
L’universel dans la brousse
L'argument universaliste est employé pour bloquer le retour des oeuvres d'art aux pays anciennement colonisés, mais il prend la partie (l'Europe) pour le tout (le monde). Comme le soulignait déjà Alioune Diop en 1956, restituer, c'est rendre le monde au monde.
Chaque fois que [les morts] nous voyaient, ils faisaient entendre des bruits désobligeants qui montraient qu’ils nous haïssaient et aussi qu’ils étaient furieux de nous voir vivants[1]. »
En France hexagonale, aujourd’hui, on convoque l’universalisme[2] en toutes circonstances. Le rappel, constant, qu’il existe des traits irréductibles de la vie humaine, indépendamment de tout conditionnement local et culturel, n’a bien souvent qu’un seul type d’objectifs. Partir en guerre contre le communautarisme. Ou encore contre le mal identitaire. Contre le multiculturalisme. Contre le narcissisme des cultures néolibérales. Contre le fanatisme religieux. Contre le voile et l’islam. Contre le supposé racisme des antiracistes. Contre l’écriture (inclusive), contre les mots (intersectionnalité, « racisé »…). Contre les États-Unis. Contre les expressions de joie lors des finales de football. Les scènes sont multiples, disparates. Et sur chacune d’entre elles, le terme « universel » est brandi comme un étendard. Il faut combattre le péril de la dislocation, les menaces présumées de séparation.
L’idée de l’universalisme s’expose toutefois sur une autre scène, qui peut apparaître moins soumise aux passions médiatiques : celle des arts et de la culture. Les lieux de l’art sont ceux de l’esprit – « la chose du monde la m