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Grande-Bretagne : une rentrée sportive

La Grande-Bretagne peut se réjouir de ses excellentes performances aux jeux Olympiques de Pékin, où elle termine troisième du classement général des médailles. Nul n’ignore que les prochains jeux auront lieu à Londres. Le budget initial a déjà triplé par rapport aux prévisions, mais les bons résultats de ses sportifs (en particulier les cyclistes) créent une dynamique nécessaire au succès des jeux anglais. Dans la foulée, le comité d’organisation lance un programme culturel ambitieux d’ici à l’été 2012.

L’effet positif de ces résultats sportifs sur le moral de la nation ne permet cependant pas au Premier ministre de reprendre pied. Rentrée sportive pour lui aussi, faite de rumeurs, de mauvais chiffres, d’attaques frontales venues de son camp, de plans d’urgence médiocres. Les performances économiques ne sont pas bonnes, puisque l’inflation au cours des douze derniers mois est à près de 5 % et que la chute de l’immobilier se confirme (baisse de 12 % entre août 2007 et août 2008). La Commission européenne prévoit même que la Grande-Bretagne entrera en récession à la fin de l’année. La crise financière n’est pas loin, puisque le plus important établissement de crédit est déjà l’objet de spéculations. Face à ces mauvaises nouvelles, Gordon Brown répète avec application que le pays est on ne peut mieux placé pour faire face aux chocs économiques, et vante les chiffres du chômage (qui pourraient cependant se détériorer considérablement si la crise du bâtiment se poursuit).

Une défense du blairisme

Comme si cela ne suffisait pas, l’approche du congrès annuel des travaillistes (qui, en 2007, avait marqué le début de la chute de Brown) semble aiguiser les ambitions. Le ministre des Affaires étrangères, David Miliband, a lancé la première salve dans une tribune publiée dans le quotidien The Guardian : peu de succès cependant, et personne ne s’est rallié à cette timide apparition d’un panache. Mais l’attaque la plus sévère a été portée par Charles Clarke, anciennement ministre de l’Éducation puis de l’Intérieur, dans un article publié par le New Statesman.

Cette tribune est avant tout une défense du blairisme, à la fois en matière politique et économique. Il suggère que l’ex-Chancelier de l’Échiquier, Gordon Brown, a bloqué nombre d’initiatives de Blair qui auraient été potentiellement positives (comme l’adhésion à l’euro, qui aurait marqué une plus grande intégration européenne). Il réagit plus largement à l’utilisation du mot « blairiste » comme une insulte (il n’y a pas qu’en France…). Il explique que le blairisme n’est pas une doctrine, mais qu’il repose simplement sur des pratiques et des façons d’agir individuelles. Il n’y a pas non plus de complot blairiste. En revanche, insiste-t-il pour terminer, « il y a une inquiétude profonde et largement partagée – qui n’est pas le résultat d’une idéologie – que le parti travailliste court au désastre si nous continuons sur notre lancée, inquiétude alliée à la détermination que nous ne laisserons pas cela se passer ».

Le lendemain de la publication de cet article, Clarke se répandait sur les ondes pour expliquer que Brown devait se démettre avec panache, plutôt que de continuer de la sorte. Il est peu probable que l’article de Clarke ait des suites, le nombre de divisions qui se tiennent derrière l’ancien ministre étant trop faible. Mais Gordon Brown, avec la crise financière mondiale, fait valoir son expérience en économie.

Clubs à vendre

La rentrée sportive, ce sont enfin les bouleversements considérables qui affectent le monde du football anglais. Il faut savoir que quatre clubs (Manchester United, Chelsea, Liverpool et Arsenal) le dominent et se partagent presque toutes les récompenses depuis plusieurs années, que deux d’entre eux sont la propriété de très riches hommes d’affaires étrangers (Liverpool et surtout Chelsea), et que l’argent que ces clubs brassent en salaires de joueurs (étrangers), de produits dérivés, de droits de télévision, de billetterie, est colossal. Depuis peu, plusieurs milliardaires étrangers ont acquis des clubs de football de première division (Portsmouth est la propriété du milliardaire russe Alexandre Gaydamak, fils de Arcadi Gaydamak, qui intéresse particulièrement la justice française ; West Ham, celle de l’Islandais Eggert Magnusson soutenu par son compatriote Bjorgolfur Gudmundsson ; Manchester City appartenait jusqu’à peu à l’ancien Premier ministre thaïlandais poursuivi pour corruption par la justice de son pays ; Newcastle dépend d’un self-made man britannique, Mike Ashley ; Chelsea appartient au milliardaire russe Roman Abramovich ; Liverpool aux Américains George Gillett et Tom Hicks, etc.) : on est loin des débuts du football autour de sociétés philanthropiques et autres associations religieuses.

Début septembre, le monde du football a été secoué par le rachat du club de Manchester City par un multimilliardaire d’Abu Dhabi, Sheikh Mansour bin Zayed Al Nahyan, qui veut en faire le premier club au monde : il se targue en effet de pouvoir acquérir les joueurs qu’il veut, puisqu’il n’a pas de problèmes financiers majeurs (et de négocier dans la foulée le transfert d’un joueur brésilien du Real Madrid, qui devait aller à Chelsea, Robinho). Un milliardaire indien cherche en ce moment à acquérir un club de première division, dont on dit qu’il pourrait s’agir d’Everton. La recette est donc simple : acquérir un club de football (Chelsea avait coûté environ 140 millions de livres sterling à Abramovich, Sheikh Mansour bin Zayed Al Nahyan a dépensé 210 millions de livres pour obtenir 90 % des actions de Manchester City, Ashley estime à 250 millions la valeur de Newcastle), mettre à disposition du club sa fortune (soit sous forme de don, soit sous forme de prêt, ce qui conduit à l’endettement dudit club), acheter les meilleurs joueurs de la planète, gagner des trophées : ce qu’Abramovich considérait comme une façon de s’amuser (it’s really about having fun). Si d’aventure votre club est deuxième plutôt que premier (ce qui est arrivé à Chelsea l’année dernière), il faut limoger l’entraîneur, et en acheter un meilleur (l’ancien entraîneur du Brésil par exemple, vainqueur de la coupe du monde).

Le championnat d’Angleterre de football devient le terrain de jeu de fortunes étrangères qui viennent investir, poursuivant ainsi le rachat de nombre d’entreprises britanniques par des fonds étrangers. Cette mondialisation du sport, encore totalement inconnue en France, le transforme bien évidemment. Ce ne sont pas seulement les nouvelles structures économiques des clubs qui sont en jeu, même si le fonctionnement des clubs est profondément modifié, mais l’esprit du jeu s’en trouve altéré. Ainsi, le football anglais s’est toujours nourri d’entraîneurs charismatiques, identifiés à l’équipe qu’ils entraînaient (Bill Shankly et Bob Paisley à Liverpool, Brian Clough à Derby puis à Nottingham Forest, actuellement encore Alex Ferguson à Manchester United, etc.). Les nouvelles règles du jeu viennent réduire la place de l’entraîneur, qui n’a plus le contrôle sur le recrutement (ni pour les arrivées, ni pour les départs des joueurs) : deux entraîneurs ont démissionné de leurs fonctions au début du mois de septembre, alors que le championnat n’avait pas trois semaines, pour protester contre l’impossibilité qui leur était faite d’exercer ce qu’ils considéraient encore comme leur métier.

D’autre part, l’arrivée de joueurs étrangers achetés à grands frais réduit les possibilités laissées aux joueurs anglais d’évoluer en équipe première : ils partent ainsi vers d’autres clubs, moins prestigieux, qui n’ont pas la possibilité de jouer en ligue des champions, et ne sont plus confrontés à la concurrence européenne et internationale (il n’est pas rare qu’une équipe comme Arsenal n’aligne par exemple aucun joueur anglais sur la feuille de match).

C’est alors l’équipe nationale qui en souffre, et les résultats récents de l’équipe anglaise (qui ne s’était pas qualifiée pour la phase finale du championnat d’Europe), alors que toute l’Angleterre vit dans l’attente de la répétition de la victoire en coupe du monde de 1966, viennent souligner la crise que traverse le football anglais, au moment où il peut prétendre abriter le championnat le mieux doté d’Europe. Ce sont enfin les centres de formation de jeunes qui sont affectés, puisque les jeunes joueurs ont peu d’occasions d’évoluer en équipe première. Le football est bien un spectacle mondialisé, dont la structure financière ressemble de plus en plus à celle de grandes entreprises plutôt qu’à celle d’associations locales appuyées sur un club de supporters.

Reste que les associations de supporters peuvent faire plier un propriétaire de club : les manifestations organisées à l’extérieur comme à l’intérieur du stade de la ville par les supporters de Newcastle, rendus furieux par le licenciement de l’entraîneur, ont abouti le 14 septembre à une déclaration du propriétaire du club, Mike Ashley, qui invite au rachat d’un club dont il ne veut plus. Victoire ultime des individus organisés face au pouvoir financier ?

TADIÉ Alexis

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