
« Je t’aime, moi non plus »
État et société en France
L’histoire politique française est marquée par une centralité de la figure de l’État, à la fois critiqué pour ses manques et ses abus, et sollicité comme l’acteur principal de la transformation sociale. Cette relation ambivalente entre État et société pourrait être apaisée par la promotion d’un accès plus démocratique aux rouages du pouvoir.
Aussi diverses soient-elles, les cultures politiques françaises ménagent toutes à l’État une place centrale dans l’agir des sociétés. Ici réside sans doute l’un des traits les plus caractéristiques du débat politique national au regard d’autres nations, en Europe comme hors d’Europe. L’État y est l’astre rayonnant sur toutes les doctrines, sur toutes les controverses, sur toutes les dynamiques politiques. Vilipendé, adoré, souvent tout à la fois sollicité et répudié, il n’est jamais ignoré. Au pays de Proudhon, l’État n’a cessé d’être le grand spoliateur des biens, des libertés, voire des vies quand il s’engage dans des guerres, autant qu’il peut passer pour le grand redistributeur, garant de l’égalité et de la paix civile nécessaire au « doux commerce ». Indispensable État donc, qu’atteste la faible prise des doctrines lui étant franchement hostiles, comme le communisme libertaire, relégué dans un rayon exotique du musée des idées politiques, ou le libéralisme conséquent. En France, les deux adversaires, socialisme et libéralisme, qui devraient partager la même répugnance face à l’État, qu’ils appellent à combattre et rêvent de voir disparaître, n’ont pourtant cessé de nouer avec lui des relations intéressées.
Comment rendre compte d’un tel règne, auquel Tocqueville accorda une attention d’historien, observant la continuité liant l’État royal à l’État révolutionnaire et la permanence des passions contradictoires que suscitait ce Léviathan ? Seul le socle de sa souv