Nouveaux fragments d'une mémoire infinie
Chaque fois que j’écris le récit d’un souvenir personnel, je ressens davantage l’impossibilité de m’en tenir aux seules ressources de ma propre mémoire. Il suffit que je veuille évoquer un quartier d’une ville, ou un fait d’actualité qui aurait eu lieu à une certaine époque, pour que j’aille naturellement demander à Google de préciser ou de compléter mes souvenirs. Toute littérature d’introspection – autobiographie ou roman psychologique – devrait aujourd’hui, si elle voulait décrire aussi fidèlement que possible les cheminements d’un esprit, faire apparaître dans à peu près une phrase sur deux le nom de Google.
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Souvent, ayant retrouvé sur mon écran le plan détaillé de la ville où j’étais en voyage, ou bien le déroulement exact des événements qui faisaient alors la une des journaux, je redoute qu’une précision trop grande ne corresponde pas à l’état réel de mes souvenirs et donne une impression d’inauthenticité. Mais il est trop tard, quand on a goûté aux fruits de l’arbre de la connaissance, pour retrouver l’état d’innocence psychologique dans lequel on se trouvait auparavant. Alors je cherche une sorte de compromis entre la fidélité à ma mémoire faillible et la volonté de précision qui est