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« Et M. Bienvenu-Martin continue toujours avec beaucoup de Briand son opération chirurgicale. » Charles Lucien Léandre, Le Rire, 20 mai 1905
"Et M. Bienvenu-Martin continue toujours avec beaucoup de Briand son opération chirurgicale." Charles Lucien Léandre, Le Rire, 20 mai 1905
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Le discours des Bernardins et l’avenir des religions dans la République

Qu’a fait d’autre Emmanuel Macron, le soir du 9 avril 2018 aux Bernardins, qu’une traduction de la sagesse, de l’engagement et de la liberté du chrétien dans et pour l’Etat ?

De l’avis général, le président de la République a fait un discours remarquable, le lundi 9 avril, devant les évêques de France et leurs invités, sur les liens entre la République et l’Eglise. Cela se passait aux Bernardins, un ancien collège cistercien, magnifiquement rénové, qui semble devenir pour l’Eglise le haut-lieu de ses rencontres solennelles (Benoît XVI y avait tenu son discours devant les intellectuels en septembre 2008).

Pourquoi cette rencontre ? Les présidents vont aux dîners annuels du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) ; ils rencontrent les musulmans lors de la rupture du jeûne durant le Ramadan ; M. Macron a reçu récemment les protestants pour le 500ème anniversaire de la Réforme luthérienne… Il était presque inévitable que les catholiques – représentés par la Conférence épiscopale de France - l’invitent à leur tour. D’autant plus qu’ils sont affrontés à une difficulté : ils sont en voie de devenir ou sont déjà à leur tour une minorité religieuse parmi d’autres, et cette récession ne va pas sans douleurs ni traumatismes chez certains et beaucoup d’incertitudes chez d’autres quant à la place et au rôle de l’Eglise dans la Cité politique. Ce ne sont pas les plus croyants qui souffrent du recul de l’Eglise : leur foi au Christ se passe des pompes et des œuvres de celle qui était naguère la « fille aînée de l’Eglise », de la « France catholique » et les liens équivoques qu’entretenaient avec les pouvoirs politiques et religieux. Mais d’autres catholiques, qui vont de très « pratiquants » à complètement « détachés », n’admettent pas cette nouvelle donne et mènent un « combat de civilisation » (une expression de Marion le Pen, mais partagée au-delà d’elle). Il s’agit à la fois de lutter pour que la France continue de s’inspirer des valeurs chrétiennes, concrètement : de refuser les lois libérales, relativistes et permissives sur le début et la fin de la vie et de s’opposer  à un islam perçu comme violent et conquérant, qui bouscule l’Europe chrétienne.

L’opposition entre les tenants de l’Evangile et ceux des valeurs et de la culture catholiques recouvre en partie celle entre cathos de gauche et cathos de droite, entre « ouverts » et « identitaires ». Participant des deux tendances, même si la « droitisation » des idées et des préférences s’affirme aussi chez elle, cette Eglise affaiblie régit certes encore nominalement un nombre impressionnant d’institutions scolaires, éducatives, spirituelles. En particulier, comme l’a rappelé Mgr Ponthier avant l’intervention du président de la République, nombre de catholiques sont investis dans les œuvres d’assistance et de solidarité auprès des plus vulnérables. Et pourtant, l’Eglise semble sur la défensive et le déclin. Affectée en outre par des scandales comme la pédophilie, qui ternissent son image, elle voit fondre ses ressources matérielles et humaines, ses prêtres, ses militants, ses capacités d’action et son dynamisme.

C’est dans ce contexte que le président de la République a pris la parole aux Bernardins, avec un discours qui a dû mettre du baume au cœur des évêques français « aux heures de doute sur la place des catholiques en France, sur l’audience de l’Eglise, sur la considération qui est accordée [aux catholiques] ».Sur la forme, le président a dit d’entrée de jeu qu’il ne voulait pas esquiver ou passer par pertes et profits la dimension spirituelle du catholicisme et des autres religions. « La laïcité n’a pas pour fonction de nier le spirituel ». En procédant à une lecture purement sociologique ou culturelle des religions et de leur rôle, on fait, selon lui, « le lit de la vision ‘communautariste’ des religions »,   si répandue aujourd’hui. Il l’avait dit encore plus explicitement dans le discours aux protestants, le 22 septembre 2017, pour la célébration des 500 ans de la Réforme protestante : « Nous pouvons à loisir adopter à l’égard des religions une vision entièrement culturelle et considérer qu’une religion se définit par des rites, des usages sociaux, par des références et des traditions qui relèvent d’une culture particulière…Mais cette Réforme dont nous parlons fut d’abord un geste de foi ».

 

Les trois « dons » de l’Eglise catholique à la République

Une fois ce préalable affirmé avec force, M. Macron utilise un artifice rhétorique pour dire à ses auditeurs que la République attend « beaucoup » de l’Eglise. En l’occurrence, elle attend de la part des catholiques trois « dons » : leur sagesse, leur engagement, leur liberté.

Devant les projets de nouvelles lois en matière bioéthique et migratoire, le président invite les catholiques à la « vertu aristotélicienne » de prudence, qui est « conciliation du droit et de l’humanité ». Ils doivent dire ce qu’ils ont à dire, formuler leurs convictions, leurs objections et leurs propositions. Mais immédiatement après vient le rappel : ils sont un parmi d’autres. Eux-mêmes pluriels, ils doivent s’en tenir au questionnementet refuser de pratiquer l’injonction, renoncer donc à mettre en demeure ceux qui ne pensent pas comme eux. Tout ce développement concernait bien sûr la discussion en cours à propos des lois de bioéthique à venir, et il constitue une mise en garde claire contre l’enfermement des catholiques de tradition ou identitaires, qui restent sur le pied de guerre, après avoir perdu la partie pour la loi Taubira en 2013, contre toute « permission » nouvelle (extension de la PMA, autorisation de la GPA, de l’euthanasie…). D’ailleurs, sur les réseaux sociaux, les catholiques de ce bord ne s’y sont pas trompés : aux Bernardins, les propos élogieux pour l’Eglise étaient selon eux de la poudre aux yeux, un trompe-l’œil ; en réalité M. Macron préparait le terrain et tentait de désarmer d’avance l’opposition des catholiques. 

En second lieu, tout en les remerciant pour leur forte implication dans d’innombrables formes d’engagement caritatif, M. Macron invita avec une particulière insistance, les catholiques comme les croyants des autres religions, à mettre aussi leurs énergies au service de l’engagement politique, « si décevante que [la politique »] ait pu être ». Le président de la République mettait ainsi le doigt sur un déficit fréquemment souligné : l’engouement des catholiques pour le social, leur forte présence dans les associations d’accueil et de secours, dissimule la faiblesse de leurs engagements en politique réels. A cet égard, les témoignages, auparavant, de personnes handicapées et de leurs accompagnateurs, si magnifiques fussent-ils, de même que le discours de Mgr Ponthier, tour de France des fragilités et des misères du monde, illustraient de manière presque caricaturale le constat de M. Macron sur l’absence du politique. Du reste, le document de la conférence des évêques de France d’octobre 2017, « Retrouver le sens du politique », que M. Macron cita de façon élogieuse, péchait déjà fortement de ce point de vue, nonobstant son titre. Il n’est pas impossible que l’invitation à l’engagement politique en tant que tel par M. Macron dissimulât aussi une mise en garde implicite, qui rejoignait ce qui a été dit de la sagesse : les batailles pour faire triompher à tout prix le point de vue catholique sur telle ou telle question particulière (comme lors du mariage pour tous) sont perdantes à tout point de vue, y compris en termes d’image (cela donne une impression de secte). Elles n’ont de sens qu’à être resituées, « incluses » dans un ensemble d’altérités politiques, dans « le souffle de l’histoire » et « le retour du tragique » à l’échelle globale. 

Le président de la République revendiqua enfin la liberté comme un don que l’Eglise peut offrir à la République : sa liberté de parole en particulier, fût-elle intempestive et à contre temps, « tantôt révolutionnaire, tantôt conservatrice ». M. Macron prenait ici à son compte un mot de Mounier, qui « explique que l’Eglise en politique a toujours été à la fois en avance et en retard, jamais tout à fait contemporaine, jamais tout à fait de son temps ». Liberté de parole pour entretenir tous les paradoxes et tous les dialogues, liberté d’action aussi quand l’actualité le commande, « liberté spirituelle » enfin, qui « ose parler d’autre chose que du temporel, mais sans abdiquer la raison ni le réel ». Chacun doit pouvoir croire, doit avoir la chance de croire « à une religion, une philosophie qui sera la sienne », et il faut reconnaître que le propos est impressionnant : M. Macron affirme sans sourciller sa conviction de la nécessité d’une « altérité », d’un Autre dans le terre-à-terre « matériel » des sociétés et du monde où nous nous vautrons. Cette affirmation audacieuse est cependant contrebalancée ou rectifiée par une ultime mise en garde : le rappel d’une laïcité qui est « liberté absolue de croire comme de ne pas croire », « règle d’airain qui ne souffre aucun compromis ».

 

Interprétations pour aujourd’hui et demain

Trois remarques viennent à l’esprit à la lecture attentive de ce discours surprenant, prononcé par le premier magistrat d’une République qui se proclame urbi et orbilaïque. D’abord, M. Macron prend acte que « l’Eglise n’est pas tout à fait de ce monde » et qu’elle « n’a pas à l’être ». Cette différence par rapport à « nous qui sommes aux prises avec le temporel », cette « disparité de nos natures », M. Macron a bien compris qu’elles garantissaient la liberté de l’Eglise, mais aussi celle du pouvoir politique : aucun ne peut s’imposer avec sa nature propre pour réduire l’altérité de l’autre. Je ne sais ce qu’il en est des autres religions, mais il est manifeste que l’actuel président de la République connaît bien, et de l’intérieur, l’Eglise catholique. Il n’a pas besoin d’avoir lu une immense littérature pour cela : s’il a lu et assimilé, outre Ricœur et Pascal, les auteurs qu’il cite – notamment Mounier, Marrou et surtout de Lubac[1]-, on comprend parfaitement des inflexions de son discours, en particulier ce qu’il dit de l’identité irréductiblement spirituelle de l’Eglise. Ce faisant, il s’inscrit en faux contre les esprits éclairés, comme Elisabeth Badinter, qui ne voient de bonne religion que « libérale » (avec le moins possible de croyances métaphysiques ou « irrationnelles »). 

On peut noter ensuite, par rapport aux débats sur la laïcité, que M. Macron, tout en réaffirmant à plusieurs reprises non seulement son attachement personnel à la laïcité, mais sa nécessité absolue dans la République, l’arrache cependant non seulement à ses interprétations polémiques, mais aussi à l’idée de « laïcité positive ». Sans le dire, mais tout son discours va dans ce sens, il s’inscrit plutôt dans la ligne qu’a suggérée, il y a une vingtaine d’années déjà, l’Eglise mais que le « camp laïque » a toujours rejetée : celle d’une « laïcité de coopération », qui présuppose que chacun – l’Eglise et la République – ont besoin l’un de l’autre, ou du moins qu’elles ont avantage à multiplier la coopération dans la liberté mutuelle. On peut y voir aussi l’idée d’une « laïcité de reconnaissance », développée par des sociologues comme Jean-Paul Willaime ou Philippe Portier. Evidemment, si on allait jusqu’au bout de cette idée, on arriverait sans doute à l’idée de « cultes reconnus » – ce qui représente une hérésie dans le système de séparation français, basé aussi sur l’égalité républicaine des opinions et des croyances (c’est une des raisons pour refuser aujourd’hui tout avantage spécifique à l’islam en France, car ce serait une discrimination). La question reste : il est évident que certains cultes bénéficient de la part de la République d’une reconnaissance supérieure aux autres, ou que certains ont une forme de reconnaissance, et d’autres aucune. La loi de 1905 ne voulait plus tenir compte de l’histoire et de la culture passées, mais chassées par la porte, elles sont revenues par la fenêtre.

En troisième lieu, il faut quand même le dire : le président de la République est resté tout au long de son discours sur une ligne de crête ou une corde raide. Comme il s’adressait à l’Eglise catholique comme telle, ou à l’instance dirigeante de cette Eglise, minoritaire maintenant mais de loin la plus importante du point de vue quantitatif, culturel, politique, des religions historiques en France, il était normal qu’il soit beaucoup question des catholiques dans ce discours – même si constamment a été rappelée l’existence des autres, de tous les autres, y compris des sans religion. Le président a rappelé qu’il y a une histoire des catholiques avec la « nation France », que le catholicisme a accompagné l’histoire de France pour le meilleur et le pire. Il ne s’est pas arrêté aux controverses sur les responsabilités dans cette histoire tourmentée. Catholique lui-même par expérience et par culture, et quelle que soit son adhésion aujourd’hui, il s’en tient à cette évidence : le christianisme en général et le catholicisme en particulier, comme institution, foi, culture, ont été centraux dans l’histoire de France.

Et en même temps, en exposant avec beaucoup de respect et d’amitié ce que l’Etat attend de l’Eglise, il ne fait certes pas la leçon à l’Eglise, mais tout de même ! C’est lui qui dit avec une belle vigueur à l’Eglise ce que doit être sa ligne de conduite dans les années présentes et à venir, allant jusqu’à lui rappeler au passage sa « nature » profonde et l’appelant, en son centre institutionnel et théologique et non pas sur ses marges charismatiques, à un dynamisme qui n’est pas sa marque principale aujourd’hui. Le contraste entre le discours presque misérabiliste de Mgr Ponthier, qui réduisait l’action et le sens de l’Eglise à l’accompagnement des fragilités de toutes sortes, et le discours dynamique et entraînant du président de la République était frappant. Au fond, M. Macron a pris au mot les réflexions de Habermas sur leur rôle des religions dans nos sociétés post-métaphysiques : les politiques ont à apprendre d’elles, de leur sagesse immémoriale (et on pourrait ajouter : de leur engagement et de leur liberté), devant les grands problèmes éthiques en particulier. Mais Habermas ajoutait qu’au besoin les modernes, politiques et autres, devaient aller jusqu’à « traduire », réinterpréter ces vieux discours de sagesse que les religions sont devenues incapables de formuler elles-mêmes en langage moderne. Qu’a fait d’autre M. Macron, le soir du 9 avril 2018 aux Bernardins, qu’une traduction de la sagesse, de l’engagement et de la liberté du chrétien dans et pour l’Etat ?

 

M. Macron a-t-il remis en cause la loi de 1905 ?

Mais c’était à prévoir : le président de la République n’avait pas encore fini son discours que les tweets rageurs venus de la gauche laïque lui tombaient dessus à bras raccourcis. Son crime ? Il aurait remis en cause la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Telle était la question, telle est toujours la question au pays de la laïcité : a-t-il, a-t-elle remis en cause la loi de 1905 ? La réponse de plusieurs a été : formellement non, mais son discours était risqué par ses implications et il aurait mieux fait de s’abstenir. Qu’en penser ?

Puisqu’il est question de catholicisme ici, on pourrait se demander si notre laïcité n’est pas elle-même très « catholique » finalement, mais au mauvais sens du mot, c’est-à-dire si, par une sorte de mimétisme, elle ne reproduit pas ce qu’elle a combattu. Une « laïcité très catholique » : cet oxymore surprenant rappelle d’abord que la « loi de Séparation des Eglises et de l’Etat » – c’était le titre de 1905, aujourd’hui nous dirions sans doute « séparation des Religions et de l’Etat » - a été votée dans le cadre d’un conflit très vif avec l’Eglise catholique, et uniquement avec elle, et que la réception de la loi s’en est ressentie tout au long du XXe siècle et jusqu’à nos jours. Cette loi était taillée pour remettre à sa place, sa juste place par rapport au pouvoir politique et dans la République, l’Eglise catholique, et secondairement les autres cultes alors existants (judaïsme et protestantisme), qui l’approuvaient. De là, au XXe siècle, la difficulté de tout dialogue entre la République et l’Eglise catholique. Des relations, oui, bien sûr, il y en eut - dans quelques circonstances dramatiques surtout, mais pas de dialogue, pas de coopération.

Ce n’était pas uniquement de la faute des « gauches laïques », bien sûr : des attitudes intransigeantes et butées de l’Eglise n’y furent pas pour rien. Néanmoins, une partie de la tradition laïque n’en démord pas : nous avons en France, et pour l’éternité, le seul et unique mode de séparation qui vaille. Il n’y a pas à l’adapter aux nouvelles réalités : ce sont les nouvelles réalités qui doivent s’y résoudre ou se démettre. D’où, sans surprise, les difficultés quand un nouveau culte, l’islam, construite sur un autre modèle que les Eglises chrétiennes et le judaïsme, apparait sur le devant de la scène française. On voit ainsi se dessiner le second sens de l’expression « laïcité catholique » : elle signifie que la laïcité française semble congénitalement tentée de reproduire, par mimétisme, des traits typiques de l’Eglise catholique qu’elle combattait au début du XXe siècle, mais qui sont aussi précisément ceux que le concile Vatican II (1962-1965) a voulu corriger ou définitivement gommer : l’intransigeance, l’intolérance, le sectarisme, la condescendance par rapport aux autres, la suffisance par rapport au nouveau et le sentiment de supériorité par rapport à tout autre système.

Venons alors au fait : l’intervention et les mots du président de la République ont-ils porté atteinte à la loi de 1905 ? La réponse est formellement non, on l’a dit. Il n’est précisé nulle part dans la loi que le président de la République ou les pouvoirs publics doivent s’interdire de parler aux religions, ni que celles-ci doivent s’abstenir de s’adresser à eux. Il est seulement demandé aux premiers de « garantir », comme dit l’article 1, le droit des secondes, et à ces dernières de respecter, de ne pas contourner ni de prétendre changer les limites qu’ont posées les premiers dans l’article 2. M. Macron a rappelé fermement et à plusieurs reprises dans son discours l’article 1 : liberté absolue de conscience pour tous, croyants et non croyants, liberté de culte (de réunion et d’expression publique) pour tous les groupes, qu’ils soient religieux ou non. Les seules restrictions à l’exercice de cette liberté sont fixées « dans l’intérêt de l’ordre public ». Or, le président de la République n’a, que l’on sache, énoncé aucune restriction aux trois verbes fondamentaux de l’article 2 (« La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte »).

Mais certains (comme récemment Laurent Bouvet, fondateur du Printemps républicain, dans Le Figaro) y voient l’ouverture de la boîte de Pandore, en l’occurrence le risque que la République dialogue assez avec le culte musulman, en difficulté avec la laïcité, pour lui accorder des financements publics (pour la construction de mosquées, la formation d’imams, la rémunération d’aumôniers de prison… ). On peut en effet en discuter. En revanche, quand Bouvet fait de la laïcité un « principe philosophique et public », il ajoute à la loi de 1905, très pragmatique dans ses dispositions juridiques, un élément idéologique qui l’affaiblit, une obligation d’adhésion intellectuelle dont elle n’a pas besoin et un trait national qui lui enlève son universalité : faut-il s’étonner si déjà cette loi est perçue ainsi à l’étranger et si pratiquement aucune autre nation démocratique n’en veut ? 

 

 

[1] Henri-Irénée Marrou (mort en 1977), historien de l’Antiquité chrétienne, membre de l’équipe d’Esprit à partir de 1935. Henri de Lubac (mort en 1991), jésuite, un des plus grands théologiens du XXe siècle.

Jean-Louis Schlegel

Philosophe, éditeur, sociologue des religions et traducteur, Jean-Louis Schlegel est particulièrement intéressé par les recompositions du religieux, et singulièrement de l'Eglise catholique, dans la société contemporaine. Cet intérêt concerne tous les niveaux d’intelligibilité : évolution des pratiques, de la culture, des institutions, des pouvoirs et des « puissances », du rôle et de la place du…