles (même au prix d’un inutile reniement moral). Mais l’essentiel est la portée positive de ces échecs.
Si les questions politiques sont celles qui concernent une collectivité humaine et requièrent un pouvoir de décision qui l’engage, les questions politiques d’aujourd’hui se posent à l’échelle d’un monde globalisé. Elles concernent la régulation de l’économie marchande et de sa financiarisation, la lutte contre les inégalités accrues qu’elles génèrent, la maîtrise d’un mode de production qui met en danger notre écosystème, celle de mouvements migratoires qui sont l’effet conjugué du développement inégal, du changement climatique et des guerres qu’ils suscitent. La mission régalienne de base, la sécurité, n’est pas moins concernée. Les vagues terroristes qui, depuis le 11 septembre 2001, ont touché la plus grande partie du monde (et non, comme on feint de le croire, les seuls pays occidentaux) ne sont territorialement assignables ni dans leurs sources, ni dans leurs cibles. Les opérations de guerre qui leur répondent ne sont pas conduites par des États souverains mais, sous le nom de coalition, par des dispositifs ad hoc qui unissent des armements plus que des armées ; elles ne sont pas menées contre un État souverain (même si Daech a cette prétention), mais contre d’autres dispositifs dont la guerre même est le but et dont la principale force est l’ubiquité. Quant à la « guerre » menée par les États contre leurs ressortissants devenus terroristes, elle souligne l’effacement de la distinction entre puissance et autorité, armée et police, en un mot l’incapacité à penser sous le paradigme de l’État-nation qu’on ne cesse d’invoquer.
Si ce paradigme est inadéquat au nouvel espace de notre monde globalisé, est-il encore en mesure de remplir le rôle d’intégrateur politique qui a longtemps été le sien ? Rien n’est moins certain. Nous avons vu qu’en s’identifiant avec la forme de l’État-nation, la gauche a successivement choisi la représentation plutôt que la participation, la législation plutôt que l’association. Participation et association sont les deux points aveugles du gouvernement représentatif dont il est difficile de méconnaître qu’il a de plus en plus de peine à produire le lien social, la légitimité politique et la capacité de la société à prendre des décisions sur elle-même. Cela a été suffisamment établi15.
Au regard de ces premiers constats, la célèbre formule de Jacques Ellul, « penser global, agir local », pourrait symboliser le double impératif de la politique aujourd’hui : élargir notre horizon politique aux dimensions d’un monde globalisé, rapprocher notre pratique démocratique du milieu (naturel et social) sur lequel nous avons prise. À cette aune, le paradigme de l’État-nation est trop étroit pour constituer notre horizon de pensée, trop lointain pour être le domaine de notre action. Faut-il conclure, en cascade, que l’État, la nation et la gauche ont solidairement atteint leur date de péremption ? Non sans doute : en tout cas pour les deux premiers, un tout autre constat doit être fait. Mais les raisons de juger cette conclusion erronée ne sont pas toutes de nature à rassurer.
Les remarques dont nous sommes parti n’ont pas mis en lumière, tant s’en faut, un dépérissement de l’État mais, ce qui est bien autre chose, son rétrécissement et son renforcement simultanés. Un rétrécissement actif puisqu’il consiste à se faire l’auxiliaire de la logique propre du marché16. Un renforcement qu’on peut aussi qualifier d’involutif puisqu’il se rabat sur la sécurité extérieure et intérieure dont, qui plus est, la distinction est rendue perméable alors que c’était précisément l’un des principaux acquis de l’État de droit que de l’avoir fermement établie.
La référence à la nation a si peu disparu qu’on pourrait parler de son retour au premier plan. Mais, ici encore, nous avons affaire à une conception bien particulière de la nation : non celle d’une communauté politique d’institution, mais d’une identité différentielle obsédée par la séparation du national et de l’étranger. Ce nationalisme, c’est le terme propre, n’a cessé de gagner du terrain en Europe depuis le démantèlement de la Yougoslavie. Il est en passe de devenir une norme de la politique mondiale tout en prenant la coloration nouvelle d’un prétendu « conflit des civilisations ».
Ce double constat débouche sur une impasse qui ne peut laisser impavide : entre les questions politiques dont nous avons dit qu’elles étaient celles de notre temps et les représentations politiques qui tendent à prévaloir aujourd’hui, le divorce est patent. On sera tenté d’ajouter que la première victime de ce divorce est la gauche, condamnée soit à se dissoudre dans le courant dominant, libéral et sécuritaire, soit à se cramponner à une conception du rôle de l’État qui ne permet plus de penser notre monde et une conception de la nation qui est devenue inaudible. Cette conclusion est-elle inéluctable ? Cette contribution voudrait précisément suggérer qu’il pourrait en être autrement, à condition d’abord de transformer en profondeur le concept de politique dont nous avons hérité, ensuite et à partir de là de considérer à nouveaux frais les bifurcations dans lesquelles la modernité politique et la gauche avec elle se sont engagées comme l’indication d’autant de possibles à réinventer.
Le concept antique de politique était ordonné à la forme Cité, son concept moderne à celle de l’État souverain dont, on l’a vu, l’Étatnation et l’État national social sont des déclinaisons. Ces figures du politique ne sont pas les seules, mais leur évocation suffit pour mettre en évidence une distinction essentielle ici : les cités n’ont pas disparu avec leur soumission aux empires d’Alexandre puis de Rome, ni les États de l’Europe avec le passage de la souveraineté absolue au gouvernement représentatif. Évoquer la nécessité d’un changement de paradigme politique ne signifie pas que les fonctions de l’État sont obsolètes, ni qu’il n’y a plus de communauté concrète répondant à l’idée de nation, mais – cela est bien différent – que nous avons besoin d’une compréhension nouvelle du politique dont l’État-nation ne peut plus être le centre de gravité. Cette remise en question concerne-t-elle ce qu’on appelle la gauche ? Sans aucun doute, dans la mesure où, nous l’avons observé, son orientation s’est définie en reconnaissant à l’État la place centrale que lui a donnée la modernité. Mais cette conclusion est réversible.
À trois reprises, nous avons noté l’importance de lignes de partage qui ne concernent pas le rapport entre droite et gauche, mais celui de la gauche avec elle-même. C’était d’abord le cas lorsqu’à l’abri du concept de nation, les principes du gouvernement représentatif ont recouvert ceux de la démocratie, réduisant au seul processus électoral la participation des citoyens à la formation de l’opinion et à la prise de décision. C’était le cas encore lorsque la gauche politique tout entière s’est employée à tenir à l’écart cette partie du mouvement social qui s’inspirait du principe d’association, en particulier les mouvements coopératifs et mutualistes. C’était le cas enfin, plus récemment, lorsque toute une partie de la gauche a minoré et neutralisé la « question sociale » : d’un côté, en la recouvrant au nom du réalisme par un discours de bonne gestion qui est celui de l’économie de marché ; de l’autre, en substituant à la question des inégalités un discours de compassion morale sur la misère qui fait de la politique sociale une sorte de philanthropie publique. En soulevant ces questions à nouveaux frais, la gauche ne se trouverait-elle pas de plain-pied avec les problématiques dont nous avons vu qu’elles exigeaient un changement de paradigme dans notre conception du politique ? Ne serait-elle pas conduite aussi à repenser la nature et la place de la loi, aujourd’hui de part et d’autre confondue avec un règlement administratif ? On accordera un peu plus de crédit à ces hypothèses si l’on observe que les questions de la participation, de l’association, du refus d’un développement destructeur et inégal sont déjà au travail, face à la vague néolibérale, sous le concept protéiforme de société civile.
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Philosophe, il est notamment l’auteur du Principe d’obligation. Sur une aporie de la modernité politique, Paris, Ehess/Vrin, 2007.
- 1.
Cette contribution prolonge un texte déjà ancien, « Octobre 2008 : le retour de l’État ? Perspectives politiques sur la crise financière », La Vie des idées, 2008 (http://www.laviedesidees.fr), et l’entretien qui l’a suivi : « État, marché, et société civile », dans Regards sur l’actualité, no 362, La Documentation française, juin-juillet 2010, p. 8-18.
- 2.
René Rémond avait intitulé son ouvrage célèbre la Droite en France avant de faire passer dans le titre le pluriel qui résulte de son enquête. Les historiens et politologues parlent volontiers des droites et des gauches, comme récemment Jacques Julliard, les Gauches françaises, 1763-2012. Histoire, politique et imaginaire, Paris, Flammarion, 2012.
- 3.
Mais une décision opposée, quinze ans plus tard, a rendu possible le Front populaire. La singularité du moment présent serait que personne ne propose comme Léon Blum de « garder la vieille maison » : la volonté de rupture est partagée par les épigones du socialisme post-mitterrandien, de Manuel Valls à Jean-Luc Mélenchon.
- 4.
L’actuel président, face aux surenchères de son prédécesseur, refusait le 26 juillet 2016 de « déroger à nos règles constitutionnelles » – ce qu’il estimait nécessaire en décembre. Changement d’orientation ? Ce n’est pas sûr : ce refus est justifié par le « manque d’efficacité contre le terrorisme » des mesures demandées.
- 5.
Sur cette notion, voir B. Bernardi, « Pour une histoire conceptuelle du politique. Questions de méthode », dans Sarah Al-Matary et Florent Guénard (sous la dir. de), la Démocratie à l’œuvre. Autour de Pierre Rosanvallon, Paris, Seuil, 2015, p. 31-48.
- 6.
Établir les droits fondamentaux avant la constitution faisait de leur respect la condition de l’ordre public.
- 7.
Histoire de la Révolution de 1789 et de l’établissement d’une Constitution en France, par deux amis de la liberté, tome III, chap. iv, Paris, Clavelin, 1790, p. 51-52 (l’attribution à François-Marie de Kerversau est douteuse). Ce passage a été recopié l’année suivante par Pierre-Jean-Baptiste Nougaret dans ses Anecdotes du règne de Louis XVI, tome VI, Paris, 1791, p. 156 et suiv.
- 8.
Rousseau : les plus radicaux en politique ne sont pas forcément ceux qu’on a proclamés « lumières radicales ».
- 9.
Sieyès est celui qui a formulé le plus précocement et fortement cette mutation.
- 10.
Sur cette question, voir Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Calmann-Lévy, 1995.
- 11.
La loi dite du maximum prise par la Montagne en 1793 est, au sens fort, l’exception qui confirme la règle.
- 12.
Les positions singulières du bonapartisme et du gaullisme demanderaient un examen à part.
- 13.
Cette notion, souvent utilisée par Étienne Balibar, est formée dans Nous, citoyens d’Europe ?, Paris, La Découverte, 2001. Cet ouvrage est à la source de bien des idées abordées dans cette contribution.
- 14.
Deux phases successives dans le cas de la France, pas dans celui de l’Allemagne qui, sous le nom d’empire, s’est constituée simultanément en État-nation et en État national social.
- 15.
Sur ce point, je me permets de renvoyer à deux de mes contributions : « L’opposition entre représentation et participation est-elle bien formée ? », La Vie des idées, 2008 (http://www.laviedesidees.fr/L-opposition-entre-representation.html) et « En marge de Castoriadis : sur le concept d’auto-institution de la société », dans Nicolas Poirier (sous la dir. de), Cornelius Castoriadis et Claude Lefort : l’expérience démocratique, Lormont, Le Bord de l’eau, 2015.
- 16.
Voir « Octobre 2008 : le retour de l’État ? » et « État, marché, et société civile », art. cités.